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désolée, Paumée se veut à l'abri, sauf quand un acte fait déborder le vase, des allusions à la politique ambiante.. et si je suis reconnaissante aux envies de commenter je vous demande de me pardonner de rétablir la modération

vendredi, novembre 12, 2010

J'avais perdu le jour, ou je m'étais perdue dans le jour.

J'ai fait appel à trois détectives, d'écoles diverses, il fallait bien ça, pour le ou me retrouver.

Sont revenus, sourire contrit aux lèvres, et bouquets de violettes à la main - pour me consoler et parce que je les aime -, me dire que, non, ils ne m'avaient pas trouvée dans ce jour.

J'ai voulu prendre leurs couvre-chefs pour le leur rendre, et, poignet arraché par le poids, je leur ai dit qu'à mon avis, sous cela, ce métal dur, leur cerveau, comprimé, s'était recroquevillé.

L'aventurier-explorateur m'a répondu que c'étaient là coiffures spéciales pour ce jour, leur petit hommage à ceux dont on pleurait les souffrances et la disparition, lors de cette étape décisive de notre suicide, piétaille européenne, arrogante économie.

Et oui, c'était la réponse, c'était leur jour. Me suis souvenue d'Eugène Poézévara, qui avait vingt-deux ans, et qui écrivait à ses parents

«... j'ai le pied gauche noir comme du charbon et tout le corps tout violet ; il est grand temps qu'il vienne une décision, ou tout le monde reste dans les marais, les brancardiers ne pouvant plus marcher car le Boche tire toujours ; la plaine est plate comme un billard.

À 9 heures du matin le 11, on vient nous avertir que tout est signé et que cela finit à 11 heures, deux heures qui parurent des jours entiers.

Enfin, 11 heures arrivent, ; d'un seul coup tout s'arrête, c'est incroyable.

Nous attendons 2 heures ; tout est bien fini ; alors la triste corvée commence, d'aller chercher les camarades qui y sont restés. Le soir arrive, il nous faut rester là, mais on allume un grand feu et les rescapés se rassemblent ; tout le monde est content mais triste ; la mort plane encore dans l'air....»

Eugène qui, gazé, mourra d'épuisement en 1920.

J'ai mis les violettes dans un verre en pensant à leurs aimées pour ceux qui en avaient.

13 commentaires:

micheline a dit…

oui il y a bien dans la deuxième image deux yeux, un nez, une bouche et même un chapeau de tôle qui regardent encore l'avenir à travers ce mur noirci, ou je me trompe?.

tanette2 a dit…

Froid dans le dos ce souvenir écrit par Eugène Poézévara, comment ont-ils pu, après avoir vécu de telles horreurs, revenir à la "vie" ceux qui en sont réchappés ?

Lautreje a dit…

ne pas oublier

Michel Benoit a dit…

Il ne fallait pas louper ces chapeaux !

Mon mot de vérif. est "majyk" !

pierre a dit…

Pathétique et sobre hommage!

Ma grnad-mère était de ces "aimées"
Je ne l'ai toujours connue que de noir vêtue.

La Fanchon a dit…

Mes cousins vendéens : trois frères sur cinq ne sont pas revenus.

Michel Benoit a dit…

Plus sérieusement, quelle honte que les morts pour la France soient honorés par les politiques et les militaires, ceux-là même qui sont responsables de leur mort!

Brigetoun a dit…

dans ma famille ceux qui sont partis sont revenus, leurs amis ont épousé les soeurs, mais un est mort comme Eugène Poézévara, pour mêmes raisons

DUSZKA a dit…

Dans le village de mon père toutes les familles ont eu un mort, toutes les femmes et les filles ont usé leurs paupières à force d'essuyer des larmes qu'on voulait leur reprocher, la douleur des femmes étant considérée comme leur part du massacre !

joye a dit…

Fort bien, Bobbie Morane !

http://www.youtube.com/watch?v=Il1S4WP6DlY

Anonyme a dit…

la petite mallette est en lieu sûr; je l'ouvre de temps à autre; elle contient les lettres d'Henri, le petit frêre de ma grand-mère; la dernière est du 17 avril 1916...la petite mallette passera à la génération suivante; c'est mon devoir. Amitiés A.M

Pierre R. Chantelois a dit…

Le mot qui convient : terrible. Et ce commentaire d'Avignon, quelle lucidité! Un rappel en douceur de moments plus violents. Merci

Gérard Méry a dit…

géniale le dernière photo, un œil à la fenêtre