commentaires

désolée, Paumée se veut à l'abri, sauf quand un acte fait déborder le vase, des allusions à la politique ambiante.. et si je suis reconnaissante aux envies de commenter je vous demande de me pardonner de rétablir la modération

jeudi, juillet 21, 2011

Soleil et nuage, frais du vent et douceur délicieuse par moments – spectacles divers, conte et corps


Départ frissonnant par habitude et parce que le vent était frais et moments où, en son absence, je pilais pour recevoir, me délecter, sous la chaleur revenue qui baignait joues et nuque


vers le Lycée Saint Joseph pour le programme C des « sujets à vif »

plaisir total de la première des deux courtes pièces : « contes tordus » de Julie Nioche (danseuse et chorégraphe) et Christophe Huysman (auteur qui danse) avec la musique d'Alexandre Meyer

« Nous construisons avec nos corps imaginaires et nos histoires secrètes des contes. Dans une boîte à musiques, à couleurs, à paroles et à danses : le goût de la vie, la petite fille penchée, le garçon instable, je vous ai cherché quatre jours et quatre nuits. »

Le public s'installe devant un grand transparent bleu sombre à travers lequel se devinent à peine deux silhouettes debout face à face – au premier plan à gauche Alexandre Meyer et ses instruments, et deux jeunes gens tenant en main des manivelles à chaque extrémité.

« êtes vous certains du goût de la vie, connaissez vous bien le goût qui vit.. » la petite voix se tait, Guitare. L'écran s'enroule et une portion jaune vient le remplacer, qui permet de voir la fille et l'homme tendus l'un vers l'autre, elle attirance et retrait, lui désir de franchir la distance – une belle danse simple – soudain une pluie de balles multicolores s'abat sur la scène, en tempête, recouvre le sol comme de très gros grêlons – ils se déplacent sur de grands bâtons comme de très grands skis, à la limite de la perte d'équilibre – l'écran s'enroule encore et devient vert -se retrouvent vers le centre, ayant créé ainsi une enceinte carrée regroupant la majorité des balles avec leurs bouts de bois, se déchaussent – tentent de rester debout – voix féminine pou le conte de la petite princesse penchée – voix masculine pour le conte du petit garçon instable comme un prince périssable – et j'aime leur danse en équilibre – l'écran devient blanc, ils se pressent de chaque côté d'une grosse boule malléable et transparente, qu'ils tentent de traverser – fin

un assez long entracte pour débarrasser le plateau, démonter l'écran

retour dans le jardin pour le second spectacle, « sous les feux » avec Hörg Muller, danseur, circassien, jongleur, sur une chorégraphie de Pedro Pauwels

« Poussé en permanence à être sous les feux, l'homme contemporain semble malgré tout connaître sa destinée, sa mission. Esquives, détours, acceptations, agressions, déséquilibres, il est comme un animal, soumis à une vigilance accrue pour que rien ne stoppe son avancée... Ici un homme debout, le regard plongé dans l'horizon, un homme intègre, qui s'écrase et s'éteint, un destin comme tant d'autres, une perte de confiance, une quête de reconnaissance », aimé le début, vu debout contre le mur du jardin, et puis comme je le craignais, le souvenir du premier, la difficulté à sortir de ce petit conte, surtout le réveil de carcasse, je me suis éclipsée, furieuse contre moi, juste le temps des dix premiers pas dans la rue, et résignée non sans plaisir soulagé à subir mes lubies, acceptant le risque de manquer quelque chose d'important.


l'air était enfin délicieux, et suis arrivée un peu avant une heure pour faire cuisine, déjeuner, voir passer de gros groupes de nuages, siester, essayer de faire un peu de ménage passer du jean à la robe polo

et partir pour l'opéra pour voir à 19 heures, « Sul concetto di volto nel Figlio di Dio" de Romeo Castellucci –

avec petite hésitation, me demandant si saurai m'abstraire assez pour voir avec yeux de spectateur, yeux du fils aimant et aidant, la scatologie du corps du père, qui touche d'un peu trop près mes petits combats (désolée, mais ça ne pouvait que jouer sur ma vision et ne le savais pas en prenant billet, sans hésitation puisque j'aime ce que fait Roméo Castelluci, même quand ça n'est pas entièrement réussi) après avoir vu le billet du cousin de Martine que je vous engage à lire http://lireaujardin.canalblog.com/archives/2011/07/20/21642680.html (décidément tout le monde sauf moi était à la générale) et l'entretien que j'ai trouvé en PDF sur le site du festival

