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désolée, Paumée se veut à l'abri, sauf quand un acte fait déborder le vase, des allusions à la politique ambiante.. et si je suis reconnaissante aux envies de commenter je vous demande de me pardonner de rétablir la modération

mercredi, avril 27, 2011

des bronzes polis par des ans d'oublis et de soins, sur lesquels on peut s'acharner, qui vous le rendent par un éclat doux, qui gardent petites zones de refus comme des rides d'une belle vieille ;

une malle de vêtements anciens, indienneries, soieries un peu éraillées, dentelles légèrement jaunies, velours en lumière mate, coton épais, et le parfum du camphre ;

des meubles en cerisier luisant doucement comme si le souvenir du miel de toutes les cires qui les ont nourris en émanait, les caressait ;

un panier d'oignons oubliés dans un coin de la cabane, leur odeur un peu écoeurante, les pousses vertes et leur peau entre paille et brun ;

une poire talée, juste avant qu'elle ne s'abandonne ;

le crépuscule qui descend lentement dans les rues de la ville, qui monte doucement du sol du jardin ;

les peaux des vieux murs, les traces des soins anciens et des délaissements, les blessures qui restent franches sous leur peinture neuve, leur survie, leur solidité et l'accompagnement des hommes

les fanons du cou des vieux qui n'ont pas été noyés dans la chair ;

une photo de famille, les mains sur les genoux des assis, pendantes au bout des bras, esquissant un geste, et, deviné puisque la taille de la photo ne permet pas de le voir vraiment, l'âge qui glisse de l'une à l'autre ;

une petite liste qui se dessinait, repartait, que je cherchais à accrocher, guider par des images à capter, sans vraiment trouver, sauf quelques détails qui l'ont orienté, plus ou moins artificiellement, à mon désir refusant, ce matin pendant que j'allais aux halles, et en sortant suis tombée en arrêt devant les deux gars qui soignaient avec cisailles et voix joyeuses les plantes du mur.

Parce que, lundi soir, j'avais rouvert, en cherchant quelque chose à lire pour entrer dans la nuit, qui me soit doux, « les ombres errantes » de Quignard, et lu :

« Junichirô Tanizaki disait qu'il regrettait le pinceau moins sonore que le stylo ;

les objets de métal ternis ;

le cristal opaque et le jade trouble ;

les trainées de la suie sur les briques ;... » et les points de suspension sont à lire

Et, pensant une liste, j'essayais de revenir à mes goûts anciens, avant que les efforts, pendant des années longues, de la civilisation m'apprenne le dégoût et l'obligation de lutter contre l'envahissement de la mort ou la saleté des choses et que, finalement, je m'en trouve bien. (j'ai été une enfançonne légèrement scatologique si j'en crois la tradition des femmes de la famille).

la géométrie un peu anarchique de la confrontation des immeubles édifiés au long des ans, quand la lumière vient la rendre évidente et la glorifie ;

la descente brusque dans la nuit d'une cave, quand on ouvre la porte sous l'escalier, plantée à l'aplomb de la première des marches qui plongent dans cette bouche humide et sombre, et en ouvrant on est attiré, on a un pas dansé pour se rétablir ;

le plaisir de la boue liquide qui jaillit quand on la piétine, et les rires ;

des arbres desquamés par le vent, accrochés au bord de rochers qui parlent du choc des vagues, auxquels on s'appuie pour se pencher, avec un petit vertige, dans le calme de la mer qui lèche la base des rocs un jour ensoleillé ;

des abricots cueillis et qui ont chauffé sur un plat de terre, dans un coin de la terrasse ;

un angle adouci par une toile d'araignée, et on la salue en l'anéantissant ;

la terre un peu sèche qui attend juste un peu d'eau ;

parce qu'après ce que j'ai remplacé par des points de suspension, vient, chez Quignard, le chapitre XVI :

« Liste de l'an 2001 :

La surface des eaux qui croupissent depuis les première migrations sur les villages palafittes dans les lacs étrusques gris.

Les marres dues à la pluie et sur le pourtour desquelles des minuscules grenouilles noires comme de l'ébène sautent soudain.

La grande vague blanche sur la grève de Carnac à dix heures.

La sordité des ombres dans la boite à ordures de Paris quand on soulève en hâte le couvercle pour y glisser une boite de conserve de thon vide.... »

et il y a les balayures, la poire humide, une dent de lait carié, le cheveu pris dans un peigne d'une « femme qu'on désire encore ».

