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désolée, Paumée se veut à l'abri, sauf quand un acte fait déborder le vase, des allusions à la politique ambiante.. et si je suis reconnaissante aux envies de commenter je vous demande de me pardonner de rétablir la modération

jeudi, mai 06, 2010

Marchant vers le teinturier, sous un ciel qui hésitait entre le bleu clair et le blanc sale, yeux levés vers lui, j'ai remarqué, pour la première fois, et m'en suis étonnée, le contraste entre l'humilité un peu lasse de cette souche de cheminée, et, derrière l'élan prolongé par l'antenne, l'autorité massive des pierres de Saint Agricol, à peine blessées par les siècles,

j'ai rencontré des fleurs malmenées.

Et suis revenue sous la pluie, chargée de manteaux, vestons, (l'imperméable, lui, sur mon dos). Les polos d'été, les grandes chemises, quelques vestes, quatre jupes habillées, étaient dans la housse vidée pour leur faire place.

Ai fait un tas pour repasser, ai regardé en tressautant au gré de ma toux, les gueules de loup tombées au sol en suivant les gouttes de pluie, et en revenant vers le tas j'ai vu l'air ahuri de mon bonhomme. Alors j'ai fouillé dans une valise, récupéré un col roulé, préparé une assiette de pâtes avec moultes garnitures, ai somnolé un peu, écouté un peu les « avis défavorables » à l'assemblée, et avant de repasser trois ou quatre bidules, ai passé de l'encaustique pour retarder cette corvée et pour l'odeur, pondu un paragraphe pour le convoi des glossolales, http://leconvoidesglossolales.blogspot.com, et recopié celui-ci

Sous la douche, elle écoutait, par la porte ouverte sur le nid de sa chambre, la radio la mettre en présence de merveilleux centenaires, surtout un homme à la voix ferme, aux phrases solidement dessinées, assez pour que la gentillesse de la jeune journaliste et son timbre clair, involontairement triomphal, perde de sa condescendance réfrénée. Et elle se redisait qu'elle admirait, mais n'avait aucune envie de vivre aussi longuement, ridicule tout de même un peu trop grand, même pour elle qui en avait l'habitude, pour celle qui avait décidé à l'adolescence que la vie ne la concernait pas, qui jouait avec l'idée de sa fin de façon si familière qu'elle ne s'y décidait pas, et avait laissé son corps batailler avec une force entêtée lorsque la mort était devenue une possibilité moins éventuelle. Rentrée dans la coquille bleue de la chambre, habillée, immobile devant le miroir, sans se regarder, ou pas vraiment, par habitude, pendant que la radio s'effilochait en chansonnettes, continuant sur ce chemin, parvenue à sa décision ferme de ne pas arriver au moment de la dépendance, par fierté égoïste, et pour ne pas gêner, une petite colère impuissante lui est venue en repensant à sa dernière tentative – elle avait appuyé juste assez pour que cela ne soit pas simplement propos glissants dans leur conversation tranquille - pour obtenir l'engagement, l'acceptation par ses frères et soeurs, de respecter son refus de voir ses cendres être conservées et s'imposer aux restes de ses parents (encore surprise par l'indignation que cela avait soulevé), et de toute cérémonie, surtout religieuse. Devant le refus, cette fois très net, elle avait plaisanté, en disant qu'à vrai dire, puisque bien entendu elle n'existerait plus, cela devait lui indifférer. Mais justement non, et elle se révoltait à cette idée, pensait que l'amour ou l'affection pouvait être une façon de s'approprier, de nier, son objet, se désespérait de savoir qu'elle ne pourrait, alors, dénoncer l'imposture que cela serait. Elle cherchait un moyen de le faire, de se dégager, de les laisser seuls avec le mensonge dans lequel ils se complairaient (petit sursaut en imaginant le prêtre forcément inconnu qui infligerait ses mots au peu qu'elle avait été, et qui ne le concernait pas). Une fois encore, elle s'est calmée, un peu, pensant à l'ironie de cette mascarade, petite vengeance – et elle a pensé au reste de la journée.

