Courte incursion dans mon quartier ce mercredi matin pour achats triviaux (éponges et papier cuisine) marche un peu chaloupée, en rêve éveillé, yeux ouverts sur détails, les ouies d'un immeuble,
ou la rencontre d'une cheminée, lances dardées, et d'une infime graminée, fragile et charmante, plaquées sur le ciel dur.
Mardi, dérive quiète en ce vide, qui, malgré amis, accueillait paumée et mes rouges, et surtout s'était installé, le soir, dans la salle de l'opéra.
Nous, public de trois représentations regroupées - pour limiter les dégâts - en une, flottions au gré de nos envies d'étages en parterre, et n'occupions qu'un peu moins du sixième des places. Tentatives d'explications, qui s'échangeaient, en étonnement effondré : la période (comme sur internet) et une danse qui cent ans après fait craindre, stupidement, trop d'intelligence et peu de charme aux encroutés (cent ans de croute c'est épais)
C'était le spectacle du centenaire d'Alwin Nikolais, promené depuis deux ans par la Ririe-Woodbury Dance Compagny, dix danseurs qui dédient leur beau talent à ses anciennes chorégraphies – spectacle de tournée, bien entendu, mais pas davantage que les flamencos et autres qui font salle comble.
Nous avons investi les bonnes places pour que les danseurs se sentent moins seuls. Et ce n'est peut être pas ce que j'ai vu de plus beau, mais ce l'est passablement, et juste ce qu'il fallait pour que nous échangions sourires de douce allégresse pendant l'entracte (les deux dernières pièces étaient peut être à un soupçon de niveau plus faible).
Géométrie mouvante, jeux de lumière et de couleurs, graphisme joyeux des costumes, rythme, musique concrète ou vaguement orientale, percussions, clochettes, calligraphie tracée par les corps, lumières stromboscopiques, métamorphoses, abstraction et présence des corps, jeux de rubans, humour, poésie immédiate, et ridiculisation bon enfant – une bouquet euphorisant simplement, joliment.
en repartant dans la nuit j'ai croisé un chat noir là où je suis souvent accompagnée par la marche d'un pigeon et me suis soudain demandé ce qu'ils devenaient la nuit, les omniprésents, que l'on ne voit dormir dans aucun de leurs coins favoris. Problème de grande importance que j'ai tourné et retourné en faisant sonner mes pas.
Et en ce mercedi matin, une lassitude grande, tendant à l'absence de carcasse, yeux, crâne, mains crispées et lentes et ce qui me reste d'esprit, pas vraiment pénible si on reste dans un renoncement serein et un peu lâche – absence – ai suivi un peu la campagne rue-Sébastien-Bottin/rue-Gallimard en assumant ce que ça avait pour moi, contrairement je pense à d'autres, de chahut un peu potache (pas tout à fait, et d'assez bonne guerre face à la prétention un rien outrancière de cette demande de donner son nom à une rue). Un cocktail de jaillissements en surface de la colère impuissante devant le suicide de l'Europe en commençant par celui infligé au peuple grec et à l'avenir de ce pays - sauf les possédants qui n'ont de patrie que dans la limite de leurs intérêts -, de l'indignation devant la sape que, même sans obligation, les derniers gouvernements infligent aux financements entre autres des associations, dans notre indifférence jusqu'au moment où, ayant besoin d'accompagnements quelconques, nous en touchons du doigt les effets (mais gardons nous de leur en faire porter la faute), de la rage devant cette notre société actuelle, avec son moralisme affiché, ses valeurs revendiquées, qui vous en dégouteraient, et son égoïsme ferme et omniprésent – et ma petitesse, honteuse mais allègre, en jubilant en lisant sur le Nouvel Observateur, qui se rachète un peu là, « Alain Finkielkraut ou la pureté nationale », de me laisser aller, moi, au mépris dans lequel me permets de les tenir ces rands esprits certifiés http://leplus.nouvelobs.com/contribution/2296;alain-finkielkraut-ou-la-nouvelle-purete-nationale.html
Rages, mépris, révoltes, en ce jour parfaitement stériles, faute de courage, un peu, d'occasion immédiate, de contacts, d'espoir (plaisir soulagé d'en trouver des traces chez certaines sur twitter) et jouissance d'une méditation vague, et d'une promenade avec Voltaire, assise sur les carreaux passablement sales de la cour, avec vieille jupe blanche bien aimée que ne me décide pas à condamner.
6 commentaires:
Je pense encore et toujours à la fable de la fourmis et la sauterelle.
Il sera bientôt temps qu'on danse.
Ici, on compare les réactions des Grecs avec celles des Brits face à l'austérité.
Débat troublant et complexe qui navigue entre les passions et l'irrationnel, entre trivialité et condescendance. « Absentem lædit, qui cum ebrio litigat ».
pas certaine de comprendre - ou alors, un plaidoyer : le mépris pour les forts est la seule arme du faible
Rage et colère partagées
Problème précédemment pour poster mon message.
Nouvel essai, espère que vous n' en recevrez pas deux malgré tout.
Donc, merci pour l'article du Nouvel Obs que je viens de lire.
Cela fait longtemps que je n'écoute plus A. F qui dérive.
Dommage, pour le moins, que France-Culture lui offre encore son antenne.
Je viens de vérifier il a bien dix danseurs
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