« L’axe entre le portrait (gigantesque reproduction du très beau visage du Christ salvator mundi d'Antonello da Messina au fond de la scène) et le spectateur croise en effet celui tracé entre un père incontinent et son fils qui doit partir au travail, alors même que son père est victime d’une crise de dysenterie. Le rapport entre le spectateur et le portrait du Christ, qui veille avec bienveillance sur lui, est ainsi entraîné dans une turbulence provoquée par le débordement du père. Je voulais comprendre l’amour et la lumière dans cette condition de perte. L’incontinence du père est une perte de substance, une perte de soi. Ce n’est pas la mort, mais elle fait tout autant souffrir...

…. Le spectateur doit faire face aux sentiments qui animent le fils, c’est-à-dire la patience, la pitié, l’amour, mais aussi la colère et la haine... » avec, suis irrémédiablement prosaïque, un petit attendrissement devant sa relative balourdise (ce bel appartement comporte certainement une salle de bains, il est vrai que cela tuerait le spectacle)

Image http://newsobsever.com

Et puis en fait, cela a joué, cet ineffable qui transcende la merde (finalement assez abstraite , élément de l'image, élément figuratif bien entendu mais avec la distance d'une esthétisation) dans la relation humaine, à travers la construction des images. Mais il y a aussi ce que ne note pas l'article de Cyrille Benhamou , la perversité du père, ou son désir de soumettre l'amour du fils à une épreuve supplémentaire (il renverse un réceptacle de merde, rendant la situation inextricable) qui amène la très belle scène où le fils s'éloigne, se colle au visage du Christ, caresse ses lèvres, y trouve sans doute réconfort.

Arrivent les enfants et les grenades qu'ils envoient sur le Christ et l'article de Cyrille Benhamou y voit un geste libérateur. Moi j'ai plutôt remarqué que les grenades sont bruyantes mais n'explosent pas, n'endommagent pas la sérénité de cette face qui reste douce, finalement assez fermée sur sa sainteté, indifférente.

Seulement ensuite, après le départ des enfants, la toile est travaillée de l'intérieur, poussée par endroit, inondée peu à peu d'un liquide, merde ou sang, avant d'être déchirée par des hommes grimpés sur le mur, laissant apparaître toujours le visage mais un peu comme le dessin préparatoire d'une fresque, derrière une inscription lumineuse « you are not my shepherd » tu n'es pas mon berger ?

Spectacle plus apparemment explicite (même s'il semble que l'on peut en avoir lectures différentes) que souvent chez Castelluci, mais que j'ai aimé – avec le plaisir de l'italien non sous-titré après tant d'anglais, et qui ne nous est de toute façon pas destiné étant murmure calmant du fils face aux pleurs du père – plaisir aussi des petites huées montrant qu'il est toujours possible de choquer le public (pour bien peu en l'occurrence)

retour dans l'antre, cuisine en vue du souper, jolie tunique et départ vers le gymnase du Lycée Mistral pour voir « Low pieces » de Xavier Leroy

je tenais à avoir une place à évacuation aisée, suis arrivée avec une demi-heure d'avance, pour une longue attente dans l'allée, puisque comme l'autre soir ils n'ont ouvert la porte qu'au dernier moment – j'écoutais, j'admirais un couple de trentenaires aigüs devant moi, je regardais les arbres et les lampes