15 commentaires:

MATHILDE PRIMAVERA a dit…

Et si tu tentais toi même de devenir une centenaire qui continuera à aller au pressing ? ça serait chouette !
Quant au choix de ses propres obsèques aussi ridicule que puisse paraitre une cérémonie et la façon dont notre corps va être enseveli lorsque nous sommes athées, n'est pas si ridicule que cela pour ceux qui restent, qui nous ont aimés et qui ont bien souvent besoin de rituels pour arriver à faire correctement un deuil ! Le chagrin est déjà à lui seul bien assez envahissant pour rajouter des contrariétés, une espèce de malaise autour de la mort d'un être cher disparu quand celle ci est non ritualisée est toujours de trop !

Brigetoun a dit…

en se souvenant d'une fausse image ?

Michel Benoit a dit…

Point mascarades mais emplois du temps pour vides ponctuels.
L'été se fait bien attendre !

DUSZKA a dit…

Pour ma part, j'ai réussi à persuader mes enfants que mes volontés respectées seraient pour eux le meilleur moyen d'"honorer" ma mémoire. Ainsi, tout le monde est en paix... dès maintenant. Mon fils chéri est parti entouré de ses collègues, amis et parents, au crématorium... puis je suis partie avec l'urne, elle est sous les fleurs. Quand nous serons partis tous les trois (mon fils, mon mari et moi) nos cendres seront dispersées dans la petite rivière bondissante qui coule près de la maison. Ils feront alors une déclaration en mairie, car la loi protectrice des PFG veut régir notre mort dans le cadre des lois du marché. Donc, plein d'amour paisible et le moins possible de concessions au "public".

chri a dit…

Les images vues de la doyenne centenaire française ne donnent pas très très envie que "ça" dure jusqu'à cet état... Centenaire bon, mais vigoureux et autonome et râleur!

cjeanney a dit…

j'aime les question qui s'assoient d'un coup, comme des personnages, au milieu de chansons à la radios. Aussi les hypothèses, les improbables, soulever le pour le contre, le contrer. Peut-être une touche d'abandon, les laisser se débrouiller avec ça, tous, avec eux, puisque c'est d'eux qu'il s'agit, par-dessus la tête les portraits d'inconnus qu'on célèbre, libre à eux de parler à l'inexistant, non ? enfin, c'est ce qui me vient. Débrouillez-vous, tous, je me dis. Je dis aussi ça à la pluie, aux nuages, aux escargots qui montent les troncs des cerisiers, et puis après je me calme et j'admire la persévérance des petites coquilles brunes qui vont je ne sais pas où.

Brigetoun a dit…

mio j'aime ce que vous écrivez

Gérard Méry a dit…

Tu parles souvent de ton Saint Agricol...qui commence à avoir beaucoup de crédit.....grâce aux antennes peut-être !

micheline a dit…

Plan d'austérité à venir:vêtements intachables et infroissables,
la mort par immolation et le paradis à la fin de vos jours!

Brigetoun a dit…

la fin suffira

Nathalie H.D. a dit…

Oh oui, la fin suffira!

Par ailleur moi aussi j'ai aimé la façon que cjeanney a eu de rebondir sur ton texte.

Je pense un peu comme Mathilde que ce sont ceux qui restent qui doivent faire le deuil à leur idée. Ce qui n'empêche pas que l'on ponde un texte "à lire à mon enterrement" où l'on expose son credo. Dans une version réconciliée, il y aurait entente de part et d'autre :
1. toi tu pourrais accepter que ceux qui t'aiment aient besoin du secours de la religion pour vivre leur deuil
2. eux auraient suffisamment d'amour pour toi pour dire clairement durant la cérémonie qui tu étais et ce que tu croyais

Bon, ça c'est l'idéal.
Maintenant on fait avec la famille que l'on a...

Il te reste (future centenaire?) encore du temps pour les y préparer

:-)

Nathalie H.D. a dit…

Je suis troublée par ton emploi systématique d'une conjugaison erronée :
elle se révoltai
se désespérai
Elle cherchai...
(il y en a d'autres)

Ca ne te ressemble pas, tu écris toujours sans faute. Est-ce un texte que tu as passé du "je" au "elle"?

Nathalie H.D. a dit…

... ou est-ce un acte manqué ?

Nathalie H.D. a dit…

... ou une coquetterie littéraire?

Brigetoun a dit…

le fait est : je suppose une envie de passé simple, contrecarré par un imparfait instinctif - je corrige en faveur de ce dernier