Matin sans la pluie annoncée, sans même que l'humidité soit prégnante, mais sous un gris légèrement grumeleux, avec des petites infiltrations de pauvre lumière.
Les tables et chaises sont sorties, reprenant possession de la place de l'Horloge, gardées par un régiment de parasols soigneusement fermés.
et les murs ravivent leurs indisciplinées parures végétales, en attente de soleil,
Le mur des halles revit lentement, garde encore légère maussaderie, mais des branches indociles s'en élèvent, hors programme, vers le ciel.
Cependant, à l'intérieur, la végétation est trop bellement brillante pour évoquer réellement le gris doux des feuilles d'olivier.
J'ai accumulé les petites maladresses, perdu et retrouvé sacs, acheté belles et bonnes nourritures et des trucs dont ne sais comment en tirer parti.
Et, pour me souvenir que les paresses ensoleillées existent et qu'elles doivent nous attendre quelque part dans l'avenir, je reprends des lignes, que j'avais, ne sais trop pourquoi, gardé en fichier, écrites pour tenter de participer à un atelier nocturne de la BUA, sur tiers-livre http://www.tierslivre.net (mais comme il est ancien, décembre 2010, je n'ai pas retrouvé le lien) : dialogues. Je n'ai plus le texte de François Bon, le regrette bien, ni ses indications, mais il me semble me souvenir qu'il fallait s'attacher à rendre sensible la personnalité de l'interlocuteur, à ne donner que quelques phrases en discours direct... et le résultat, bon ou non, était cela (et comme c'est parti d'un souvenir très transposé, je précise que la description de « il », et puis en fait tout, à part quelques détails, est parfaitement fantaisiste) :
- Tu ne devrais pas fumer
Je ne l'ai pas entendu venir. Je lève la tête, éteint mon cigare dans le pot de fleur vide. Il s'est arrêté un instant, devant la table basse et le banc, presque imperceptiblement, comme on fait une pause en entrant dans un salon et puis s'est étalé dans un transat.
- Tu n'as jamais envie d'aller à la plage ? C'était fabuleux ce matin, tu devrais..
Son corps trapu, solide, ce visage massif sans grand charme si ce n'est les petits yeux brillants. Ce sourire qui fait que j'ai rapidement oublié mon petit étonnement devant le choix de ma nièce. Le grand front, cet air un peu hésitant qu'il a toujours, dont on ne sait s'il vient de l'attention extrême qu'il accorde à son interlocuteur ou de la gymnastique, de plus un plus inconsciente, mais certainement toujours présente, qu'est pour lui le français - cette voix grave avec des inflexions douces à peine perceptibles. Et comme toujours il me donne envie de sourire, de le moquer, et comme toujours, ayant trop de respect pour m'y risquer, j'attends qu'il m'en donne l'occasion.
Ce qui ne manque pas, en réponse à une question vague, il entreprend de me raconter leur après-midi et tout devient aventure et aventure comique.
- Mais j'étais fatigué, au bout d'un moment, ou plutôt j'en avais..
Je lui fournis le mot « marre », il l'accepte avec une grimace confuse.
- Alors nous sommes partis, nous avons fait un tour en ville, Jeanne voulait des converses, et puis moi, chez Charlemagne, j'ai trouvé ça :
et il pose sur la table Domus, une revue d'architecture que je ne connais pas et puis il me tend un livre
- et regarde, c'est fabuleux, c'est sur le Bahaus, tu connais ?
Je dis que oui. Il enchaîne, il me montre, il commente, nous feuilletons. Il s'arrête sur des dessins, moi sur des photos d'objets. Nous discutons. Il me dit
- mais, tu connais vraiment..
et puis il referme le livre, heureux, me promet qu'il me le prêtera pour que je puisse lire les textes, parce qu'il trouve qu'ils sont extrêmement intéressants, et je conviens qu'on ne les trouve pas très facilement (du moins je le crois, et il ne me contredit pas).
Il se renverse en arrière. Il me demande ce que je lisais. Je rallume le Cybook et je le lui tend. Il ne connait pas.
Silence. Pétarade d'une mobylette derrière les canisses. Je tâtonne pour lui demander s'il est content de leur séjour à New York. Un air enthousiaste, furtif, et puis :
- oui, en fait j'ai eu des contacts...
Une réserve, dont je ne sais si elle est aveu d'échec. Jeanne me dira. Et puis il me parle de son blog, ou plutôt de sa participation à un blog de styliste, et puis de la galerie d'un ami, de l'exposition qu'il prépare, et il est s'est redressé, un peu penché en avant, il fait du charme, inconsciemment, ou presque, il parle de ce qu'il veut faire. Nous sommes bien.
16 commentaires:
J'aime juxtaposer les parties de tes billets. Aujourd'hui, tu commences par les murs, tu finis par une conversation, et je me dis qu'il faut chercher le mur dans ton texte, et la conversation dans tes murs.
Conversations improvisées de l'heure quotidienne... sans afféteries. Les mots naviguent sur la simplicité. Les échanges, sur la surface tranquille du temps. Et qui plus est, cigare éteint. ;-)
ce régiment de parasols blancs est saisissant ! Ils ne sont pas laids tous alignés ainsi, cependant leur stature me ferait presque peur. je préfère te suivre dans cette conversation...
J'ai aimé le régiment de parasols au garde-à-vous et les parures végétales qui s'animent sur les murs.
4e photo : un mur ne se rasant plus depuis longtemps...
cinquième je pense, non ? un gouffre financier et une source de dégâts pour ce qu'il y a derrière
Il dit ... et ne dit pas et comprendre ........ pudeur
il a l'air charmant ... sauf les 'tu devrais ne devrais pas'
celui auquel je pensais au départ, et qui est bien mieux que je ne le fais là, est en effet charmant
@ brigetoun
grâce à vous, je parviens enfin à compter jusqu'à 5...
merci
une allergie aux chiffres et aux lettres ?
mais aucunement à vos illustrations et à vos lettres...
Dans notre cour, un chorète du Japon sort ses fleurs jaunes depuis janvier ! Jamais vu ça...
j'aurais du te confier mes plantes - je ne conseille pas l"inverse, je suis une tueuse
..même si ce sont des plantes de tabac ?
même, et malgré mes sanglots (plus forts encore pour oranger ou fusain)
comme un bruissement de printemps leger et de renaissance fragile
Un mur écolo, pardon, végétal, ça coûte cher ?
Une fantaisie à ne pas s'offrir, alors.
La tienne, de fantaisie, me botte tout à fait.
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