Ciel pur, air doux, Rhône (puisque pas mer) calme – et remugles d'humeur noire. Colère contre moi, mépris de ma mauvaise réaction à mon retour assez brusque, depuis deux jours, à ma place discrète sur les « réseaux sociaux » et à l'effacement relatif de « paumée » (j'ai été incroyablement et injustement gâtée pendant un peu plus d'un mois), de mon ridicule grommellement devant la prise de quelques centaines de grammes indispensables, de la parfaite et risible futilité de l'ensemble.
J'ai reporté cette mauvaise humeur sur l'avortement prévisible (et pas complet) des marches algériennes, sur le fait que les journaux semblaient l'avoir prévu, programmé, par la discrétion de leur couverture de ce qui se passe depuis début janvier dans ce pays, par la grande discrétion de leur couverture de cette journée. (à moins qu'il n'ait été la vraie source ma sombre bile)
Me suis entêtée et j'ai mis, en milieu d'après-midi, le relevé de ce que j'ai trouvé sur Autour http://brigttecelerier.blogspot.com/2011/02/algerie-la-non-marche-du-12-fevrier-vu.html y compris des petites vidéos
dont celle-ci
et puis, avec un thé et en continuant de bouder (j'ai tout de même lu) le monde d'internet, j'ai pris le premier livre d'un auteur algérien que j'ai trouvé dans ma pagaille, et l'ai lu, par petits sauts, parce que j'avais eu la main heureuse et que j'aime ces nouvelles : « au café » de Mohammed Dib (parues en 1955)
« - Cette réunion d'aujourd'hui, vous tous savez pour quoi nous la tenons. C'est pour les élections... Et vous tous savez comment se passent les élections chez nous. Cette-fois ci, ils ont assommé Sadak. Ils lui ont donné le coup de la mort. Vous le savez... Vivra-t-il, vivra-t-il pas ? Personne ne peut dire ce qu'il en sera. Mais ils l'ont bien arrangé, hommes. Et pourquoi ça ? Parce qu'on nous a dit : Vous êtes libres de voter... Sadak expliquait cela à nos frères : « Maintenant que nous avons notre candidat, disait-il, il faut que les fellahs le sachent. »... »
«Ils s'en furent réveiller les paysans dans toute la campagne. Ceux-ci s'étaient enfermés dans leurs cabanes ; les messagers frappaient aux portes. La flamme vacillante d'une torche illuminait d'un éclat soudain les faces des fellahs. Ils s'étaient déjà reconnus au son de la voix. De l'opaque noirceur, il n'y avait que les visages qui se détachaient, caressés par le doux toucher de la lumière. Les visiteurs remettaient les papiers et puis s'enfonçaient de nouveau au coeur de la nuit. »
« Moi de même, je me souviens d'une existence avare et terrible. On s'y ennuyait, une lassitude qui étreignait l'âme en émanait comme une brume somnolente. On s'ennuyait tellement qu'on se sentait étouffer : c'était une coulée de plomb qui vous remplissait la poitrine. Quand j'évoque ce passé proche, j'ai peine à croire que tout était vraiment ainsi. L'homme, c'est sûr, était enveloppé dans un linceul d'ignorance et de crainte. Il marchait la tête basse ; plein de timidité, il n'osait se montrer au monde. »
et pour des temps plus récents, une autre guerre, « Morituri » de Yasmina Khadra (moindre qualité à mes yeux, mais j'aime assez et l'ai trouvé rapidement)
«Il y a beaucoup de monde. Chacun porte son standing comme, naguère, son palefrenier de père la selle de son maître. Je m'évertue à les comparer à des pingouins, sanglés comme ils sont dans leur smoking austère, mais je n'y arrive pas. Ils sont si beaux, si élégants, si heureux. Il n'y a pas de doute, le monde leur appartient ; le soleil ne se lève que pour eux. La guerre qui ravage le pays n'a pas assez de cran pour se hasarder jusqu'à leur fief. Pour eux, c'est juste de la subversion. »
On peut traverser la mer et lire, pour se baigner dans 32 pages de poésie « où s'arrête la terre » de Michèle Dujardin http://www.publie.net/fr/ebook/9782814504233/où-s-arrête-la-terre
et en rester à la quasi conclusion du Monde sur la journée à Alger : « C'est un demi-échec. Si les manifestants n'ont pas pu défiler comme prévu en raison de la forte présence policière, ils ont toute de même organisé une manifestation conséquente à Alger, ville où l'état d'urgence est en vigueur depuis 1992. Cette mobilisation en appelle peut-être d'autres. Selon El Watan, les organisateurs doivent se réunir dimanche pour décider de la suite du mouvement. »
(fils de Kateb Yacine)
23 commentaires:
L'Algérie n'a pas dit son dernier mot, on ne juge pas un mouvement sur la première manifestation.
