Paumée cher, n'ai pour toi que des photos sauvées, et guère de mots surnageant de la coulée de ces jours
Départ sous un ciel en semblant de chagrin, avec espoir égoïste d'ondées sur Avignon.
Arles, soeur d'Avignon, plus ancienne, plus noblement terrienne, moins éclatante
et une dame rencontrée qui m'a chargé de saluer ses cousines.
Avant le déjeuner sur une petite place, virée mains dans le dos, à la librairie d'Actes Sud,
avec juste deux petites entorses à ma décision de « niet », dont une très élégante oeuvre d'Eric Chevillard : joli pliage, et sous le titre « la vérité sur le salaire des cadres », ce long développement :
« On s'en fout ». (bon, maintenant je suis moins d'accord, n'étant plus en cause).
route sous ciel variable, et souvent souriant,
jusqu'à Marvejols, des chambres d'hôtes au bord de la promenade, trustées par la famille – retrouvailles, dîner, blabla aimable.
Réveil avec une lumière qui rasait le jardin pour l'éveiller, pendant que prenions force
pour préparer une salle de réunion (finalement n'y avait rien à faire) – interventions, nouvelles, renseignements, sourires, quelques oeuvres de résidents qui me plaisaient.
Ciel qui proclamait, avec un peu de duperie, sa luminosité, et montée vers Saint Germain du Teil, l'annonce de l'Aubrac.
Déjeuner, retrouvailles ou nouveaux contacts, et le paysage pour accompagner le cigare.
Ciel qui regrettait notre départ, ou nous chassait.
La beauté des routes, la sortie du causse
La beauté des autoroutes, souvent, et ce moment où, la voyant surgir, on se demande comment on peut la quitter,
la traversée de Toulon,
l'adieu du jour au dessus de nous.
Le jardin qui s'installe dans le printemps
Les troncs, dernière manie de Brigetoun avec les fromages de brebis (belle collection faite par les hommes sur le marché de Marvejols)
Brigetoun qui a cru trouver un charme dans l'aspect du sol, qui est perplexe, qui ne voit que son ombre, (façon de prendre possession ?).
Pic-nique dans un jardin en réfection, avec petit peuple de toute beauté, et les adultes qui vont avec,
un lilas qui m'a plu dans son absurdité digne de mes plantes,
un petit lamento sur ce qui reste d'un très beau figuier qui a dû être condamné.
Second jour au jardin, entre soeur, nièce et amie venues gentiment en visite,
et « sous les yeux d'occident » de Conrad.
Un mur vivant sa dégradation sur le chemin du fleuriste et du marchand de tabac.
Dernier salut matinal au jardin,
adieu au Faron,
arrêt pour nous permettre d'admirer des sculptures métalliques, oeuvres du hasard et de la nécessité.
En sortant de la gare, inquiétude pour la survie des plantes et grande envie de me débarrasser de mon si joli chandail.
Lecture forcenée et survolante du web – un peu de ménage (une recette de ma soeur pour le sol de la cuisine, couronnée de succès)
Voilà, voilà, et puis décider que ma robe rouge est encore mettable, l'endosser, changer de chaussures et partir à l'opéra
pour un passablement bon concert donné par Eric Le Sage, piano, Emmanuel Pahud, flûte, Paul Meyer, clarinette, Zvi Plesser, violoncelle et Guy Braunstein, violon.
Avec
le charme et l'allègre bonhomie du trio n°30 pour piano, flûte et violoncelle de Haydn
la beauté, diaprée, tenue, variée, tendue des variations pour flûte et piano sur le lied « Trockne Blumen » de Schubert
le romantisme, la forêt en montagne, du trio pour clarinette, violoncelle et piano, opus 3 de Zemlinsky
La seconde partie débutait avec une oeuvre d'un compositeur dont j'avoue que j'ignorais l'existence, Eric Wolfang Korngold, comme, à plus forte raison, celle de son trio en ré majeur, opus 1, pour piano, violon et violoncelle, composé à 13/14 ans – stupéfiant par son ampleur sa complexité, cette façon de tirer partie des influences dominantes de l'époque (1910) en trouvant sa voix personnelle
Suivait, pour ma joie, une belle interprétation des quatre brèves pièces pour clarinette et piano d'Alban Berg – la légèreté ronde du piano alliée à la sensualité de la clarinette au service d'une abstraction qui se défait, ou s'éloigne (et leur véhémence passagère) - « un geste amorcé dont on sent qu'il pourrait se continuer, se diffuser, se multiplier » selon Kafka (trouvé sur le programme, et parfaitement juste)
Et pour finir, leur réunion, tous les cinq, pour la Kammersymphonie, opus 9 de Schoenberg et Webern – splendeur de cette musique, et plaisir qu'elle soit jouée enfin à Avignon, plaisir partagé par l'auditoire, malheureusement assez restreint.
14 commentaires:
Plein de richesses, pleines d'ailleurs ! Vivent les voyages...
Quel magnifique adieu au-dessus de vous... et ce récit de voyage ornementé de mots choisis et de photos pittoresques. D'agapes en promenades, et de promenades en fines observations, tout est bon ;-)
ça donne vraiment envie de faire sa valise !
joli carnet de souvenirs...et puis retrouver sa source
n'ai pas de source, ou en ai beaucoup mais aucune sur ce chemin
Des retrouvailles par petites touches quelques images et puis s'en va .....
Progression patiente dans les paysages autres, les cieux sont aussi là-bas.
douce mélancolie dans ces retrouvailles, le temps file, les enfants grandissent, et la vie va, vive l'absurdité du lilas !
Contente de ton retour !
Que de choses, de rencontres et de beaux souvenirs rapportés. Merci Brigetoun.
Photo sous :
"...le paysage pour accompagner le cigare..."
un paysage "tout suffoquant et blême", comme si on lui avait passé un fameux cigare...
(bon, maintenant je suis moins d'accord, n'étant plus en cause)...tu ne voudrais pas en plus faire la pluie et le beau temps ! ! ! !
Très heureuse de te savoir rentrée saine et sauve, et ravie de te relire !
J'adore ton choix de mots, tes photos en respiration - oui ça fait aimer les voyages...
Relation d'un voyage pleine d'allègres pensées. Un relent de jeunesse.
Korngold aurait pu être de concert avec Mahler mais a préféré les sirènes d'Hollywood...
Enregistrer un commentaire