L' »effroyable mistral noir » comme l'appelle Nathalie (mais cela donne une lumière merveilleuse sur ses photos http://avignon-in-photos.blogspot.com/2010/02/winter-graphics.html ) s'est un peu calmé, ma carcasse en refus a gagné encore un peu de poids et frôle les 39 kgs, mais zzzzziiiiffffiiiiiizzz, la courbe de mon moral approche le bas du cycle, et je m'en persuade avec joie anticipée, suivra un futur élan jusqu'à émergement.
Etant désormais assez loin des derniers vases communicants, je me suis offert la lecture de « Qu'est-ce qu'un logement » de Guillaume Vissac http://www.publie.net/tnc/spip.php?article302 (je m'étais bloquée sur la première page, trop proche, en mieux, du texte que je me sentais hors d'état et d'humeur de modifier).
«Je ferme la porte derrière moi, la serrure rouillée entre les dents qui raclent. La terre brûlée coule contre le bois qui menace de l'éteindre. Qu'elle brûle aussi la porte et que je ne revienne pas.
Le rebond métallique de la clé dans la boîte aux lettres me rassure : peut-être qu'en réaction, l'immeuble entier se fendra sous son poids. » et bien entendu, lisant réellement ces premières lignes (ou presque) je réalise qu'en dehors de l'existence d'une serrure, il n'y a aucun rapport entre la neutralité de mes lignes et cette succession de logements, de démarches, de recherches, de déménagements pour et avec l'autre, de solitaire désagrègement.
Presque début, parce la première page, sur laquelle j'étais passée, dit :
« Je ne dirai plus de cet endroit que c'est chez moi.
Je ne dirai plus rien de cet endroit,
ni des précédents,
ni des autres. »
Parenté en partie, tout de même, puisque on y trouve le récit d'un ton détaché, neutre, si précis que dit comme à travers une somnolence, un rêve, des formalités de l'installation, mais il s'y ajoute aussi les recherches, les visites, le bail, les changements d'adresse, le partage des meubles.
Et cela est dit en petits (ou un peu moins petits) blocs de phrases dans un ordre qui déroute un peu, situations, pensées, la mise en caisse des livres et disques soigneusement classés, l'absence de livres dans un nouveau cadre, le dénuement peuplé, l'acceptation du cadre que l'autre décide
« Je te regarde.
Je te regarde peindre.
Je te regarde peindre le mur.
Je te regarde peindre le mur du coin bureau.
Je te regarde peindre le mur du coin bureau ou plutôt non.
Je te regarde peindre le mur du coin bureau ou plutôt non je regarde ton ombre.
Je te regarde peindre le mur du coin bureau ou plutôt non je regarde ton ombre qui s'étend.
Je te regarde peindre le mur du coin bureau ou plutôt non je regarde ton ombre qui s'étend pour peindre.»etc..
les rencontres avec les personnages accessoires et indispensables, les voisins, la vieille folle du 2ème, l'agent immobilier
« Votre dossier ça passe pas. Vous gagnez pas suffisamment d'argent. On peut peut-être essayer comme ça mais c'est pas dit que ça marche. Le tout l'air de penser qu'on lui fait perdre son temps, qu'elle s'en fout complètement de nos histoires, qu'elle se paierait bien un kebab en sortant et qu'elle demandera au type de pas trop forcer sur la mayo parce que merde... »
et la relation avec l'autre ou son absence est évoquée par les détails précis de la relation aux logements (dont la succession n'est que le résultat, la manifestation de l'évolution du couple.
Bien mal rendu, tout cela, comme ces notes prises sur le «livre des peurs ordinaires » http://www.publie.net/tnc/spip.php?article303 autre texte de Guillaume Vissac, paru le même jour et auquel j'avais donné la priorité, dont la lecture m'a été plus jouissive, et parfois plus touchante :
petites histoires, situations, numérotées qui renvoient presque toujours à un autre numéro - et la lecture peut se faire en suivant ces pistes ou en suivant l'ordre normal, avec dans le premier cas des rapprochements faisant sens ou savoureux mais le risque de passer à côté de certains petits textes isolés - un refrain "cela n'arrivera pas" avec le plaisir des variantes (ou de l'absence) - des situations triviales, réellement tragiques - une recension de nos petites craintes, superstitions, grandes terreurs, fantasmes
Des catastrophes imaginaires, la crainte d'un accident, la peur d'étouffé par un chewing-gun, la lecture d'un feuilleton (ou le visionnement), l'impossibilité d'écrire physique ou mentale ou par inconfort, plusieurs fois ce qui se passerait si liseuse tombait heurtée par un passant et "sauf que non", la séparation ou la mort, etc..