Lire l'article d'Olivier Roy dans "Le Monde" http://bit.ly/efvAhu daté 12 février : une analyse pertinente et décapante de tout ce qui se passe en ce moment dans ces pays.
"Paumée" n'a pas dit son dernier mot non plus !
solidarité avec ceux qui se battent pour la liberté !
m'ennuie tout de même (je sais c'est la bagarre internet et on ne sait qui est derrière les pseudos) l'animosité anti-kabyle qui débordait des commentaires sous les vidéos d'appel à manifester.
Il faudrait vraiment que l'union se fasse avec FFS et tous les syndicats pour qu'ils soient crédibles
Et puis, plus sérieux, tous ceux qui disent : il nous a amené la paix et a rogné la puissance de l'armée
Le régime au pouvoir en Algérie doit se sentir fragile comme un 3e domino (après la Tunisie et l'Egypte). Pour preuve, la mobilisation générale et policière et barbare-sque face à la rue.
Rien que de savoir ces manipulateurs trembler en se rasant devant leur miroir, c'est un bon début...
justement pas générale
Invisibilité n'empêche pas ubiquité.
(o.~)
Peut-on déjà parler de victoires en Tunisie et en Egypte ? S'il en est une c'est celle de la population qui a fait basculer le pouvoir en place sans faire appel aux intégristes islamistes. Mais pour la suite ? Combien de temps encore les puissances occidentales leur donneront-elles à choisir entre dictature et Islamisme radical ? La gangrène que nous avons aidée à s'installer risque bien de nous contaminer aussi.
@ brigetoun
... générale la mobilisation policière décrétée par les généraux et autres con-sorts
Je crains fort que les voyageurs donneurs de leçon européens en particulier ne fassent rien ou même pire ne mettent de l'huile sur le feu.
Ce que je hais, c'est l'hypocrisie même dans la bouche du Président américain : "Nous soutenons les démocraties légitimes".
Il vaut en rire pour ne pas en pleurer.
Bon courage à ces pays, je suis heureuse pour les Tunisiens et les Égyptiens, je voudrais que les gens d'Algérie puissent vivre en liberté aussi, mais je ne voudrais pas revoir le retour d'une guerre meurtrière (y en a-t-il d'autres ?) non plus ("civile" me semble bien "incivile" dans le contexte).
Merci pour ton contexte, brige, tu fais toujours, toujours réfléchir.
Je voudrais aussi aller lire l'article cité ici dans les com's par D. Hasselman.
pas eu accès, je ne peux donc en juger - doit être réservé aux abonnés. Je pars à la pêche dans les sites algériens (ceux parlant français)
La guerre est encore dans tous les esprits en Algérie et ça joue.
...et les pays arabes vont-ils démocratiquement s'unir pour enterrer Israël ?
et peut-on penser qu'Israël cherchera la paix ?
Je n'en sais rien !
Mais l'Égypte va demander l'ouverture vers Gaza...
Lire ici.
Michel j'ai peur que nous nous disputions,
tellement que j'ai coincé mon ordi avec une fausse manoeuvre
Pourquoi nous disputerions-nous ?
Explique...
je crois que cela demanderait autre chose qu'un échange de phrases lapidaires - j'aime mieux, si tu le veux bien arrêter - m'est un peu pénible (ou parlons en la prochaine fois que nous verrons)
La police algérienne n'a pas le même état d'esprit que celle d'Égypte.
Brigetoun
J'ai suivi les événements de si loin. Mes yeux n'ont rien vu de si près mais mon cœur a senti de si près une autre volonté populaire de se libérer.
oui mais là une grande crainte de tout ce qui pourrait abîmer la paix précaire enfin trouvée
C'est justement l'un des points forts de ces mouvements populaires, c'est que la haine n'en n'a jamais été le moteur, pas même contre Israël.
Enregistrer un commentaire