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désolée, Paumée se veut à l'abri, sauf quand un acte fait déborder le vase, des allusions à la politique ambiante.. et si je suis reconnaissante aux envies de commenter je vous demande de me pardonner de rétablir la modération

mercredi, avril 14, 2010

Matin que je croyais gris doux et qui était de bleu lumineux et de premières feuilles d'un vert fragilement inouï

Matin de marche guillerette (malgré encombrement des sacs et maladresse) – après-midi d'absence cotonneuse et douloureuse, et pendant les accalmies je grappillais, revenant sur mes lectures des trois dernières nuits, dans les 150 premières pages de «la terre le feu l'eau et les vents» une anthologie du «Tout-monde» établie par Edouard Glissant, où manquent des noms que j'attendais, où je retrouve poèmes et grandes proses d'écrivains connus, et souvent aimés, où je trouve des lignes pour nourrir des noms célèbres et de totales découvertes, comme le fait que Wilfredo Lam, dont j'aime la peinture (découverte pourchassée dans les salles de Drouot et que je pense quasiment inconnu des générations qui me suivent) a aussi écrit

«Des ailes d'évasion, des présages d'oiseaux en plein vol effleurant nos yeux en contemplation de leur fuite, de leur exode, comme des langues de feu dans l'infini anxieux.»

et dans la ville il y avait des gens, et même les trois que j'avais rencontrés chez Michel Benoit http://avignon.midiblogs.com/archive/2010/04/12/disciplo-d-e-p-e.html

et dans le livre, il y a Milosz :

«Il y a une belle chambre secrète

Dans notre maison de repos ;

Là les ombres vertes entrent pas la fenêtre ouverte

Sur un jardin de charme, de solitude et d'eau

Il écoute... il s'arrête...

Que le monde est beau, bien-aimée, que le monde est beau.»

dans la ville, de belles dames aux limites du réel

dans le livre, les "poèmes physiques de la vision du 5ème feu" :

«Quand je pleure

sur le Monde

fais-moi voir la poignée

d'oiseaux infirmes

qui soutient ma poitrine»

dans la ville, des travaux à côté ou en travers de mes pas

dans le livre, Nicolas Guillèn :

«Une lance à la pointe d'os,

un tambour de cuir et de bois :

mon aïeul noir.

Un gorgerin sur un cou large,

une grise armure guerrière ;

mon aïeul blanc.»

dans la ville, de belles dames dans lesquelles marchaient les gens

dans le livre, Li Bai :

«Une cruche de vin parmi les fleurs,

Je bois seul, sans compagnon,

Je lève ma coupe pour inciter la lune,

Avec mon ombre nous voici trois.

Or la lune ne sait pas boire,

Et l'ombre inutilement me suit.

Lune, ombre, compagnons d'un instant,

Joyeusement célébrons le printemps !»

dans la ville, des touristes et des affairés,

dans le livre, Nâzim Nikmet :

«Que d'étoiles ont filé devant nous

Frôlant les eaux.

Chaque aurore n'était-elle pas le reflet

De notre nostalgie ?

On y va malgré tout, n'est-ce pas, on y va.»

dans la ville, les Halles, des asperges, de la morue dûment salée et des poissons,

dans le livre, Bakely Domenichini-Ramiaramanana :

«Le tonnerre gronde au loin dans l'Ankaratra

Les orchidées fleurissent au loin dans l'Anjaly

Petit-d'oiseau-bleu se met à pleurer

Qui-ne-craint-le-juste retour-de-choses se met à éclater de rire

Si c'est un juste retour de mort de mort qu'il ne soit accompli

Mais si c'est un juste retour d'amour qu'il soit accompli.»

et dans la ville, des dames que j'aurais aimé être moi

et dans le livre, Gaston Miron :

«Je demande pardon aux poètes que j'ai pillés

poètes de tous pays, de toutes époques,

je n'avais pas d'autres mots, d'autres écritures

que les vôtres, mais d'une façon, frères,

c'était un bien grand hommage à vous

car aujourd'hui, ici, entre nous, il y a

d'un homme à l'autre des mots qui sont

le propre fil conducteur de l'homme,

merci.»

à eux, et à vous les quelques qui lirez peut-être, merci à ce temps passé à copier qui a gommé carcasse, un peu.

Et, comme en sortant mes ordures le tas de publicités à notre porte était fort gros, l'ai pris dans mes bras et l'ai porté jusqu'au container – la lumière qui se couchait sur les remparts était d'une douceur infiniment belle, et un oiseau, sur une voute, m'a saluée.

11 commentaires:

Jeanne a dit…

"et dans la ville.. et dans le livre.." me suis Paumée en poésie, ai retrouvée pourquoi lire alors.. pour poser nos regards sur nos vies, pour vous accompagner dans vos déambulations urbaines - pour enchanter ma nuit qui peut alors se laisser à être rêveuse..
merci madame.

chri a dit…

Oui de l'apaisement à la venue des ténèbres du sommeil... Grâce à vous le noir nous est doux.

micheline a dit…

quelle activité! mais n'ai pas trouvé de quoi jeter

Michel Benoit a dit…

Toute l'ambiance journalière de l'intramuros parsemée de poésie dont une chute (une envolée, plutôt !) lyrique !
Un plaisir.

florence Noël a dit…

la poésie vous va si bien, et votre récit est un écrin qui ravive l'éclat des joyaux trouvés...

De qui est ce magnifique texte "poèmes physiques de la vision du 5ème feu" ???

Brigetoun a dit…

anonyme je pense, c'est avec le "chant du peyotl"

JEA a dit…

site des "amis de Milosz" :
- http://www.amisdemilosz.org/

Fardoise a dit…

Quelle chance, les oiseaux te saluent, moi ce sont les chats, et on sait qu'ils ne font pas bon ménage. A parcourir ta ville j'ai un peu l'impression que ce n'est pas la mienne, le regard est si différent.

Lautreje a dit…

vos photos, tableaux, portraits, instants de vie... me touchent beaucoup.

D. Hasselmann a dit…

Vous êtes devenue (mais vous l'étiez peut-être déjà) une spécialiste de la mosaïque photographique.

Tout s'emboîte alors parfaitement : le texte se faufile parmi les interstices invisibles.

joye a dit…

Le monde est beau, oui, même quand il pleure, quand il boude, ou quand il me fait des menaces, le monde est beau.