Soleil un peu voilé et très glacé dans reste de vent sur la place de l'horloge, dans le désert d'un après midi dominical.

attente plus courte que craint, trop longue encore, presque, dans l'épaule de la place de la Principale, en se serrant, amateurs, danseurs avec ou sans spectacle (et cela se saluait, s'embrassait, se rappelait les Hivernales précédentes, se donnait des renseignements pratiques et des nouvelles de X, de Y et d'eux-mêmes) avant le spectacle de Nelisiwe Xaba (ma préférée dans la troupe de Robyn Orlin samedi soir), composé de deux pièces.

«They look at me, and that's all they think», en référence à l'histoire de Sarah Baartman, la «Vénus hottentote»

Petit caraco blanc, immense jupe ondulante en fin tissu (genre parachute) sur arceaux blancs, et elle danse-marche souplement avec un grand escabeau devenu chapeau ou charge sur le crâne, jupe qui se transforme en cape (et le corps, au cours de la danse tendre, virevoltante, alanguie, s'engloutissant un moment en ce flot de tissu qui s'étale sur le sol, ne laissant plus voir que le visage devenu candide, forme avec cette ampleur blanche un très doux et très ample bâillement), qui tendue sous un trapèze, devient écran pour de fugitives projections de femme noire dans le quotidien dérisoire de sa vie, juste un cran au delà de la notre, ou paroi de tente à travers laquelle, à contre-jour, on voit la nouvelle silhouette et les ballons gonflés qui sont seins et fesses) – mélange d'humour grinçant et de charme malicieux.

Pendant l'entracte, Brigetoun quitte sa place au deuxième rang d'où, dans sa vieille robe noire côtoyant avec une admiration légèrement honteuse une dame au sourire plein de dents, et à l'élégance merveilleusement sophistiquée (chaines nombreuses et bellement discrète, bibi charmant, tailleur étroit de cuir noir et manteau ébouriffant que j'aurais bien emporté), elle devait se tordre un peu trop le cou pour ne rien perdre de la danse, et s'installe, sur le côté, sur un des sièges réservés aux organisateurs ou retardataires.

«Plasticization 55'»

Elle descend de la tribune à travers le public, entortillée dans une matière écossaise, avec un masque imprécis (lapin à carreaux ?), embrassant à travers du papier certains, s'asseyant sur des genoux (toujours en interposant une mince feuille)

En dansant elle déplie ce qui l'enveloppait, qui se révèle sac de courses, gigantesque, devenu valise ondoyante, niche, habitacle dont ne sortent que les jambes à la belle danse, avec un pied sur un talon démesurément haut au bout d'une jambe gainée de rouge, et un pied dans un chausson à pointes rose nacré, ou des bouts de corps, des mains devenues pieds, avec un comique gentil, une danse au sol ironique, et parfois le corps se dresse, barré par cet improbable tutu géométrique, pour une parodie de classicisme extrêmement gracieuse comme seule peut la réussir une véritable ballerine. Un mélange de malice, de débrouille, de grâce.