Dans le soir d'Avignon, des textes, des voix, des ciels, des acteurs et actrices
Brigetoun ne mérite pas sa ville, et s'en est tenue à l'écart jusqu'au soir.
Brigetoun ou ce qui croyait exister par moment, commençait à penser, à faire même des projets, notait parfois la présence de la lumière sur le mur, ou son absence, et chaque fois se dissolvait.
Suis partie en fin de journée, munie d'un parapluie, inquiète d'avoir cru voir les nuages s'amonceler,
les ai trouvés sur la place, mais étaient de passage, et devant moi c'était une beauté de blancheurs légères comme j'avançai dans la rue Joseph Vernet, pour aller écouter, dans la cour de Calvet, la deuxième partie de la trilogie de la critique d'Antonio Negri « Renzo le partisan » (critique des armes), avec Evelyne Didi et Laurent Poitrenaux
arrivée assez tôt pour n'être pas refoulée (j'aurais pu m'en passer), dans le petit groupe devant la grille
je regardais la lumière sur le mur -
dans la longue attente dans la cour d'entrée, je regardais le sol, les pieds, et puis le ciel,
pendant l'attente sur ma chaise dans le jardin, je regardais les platanes,
et la lumière sur la balustrade – et puis Antonio Negri qui parlait à quelqu'un et Poitrenaux qui relisait le texte.
Un prologue par des voix enregistrées, et puis la lecture par Poitrenaux dans le rôle de Renzo le jeune partisan qui s'interroge et, avec une jolie subtilité dans les changements légers de timbres, et surtout dans le rythme personnel de chaque personnage, le chef, le psychiatre etc... avec des interventions d'Evelyne Didi – plaisir de leurs voix, plaisir aussi du texte (qui sera diffusé en novembre sur France Culture.
Je suis repassée chez moi prendre ma petite veste de soie parce que, malgré mes bras couverts, je frissonnais un peu (et regardais avec étonnement admiratif les jeunes femmes)
pour repartir, monter les marches vers la porte du palais, aller écouter, pour elle, pour le texte, un peu malgré la mise en musique, « le condamné à mort » de Genet, par Étienne Daho, avec Jeanne Moreau, au milieu d'avignonnais, peu habitués à la cour , chaleureux et heureux d'être là.
Y aller parce que tout, prononcé par elle, devient beau et intelligent – d'autant qu'elle se commet rarement – et parce que : l'incandescence des mots, éclatant dans cette forme classique.
Ma familiarité avec ce texte qui m'avait fait craindre jusque là d'entendre la musique posée dessus, même par Hélène Martin, musique sur musique des mots, musique minimaliste heureusement que la cour accueillait et exigeait presque, presque...
et les interventions de la voix de Moreau :
« Ne chante pas ce soir les « Costauds de la Lune »,
Gamin d'or sois plutôt princesse d'une tour
Rêvant, mélancolique à notre pauvre amour ;
Ou sois le mousse blond qui rêve à la grand'hune.
Il descend vers le soir pour chanter sur le pont
Parmi les matelots à genoux et nu-tête
« L'Ave Mara stella ». Chaque marin tient prête
Sa verge qui bondit dans sa main de fripon.. »
voix s'étendant dans la nuit, voix faisant vivre les vers, parce que je trouve tout de même un peu dommage la musique qui aplanit un peu trop les fulgurances du texte – la mécanique de l'alexandrin se laisse malmener, assouplir, ce qui est moins le cas d'une musique rythmée.
Applaudissements, ambiance presque familiale (après amusement de sentir ma voisine qui découvrait le texte recevoir la crudité de certains mots auxquels l'idée « condamné à mort » ne l'avait pas forcément préparée).
Repassée dans l'antre, noté ceci avant de repartir à minuit vers l'école d'art
pour une « bataille » (improvisation) entre Jeanne Ballibar, raffinée-décontractée, jouant les paumées, genre Zelda, et Marlène Saldana qui fait l'essentiel du show (le décalage entre les rares prises de parole de Jeanne Bellibar et sa présence, danse etc... est savoureux) avec un bel humour et courage (masse de chair huilée sur d'immenses talons, en bikini jaune et perruque blanche, et clowneries incessantes, même quand elle se met à lire la guerre des Gaules).
Retour par la rue Joseph Vernet déserte, vers les terrasses encore animées de la place Crillon, et l'antre.
12 commentaires:
L'impression toujours de participer avec toi, d'y être également, j'aime bien ton festival -)
J'ai cette jolie impression, aussi!
Terrible dilemme. Difficile d'oublier la voix toute spéciale d'Hélène Martin qui a tant chanté Genest et nous ouvrir à ce nouveau duo Moreau-Daho qui revisite le Condamné à mort. Il y a eu aussi Francesca Solleville. Et bien d'autres. Jeanne Moreau et Étienne Daho nous ont visités il y a quelques semaines dans le cadre des Francofolies de Montréal. Pour un soir. Ce fut un beau moment, assombri toutefois par le choix d'une salle de concert gigantesque pour la présentation d'un récital si intime.
merci à vous trois d'avoir passe outre les superbes coquilles découvertes ce matin - devrais vraiment me relire, moi, quelle que soit l'heure
J'aurais tant voulu y être... J'aurais plus redouté la légèreté d'Etienne Daho, non la musique d'Hélène Martin que je connaissais déjà. Mais dans son cas la légèreté n'est que façade. Une soirée bien remplie en tous les cas.
La voix de Jeanne dans "Il se peut qu'on s'évade en passant par le toit. On dit que la Guyane est une terre chaude..."
Il y a/il y a eu Marc Ogeret...inoubliable...
Jeanne Moreau: il y a longtemps que je l'admire !
"Elle se commet rarement " .... Belle phrase qui la définit toute
Respect!! pour Brigetoun qui nous entraîne par vent et pluie sans relâche Bravo pour sa capacité d'absorption!!!!!et de retransmission
diantre! entre l'antre et les rues ça fait quand même du monde , des musiques et des mots des mots...en musiques ...et quelqu'un pour nous faire croire les entendre
je vais tenter de rattraper mon retard, car je ne connais qu'un festival d' Avignon, celui mis en billets par Bgrigetoun !
Point lu ce jour de carcasse gémir
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