Et tant pis, vais faire fuir les derniers acharnés (je pourrais ajouter en pensant, entre autres, à lundi : l'amusement devant la constance avec laquelle les commentaires se multiplient quand les visites se raréfient, parce que là ce fut effondrement, et ma foi tant pis, ce n'est pas tant mon but), quelques idées encore

un ciel dégagé un lendemain d'orage, avec juste des petits voiles filant pour adoucir son éclat ;

les trous que l'on creuse dans le sable de l'estran, et qui se remplissent d'eau, et les stalactites qu'on laisse couler de ses doigts pour construire une muraille baroque ;

les feuilles de thé humides, compressées qui tombent de la boule dans la poubelle, et certaines restent accrochées, nécessitent que le doigt tourne en frottant pour les détacher ;

la pâte d'olives grasse et luisante tartinant les scourtins, la presse dans l'ombre de ce moulin où j'étais entrée dans la campagne près du Thoronet, lors d'une sortie de classe et l'odeur dans lea fraîcheur des murs ;

la bonbonne de vin, entourée d'osier que l'on m'avait confiée, calée entre mes jambes, à l'arrière de la land-rover, à Margaux, pour me punir de détester le vin et j'avais la tête lourde de la cave ;

le toast grillé craquant sous les dents, et la douceur inouïe de la confiture de poire à la vanille, dans le matin frissonnant devant la cour.

et bien sûr les pierres d'Avignon et leurs amies obstinées, les plantes folles.

Et le plaisir quand la connexion s'affirme (vu mardi matin une file de gens venus se plaindre devant la boutique Numericable, commenté un peu nos ennuis avec eux, me suis sentie moins seule, les ai laissés)

17 commentaires:

Anonyme a dit…

n'est pas une dernière acharnée qui fuit

Pierre R. Chantelois a dit…

D'abord j'aime ces points de suspension qui nous obligent à revenir au texte d'origine de Quignard. C'est bien ainsi. Les passages de la réalité à la lecture ajoutent au piment des descriptions. Rien n'est ordinaire ici. La banalité n'existe pas.

JEA a dit…

Dernière photo : un seul hic, cette caméra de surveillance comme un oeil de moscou sur "les pierres d'Avignon et leurs amies obstinées, les plantes folles"...

Brigetoun a dit…

madame le Maire est exemplaire : y en a partout, beaucoup beaucoup des caméras (au centre ville au moins)

Lautreje a dit…

bercée par cette liste, je vais en paix. Merci Brigetoun pour toute cette rondeur.

F Bon a dit…

on n'aurait pas un cadeau comme ça tous les jours, mais quand ça vient, on prend...

arlette a dit…

Une petite liste ...qui dévoile la personnalité de la Dame

Nicolas Bleusher a dit…

Finalement, tout ceci me redonne l'envie d'écrire : merci !

Brigetoun a dit…

c'est vous tous qui me faites cadeau, là

jeandler a dit…

L'effritement des peintures sur le bois;
la trace de l'intempérie;
la branche brisée, la ride, l'ourlet défait, le sein lourd;
le déchet d'un oiseau sur la balustrade;
la lueur insuffisante et silencieuse d'une bougie pour dîner ou celle d'une lanterne suspendue au-dessus de la porte de bois;
...
et les points de suspension invitent à poursuivre le chemin. encore plus loin. Je passe le flambeau.

Bonne route. Sans finitude.

Laura- Solange a dit…

oui c'est un beau cadeau et peut-être que chacun repart avec une liste qui se continue en souriant...

Brigetoun a dit…

j'aime le début de celle de jeandler

Fardoise a dit…

couleurs, textures, sensations évoquées jusque dans les points de suspension...

Brigetoun a dit…

"Liste infiniment belle et à-propos de Pascal Quignard : les contes sont aussi pour les adultes."

Dominique Hassmann
(en litige avec blogger)

D. Hasselmann a dit…

@ brigetoun : merci d'avoir recopié mon commentaire, sans doute un pb de Blogger (mais pas vraiment un litige pour moi) ou de "Numéricable".

Gérard Méry a dit…

Oignon, Avignon ..rime riche !

Brigetoun a dit…

Géard tu es irremplaçable !