Il la regardait, son vieil amour, qui avançait devant lui, de plus en plus loin, à pas tranquilles, toute arrondie par ses jupes, jupons et mante, un peu courbée par les ans et par la marche sur le sentier, yeux sur les obstacles, avec son âne toujours solide, placide, l'échine doucement courbée sous la charge, progressant tous deux dans une bulle de crépuscule calme et piquant.
Il se cramponnait à son chapeau, il luttait contre les sursauts désordonnés, les envols puissants de sa cape, courbé par les ans, eh oui, et par sa lutte pour avancer contre ce vent qu'il avait appelé sur lui pour la préserver. Car il était un peu sorcier, de toute la force de sa tendresse tue, de son souci d'elle, de son rôle d'homme, et il en était fier, encore, un peu, mais, et il le constatait avec un début de détresse, il se découvrait faible, refusait d'en convenir, résistait contre l'envie d'appeler la silhouette qui s'éloignait, ou de céder, de se pelotonner au sol, bien entortillé, bien plié, tête entre les jambes, et d'attendre. Il a voulu crier, la héler, rétablir lien, mais les bourrasques emportaient ses mots.
Elle, elle ne s'en rendait pas compte, mais elle sentait sa pensée sur elle, et elle en souriait, un peu, bouche fermée sur sa chaleur interne, yeux brouillés par les larmes de froid, par l'âge, par la lumière qui fuyait. Et, le sentant, elle se souvenait de leur rencontre, chez son oncle Pierre, au coin d'une ruelle du village, elle et son âne, venue de chez ses parents, lui qui descendait de l'estive, tout fiérot, de la gaité de son visage, de ses mots, de sa force, et de sa timidité à elle, un peu rassurée parce qu'il lui parlait de ses frères, des garçons du village qu'il venait de quitter.
Elle s'est retourné, elle l'a vu comme un petit arbre courageux, durement secoué. Elle n'a pas bien compris, mais elle a dit à l'âne : tranquille, et elle est partie vers son homme. La robe, les jupes, la mante se sont gonflées. Elle s'est agrippée à lui et elle s'est envolée, l'entraînant. Ils riaient. Ils se serraient. Le vent les a déposés sur la place, devant leur maison.
L'âne les a vu passer. Il a suivi, par le chemin.
12 commentaires:
les robes, les jupes, la mante se sont gonflées ... et là j'ai senti vraiment le vent aussi. Joli !
Le mistral réhabilité, bravo!
Légèreté de l'être comme légèreté d'une peuple. Ainsi devrait aller la vie. Je voudrais que le vent nous dépose en mille lieux inconnus pour que nos rêves ne stagnent plus. ;-)
Une jolie crèche à taille humaine.
simple comme la vie
poignant comme la poésie
C'est Noël, nous le... sentons.
Bien au chaud nous le souhaitons.
Le solstice et la pleine lune sont passés de concert.
Comme nos rêves.
Joyeux Noël.. Douce journée et nuit de sucre... merci pour tout
Simple et fort comme un conte qui parle d'amour. On fait pas mieux.
Ils sont partis réveillonner ! Bon noël à toi.
Conte de saison grâcieux, la bourrasque à la place de l'ange Bouffarel, et pour la chûte, un envol à la Chagall, la joie toujours possible! Sagesse de l'âne qui s'abstient de gonfaroner. Dans la roulotte bleue, une gitane, sacrée conteuse ma foi...
ô Siréneau quel plaisir cette re-apparition !
tes contes chantent la vie et dansent au gré du vent !
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