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désolée, Paumée se veut à l'abri, sauf quand un acte fait déborder le vase, des allusions à la politique ambiante.. et si je suis reconnaissante aux envies de commenter je vous demande de me pardonner de rétablir la modération

lundi, décembre 13, 2010

On revenait du bois, frigorifiés, transis, les pieds tannés par le contact du dur sol gelé. On posait sur la table de la cuisine le panier vide. On se carrait devant le feu. On se faisait une tartine de gros pain et de confiture de marron. On regrettait le temps, récent, des fabuleuses récoltes de champignon. On rappait une pomme de terre et taillait des lardons pour l'omelette du dîner.

Dans cette ville, comme dans les villes du nord, depuis une trentaine d'années, et cela prenait un air de tradition, sauf pour les anciens, le coeur de l'hiver voyait l'installation de verticalités ornées, des sapins ou leurs cousins, que regardaient, avec une bienveillance dédaigneuse les courbes échevelées ou tendues des grands arbres, platanes, micocouliers ou cèdres. Tranquillement fiers de leur permanence, bien trop ancrés dans leur terre pour admettre ces mignons décors importés, attendant de reprendre leur royauté, gracieusement en retrait.

Jean voyait la peau de son crâne se faire place insensiblement et irrésistiblement. Et il restait se regardant, le matin, dans la franche lumière de sa salle de bains. Il guettait la disparition de ses cheveux, presque comme s'il avait pu les distinguer individuellement, et faute d'y arriver il optait pour une prière globale, une supplication, une déclaration d'amour, que bien entendu il taisait, par sens du ridicule, mais qui n'en était pas moins fervente. Par sens du ridicule, ou plutôt par pudeur, par ce sentiment qui l'empêchait d'accepter les mots : je deviens chauve. Si le mot tentait de venir, il frissonnait, le repoussait, le niait, il lui trouvait un goût de mort. Mais il ne pouvait se résoudre à adopter les produits, les soins, les recettes de ceux qu'il considérait comme des charlatans, et il refusait même d'un haussement d'épaule impatient les ouvertures de son coiffeur. Il se voulait honnête, courageux, ou il voulait se croire tel. Aussi quand Marie, qu'il n'avait jamais vraiment remarquée, lui a déclaré, sourire et yeux papillotants, qu'elle aimait beaucoup sa nouvelle coiffure, il a réalisé brusquement qu'elle alliait à son charme qui soudain lui semblait évident, une grande sagesse.

11 commentaires:

micheline a dit…

Chauve qui peut
ses cheveux!
ou
le charme des beaux cranes

Lautreje a dit…

les modes changent, le cheveu et le poil en savent quelque chose !

Les "mignons décors importés" et la nouvelle chevelure de Disney croisent les traditions : les arbres ancrés sur la place et le souvenir de Jean. Amusant !

Anonyme a dit…

"on se carrait devant le feu", comme j'aime t'entendre ! Les arbres et les cheveux ... encore verticaux un temps :)

albin, journalier a dit…

Le petit docteur au crâne spirituel ?

chri a dit…

J'aurais plutôt pensé à Mathieu pour la clinique du cheveu...
Oui se carrer devant le feu avec une omelette aux girolles... C'est bien tout ce que le froid mérite!

joye a dit…

L'essentiel est invisible pour les yeux.

Brigetoun a dit…

pour le toubib au beau crâne, il est hots de cause - je ne sais comment s'est fait son mariage

jeandler a dit…

Un crâne d'oeuf, ça brille, ça a du charme
un crâne à la Foucault
et Jean devenu chauve
a fermé boutique!

Pierre R. Chantelois a dit…

Me semble-t-il que passer outre à la Clinique du cheveu c'est également éviter les soucis capillaires. Vive Marie qui a su ainsi éloigner Jean d'un traitement qui aurait pu être fatal ;-)

arlette a dit…

Des façades illustrées ....toute une histoire" pil poil"

Gérard Méry a dit…

Tant que le chauve sourit ....