La cigarette du réveil pour laquelle je me lève le matin, et j’en profite pour allumer le chauffage, l’ordinateur, essayer de lire, l’éteindre, me recoucher
celle des réveils autrefois, quand la vie ne m’avait pas rendue sage, bras tendu, yeux fermés, trois bouffées, yeux ouverts pour lire l’heure et viser le cendrier, l’écraser et se rendormir
la cigarette fumée debout, près du lit, avant d’y sombrer
les cigarettes échangées pour faire connaissance
les cigarettes qu’il était courtois d’offrir, ce qui permettait d’en allumer une
les cigarettes dans le couloir du train en s’inventant des vies
les troupes des amis mobilisés
les parisiennes à la même époque, en économisant pour en acheter dix
cette femme élégante, et mal-élevée avec arrogance, qui, dans le salon d’une tante, avait collecté les cendriers pour m’offrir les mégots ; après explication de ce qu’étaient les parisiennes
les boyard maïs posées sur le bord de la planche à dessin
les celtiques des moments de détente, paquets offerts par les anciens bienveillants
le dessin qu’il avait fait de moi, qui consistait en une fine ligne sans raideur derrière un gros cercle qui voulait être la boyard
la cigarette, après, pelotonnés devant sa cheminée
la cigarette allumée pour se concentrer
la cigarette pour saluer la fin d’une tâche
la cigarette sur l’escalier de secours de l’hôpital
la cigarette fumée obligatoirement dans les jardins, maintenant, et dans certain l’horreur du jardinier pour les mégots planqués, l’écraser délicatement sur une pierre éloignée et aller jeter dans la poubelle de la cuisine, fumer en guise de sport
la cigarette fumée dans la cuisine, entre les plats
la cigarette plaisir
la cigarette pour saluer une joie,
la cigarette devant la mer
la cigarette en sortant dans la rue, comme sas
la cigarette pour endormir la douleur
le refus de vouloir arrêter de fumer
le cri du corps crispé pour que j’arrête, jusqu’à la fois suivante
les cigarillos que l’on fait durer pour se limiter
la certitude que non-fumeuse je n’existerais plus, ou ne serais pas moi,
l’humilité que cela représente, au fond, ou l’influence des dominicains et de leur science de la dialectique orientée.
Contribution à une proposition d'écriture de Liminaire à partir de «Cigarette» de Bernard Bretonnière http://www.liminaire.fr/spip.php?article876
Tenter de dresser la liste de toutes les cigarettes que l’on a fumées et les instants qu’on y associe, les personnes, les lieux et les souvenirs que l’on croyait partis en fumée mais qui nous reviennent comme une envie de fumer.
Comme je suis cabocharde, comme la réforme des retraites n'est que l'une des facettes de ce qui met en colère les bases des syndicats irréductibles, comme éventuellement il n'est pas mauvais de rappeler aux peut-être futurs gouvernants que la nouvelle réforme qui doit intervenir en 2013 devra corriger ce qui a été fait, comme les gouvernements européens nous suicident,
Avignon s'est offert une petite marche en centre ville, puisque le cortège était comme prévu très fortement réduit, de gens
décidés à refuser (et ma foi, ne critiquez pas, c'est tout ce qui nous est possible, faute d'être écoutés), sous beau ciel et dans bon petit mistral,
avec, pour les troupes gelées, la récompense d'une caresse du soleil sur la place, et la bienveillance, pendant qu'il est encore des nôtres, de l'éléphant.
23 commentaires:
Du gris que l'on roule dans ses doigts
Et qu'on roule
C'est fort, c'est âcre comm' du bois
Ça vous saoule
C'est bon et ça vous laisse un goût
Presque louche
De sang, d'amour et de dégoût
Dans sa bouche !
Parfois nous pouvons trouver une cause juste mais nous pouvons éprouver aussi une grande lassitude à la soutenir. Devant surtout l'incapacité des gouvernements de comprendre le message du peuple. La cigarette, en passant, je l'ai abandonnée il y a quelques années. Mais j'aime bien lire - surtout lire - ce qu'en disent encore ceux-là ou celles-là qui lui vouent une certaine fidélité ;-)
"tout ce qui nous est possible," c'est peut-être encore d'éviter la guerre pour nous faire fermer notre gueule .....?? et faire des affaires!
"Du gris", cette chanson me bouleverse encore mais interprétée par Monique Morelli.
Faute de ne pas avoir pu manifester pour cause de travail, je partagerai bien quelques cigarettes avec toi en tant que fumeuse invétérée, irrésolue à m'arrêter, comme si je n'allais plus être moi si cela devait se faire, donc impression également partagée !
Tombée dans la tabatière très jeune, je préparais la pipe de mon père handicapé, je fume tes mots.
Me vient la chanson d'Higelin
Hé hé, ho ho
Je suis amoureux d'une cigarette
Toute la sainte journée elle me colle au bec
Hey Lucie, si te reste un peu de ferraille
Ravitaille moi d'un paquet de gris
Que je m'en grille une aussitôt
A la place de ce satané vieux mégot, ho ho
Je suis amoureux d'une cigarette
Sans elle j'ai l'air d'un poussin
Cherchant son omelette
Hey Suzon, si te reste un peu de pognon
Ramène-moi donc un paquet de blond
Que je m'en roule une aussi sec
A la place de ce satané vieux mégot, ho ho.
Je l'aime bien épaisse
Roulée comme une papesse
Dans son fourreau Zigzag a bord chromé
Quand du bout de la langue
Je la lèche, elle tangue
Fumante elle frémit sous la morsure
De mon dentier Hé hé.