« Ces fictions du bord de l'œil que je me force à voir ne sont pas réelles : l'image projetée pupille droite est déformée par la tumeur qui presse arrière le tissu et l'écran. Mais non, je reviens sur mes pas, pensées, fragments et instants, ce n'est pas possible : je ne possède rien sous le crâne qui ne soit pas moi-même, jamais elle ne pourra se développer, jaillir, se propager »
« Un peu de sang sur la vitre et le crâne du type sonné par terre un moment. Le cache-objectif de mon Kodak s'est détaché et le flash a pris cher. Dorénavant, toutes les photos que je prendrai seront entachées de ce coup temporal inopiné... «
mais aussi : « ... Par deux fois déjà ils ont tirés les rois, j'ai fini sous la table. Ça oui, ils sont capables. Mais non, pitié, ça n'arrivera jamais, ne peut pas arriver. »
« Un jour – un jour – l'une de ces visions primaires sera vraie. Mais laquelle ? (suspens) «
et pour rendre ceci plus long, peut être plus indigeste, en y ajoutant ma note narcissique, ma participation aux « vases communicants » de février, qui avait bloqué ma lecture du premier, répondant au beau texte de Jean Prod'hom http://brigetoun.blogspot.com/2010/02/pour-demeurer-enfin-quelque-part.html et parue chez lui http://www.lesmarges.net/files/0f00481cf36777e636538a9db932136c-833.html
Trifouiller la serrure. La vaincre, et entrer. Poser dans un coin sa valise. Aller, d'un pas qui se veut ferme, ouvrir les volets, et puis toutes les portes. Chercher où poser son sac et son mobile, pour l'appel des déménageurs. Et puis regarder.
Avec un peu de timidité, une prière, sans vouloir, encore, chercher les défauts éventuels – avec interrogation, une supplique, sans servilité, pour être acceptée.
Chercher à sentir l'espace, l'étendue d'air autour du point où on se tient, et sa qualité. Dire un ou deux mots. Ecouter le son que l'on a, là. Se faire nez, délicatement, pour sentir les odeurs endormies, les promesses.
Aller s'appuyer au mur, à côté d'une fenêtre et face à la porte. Tâter la peau du mur. Le caresser de la main, et lui donner une petite claque. Glisser pour s'assoir sur le carrelage. Sourire à la pièce et à l'avenir. Attendre.
Attendre.
Allonger les jambes. Fermer les yeux. Poser les mains à plat sur les tomettes. Se sentir là, dans cette pièce. Aimer cela.
Attendre - jusqu'à ce que la sonnerie (cette absurde corne de brume que vous avez choisie) vous jette debout, vers la porte et dans l'effroi des murs de cartons qui vont investir l'espace, entre les meubles que les voix grommelantes dans l'escalier annoncent.
14 commentaires:
Grâve à vous, voir apprivoiser progressivement un lieu (avec ses brumes à protéger des coups de corne)...
Des envies migratoires ? Par un temps pareil! Entre des murs de carton, combien sont-ils?
Rassure moi Brigetoun, le secteur de l'immobilier tu ne le regardes que pour l'excitation d'avoir à apprivoiser éventuellement un nouveau logement en tant que locataire et non pas en tant que professionnelle ?
j'ai tout de même gérer entre 300 et 500 appartements pendant un peu plus de tente ans - et suis une catastrophe comme maîtresse de maison
géré, boudiou, pas gérer
Je crois beaucoup aux forces telluriques.
Je crois que les lieux nous font.
Ne pas oublier les cailloux dans les poches Brigetoun quand souffle "mistral noir"
L'âme des vents illumine l'absolue froideur de l'archange des temps.
Il vous en reste pas un petit au soleil d'appartement ? On est pas exigeants, juste que les voisins ne soient pas les nôtres... Pff, faut vraiment que je change d'air moi. Une autre chose : si je vous mangeais, vos 39 kilos me feraient grossir de 40%... Terrifiants, les chiffres. Mais je ne vais pas vous manger. Hé pas fou, si il restait un appartement ? Pardon Brigitte d'encombrer votre espace de mes pauvres pitreries...
merci de marquer (et non encombrer) mon espace, mais je n'ai rien moi, pas l'ombre d'un appartement. Voir les agence (en se méfiant, scandale en cours) et les vieilles maisons sont anti-soleil - lumière artificielle toute la journée ou presque - dehors soleil pour l'instant et vent très très froid
Fatiguée mais toujours ravie de me promener chez toi. Tu as l'art de nous balader !
Mon rêve un chez soi en dur que l'on pourrait déplacer à souhait.
PS : arrête de fumer tu vas reprendre du poids..si tu le désires bien-sûr.
Didonc, mon sac pour les cours pèse plus que toi, ma petite ! ;-)
(oui, je taquine)
J'ai adoré ce rapport tactile à l'espace, à une pièce...
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