Je suis amoureux d'une cigarette
Elle a la rondeur d'un sein
Qu'on mord ou qu'on tête
Hey Jenny, y'aura une taffe pour toi
Si tu penses a mon paquet de gris
Magne-toi car j'ai bientôt fini
De tirer sur ce satané vieux mégot.
Je suis amoureux d'une cigarette
Suzy, hey, hey
Je suis amoureux d'une cigarette...
Je suis amoureux d'une cigarette...
Images de toi fumant très présentes. Joli autoportrait en volutes.
(je n'ai pas compris la dernière avec l'humilité ?)
pas certaine que croire que l'on ne vaut que par sa réputation de fumeuse soit une preuve de grande estime de soi
La fumée occasionnelle, oui.
La fumée systématique, non.
On lâche rien...
On lâche rien...
On lâche rien, on lâche rien !
"Les troupes gelées", je crois deviner que vous ne parliez plus, là, de cigarettes !
Je repense à celles, effacées, de Malraux (sur un timbre), de Sartre (sur une affiche de la BnF), de Lucky Luck (sur les BD)... au nom du sanitairement correct.
Cela fait drôle de revoir des films ("Une femme est une femme", de Godard, par exemple) où la cigarette est un accessoire du quotidien - bâtonnet de séduction, de méditation, de plaisir égoïste...
Dire qu'à l'armée on nous distribuait des cartouches (en plus de celles approvisionnant les armes) de cigarettes ! Il aurait fallu choisir entre les catégories de tueuses...
c'étaient celles que je fumais en bénissant les frères non fumeurs des copains
Il y a aussi celle là!
Je la voyais danser, danser
La gitane sur le paquet
Des cigarettes de papa
Elle avait une robe en papier
Les yeux bleus comme la fumée
Et la peau couleur de tabac
Eh, señorita SEITA
Ce soir je vais craquer pour toi
L'accordéon de mes poumons
Sur cette fine silhouette
Et ses castagnettes muettes
Dans la nuit noire du goudron
Viens me donner à la tétine
Ces paroles de nicotine
Qui mettent ma gorge au supplice
Quand cent mille bouches te baisent
Du bout filtre jusqu'à la braise
Dans un champ de papier maïs
Descend jusqu'au fond du mégot
Chanter du rocko-flamenco
En grattant mes cordes vocales
Danser les pieds nus dans la cendre
Allumer ma bouche et entendre
Battre mon cœur de caporal
O belle brune qui se fume
Dans ce siècle où tout se consume
Entre nos doigts jaunes et se jette
O toi qui portera mon deuil
Demain couché dans le cercueil
De mon étui de cigarettes
O toi qui portera mon deuil
Demain couché dans le cercueil
De mon étui de cigarettes.
Allain Leprest...
Je préfère le chocolat
en barres
ou en carré
Fume les éteintes çà fait moins de mal
Ah, brige, je me souviens super bien de ma première cigarette matinale. Je fumais le soir avec ma camarade de chambre après le dîner, avant d'aller étudier, et un matin, j'ai fumé une avec un café - c'était l'amour total. Je me souviens clairement de ma toute dernière, fumée après beaucoup d'années d'arrêt : hideuse. Mais je l'ai fait pour me moquer de deux copains qui n'ont pas pu fumer au resto. j'ai été bien punie pour ma méchanceté : la cigarette était affreuse.
J'essaie de dire que je comprends ton love affair avec le tabac. Et que je ne m'en moque plus, abominablement orgueuilleuse d'avoir pu arrêter. je sais que c'était un hasard biologique que j'ai pu. Tout de même, c'était de la torture.
Bisou.
Bon, faut dire que Pierre Ménard m'avait provoquée avec son atelier
"En compagnie de Charles Baudelaire, Molière, Philippe Grimbert, Claude Duneton, Michel Tournier, Honoré de Balzac, Gustave Flaubert, Fernando Pessoa, Italo Svevo, Roland Dubillard, François Weyergans, Dan Franck, Martin Amis, Michel Houellebecq et bien d’autres…"
(Jacques Barozzi dans "le goût du tabac" au petit Mercure: choix de textes des sus-nommés)
... vous êtes quand même bien entourée!
J'ai ressenti en te lisant combien je n'étais pas un ancien fumeur, mais bien un fumeur ayant arrêté, peut être pour toujours, ou pas, de fumer.
Merci pour ces cigarettes fumées par procuration.
dom
Magnifique, ta liste des cigarettes. Je ne suis pas fumeuse, rien de ce que tu écris n'évoque quoi que ce soit pour moi, mais c'est beau à lire, ce qui est encore plus épatant.
Emue aussi par tes récits d'il y a quelques jours - lectures de kafka - ai pensé à toi bien sûr en publiant mon kafka à carpentras. Tu aurais dû venir. J'aurais pu t'emmener.
C'est malin, tu m'as donné envie de recommencer à fumer :)
Je revois mon fils à quelques heures de son départ pour le paradis des fumeurs au Val de Grâce : il fumait la cigarette sortie du paquet que je venais de lui apporter à l'hôpital... j'ai toujours le paquet entamé ... je ne fume pas, mais je comprends.
Chère Brigitte
Je me suis permis de reproduire ton texte dans mon blog aujourd'hui, avec lien vers le tien bien sûr. Ai-je ta permission ? J'imagine que oui mais si tu le souhaites je le retirerai tout de suite.
garde bien sûr, suis très honorée
Merci à Nathalie d'avoir publié ce texte sur la cigarette. J'ai tourné la page tout en refusant de dresser un tel constat. Et pourtant combien d'instants, combien de moi, partis ainsi en fumée, en autant de gestes autour de ce rituel. Quant aux retraites, reste un goût amer !
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