« Et si commencer et clore une pièce par une conversation était le moyen le plus simple pour créer un lien entre artistes et spectateurs ? Pour Xavier Le Roy, ce qu'on montre compte autant, sinon moins, que les débats qui en découlent : ses pièces sont toutes des supports de réflexion. Deux temps d'échange entre le public et les interprètes ouvrent et ferment donc low pieces. La présentation des mouvements qu'encadrent, en miroir, ces espaces de parole en est bouleversée quand les danseurs, avec lesquels le spectateur parlait quelques minutes auparavant, se retrouvent déshabillés sur scène, couchés ou à quatre pattes. S'agit-il d'ailleurs vraiment des mêmes ? En quoi le regard des uns et des autres est-il modifié ? Comment danseurs et spectateurs vont-ils reconfigurer un espace commun ? Face à ces corps nus, l'image sociale du danseur en train de discuter, encore présente aux yeux du spectateur peu de temps auparavant, s'estompe. Tout mot qui voudrait décrire semble en deçà ou au-delà de ce qui nous est donné à voir. Il pourrait s'agir d'un troupeau d'animaux au repos, d'une meute de lions au soleil, d'une composition végétale... Ces images se succèdent dans notre imagination. Le groupe d'individus se mue en groupe de nature indéterminée, capable d'accueillir l'ensemble de nos projections. Xavier Le Roy joue ainsi sur nos sens et interroge une nouvelle fois dans cette pièce la manière dont nous percevons un corps"… dixit programme.

Photo du site du Festival

Onze danseurs (5 filles, 6 hommes) assis à terre face à un peu plus de 300 spectateurs, quinze minutes de « conversation » qui sont sensées nourrir le spectacle avant le noir. Public un rien paralysé - j'ai demandé s'il leur arrivait d'avoir des questions intéressantes, rires, et réponse positive, ce dont je me permets de douter légèrement quel que soit le talent du public et d'ailleurs à une question (intelligente en effet) demandant en quoi la dite conversation influait la réponse à été d'un évasif tendant vers le néant.

J'ai bien aimé. Même si en fait il entre me semble-t-il un peu de sadisme dans le principe. De courtes séquences entrecoupées de noir total (entraînant raclement de gorges, rires nerveux) de corps nus allongés, hochant la tête, quasiment immobiles, se frottant, ou marchant à quatre pattes, poings rentrés, comme de grands animaux paisibles. Chaque fois que la lumière revenait elle s'accompagnait de départs. J'étais bien, plutôt sous le charme, admirant la maîtrise, les regroupements si apparemment naturels, si parfaitement pensés, mais quand un quart d'heure avant la fin, alors que j'étais dans un bien être baillant (comme certains des animaux sur scène), une voix a annoncé le dernier entretien de quinze minutes dans le noir, avant lumière et salut, il m'est apparu évident qu'il faudrait alors secouer Brigetoun benoîtement endormie, et suis sortie dans le noir, avec l'aide d'une jeune femme au tee-shirt rouge.

Rue Joseph Vernet, déserte en sa première partie

ai rencontré des estivantes heureusement à l'abri de la fraîcheur de la nuit

et une belle animation au débouché de la rue Saint Agricol.

12 commentaires:

Pierre R. Chantelois a dit…

Gentes Dames et Damoiseaux d'Avignon ont revêtu ses beaux atours. Que j’aime votre humour : (ce bel appartement comporte certainement une salle de bains, il est vrai que cela tuerait le spectacle) - (j'ai demandé s'il leur arrivait d'avoir des questions intéressantes, rires, et réponse positive) - (il m'est apparu évident qu'il faudrait alors secouer Brigetoun benoîtement endormie). Quel beau compte rendu plein d'humour et de fraîcheur!

Michel Benoit a dit…

Il n'est pas facile de résister à nos lubies : on appelle ça le pouvoir de lubie quittée. :))

micheline a dit…

Ubiquité: bien! c'est tout à fait ça

jeandler a dit…

Boudi ! quelle journée, encore.

lireaujardin a dit…

Je transmet à Cyrille. Votre vision à tous deux d'un même spectacle éclaire davantage encore ma compréhension de "Sul concetto di volto nel Figlio di Dio" de Romeo Castellucci (et tous deux admirateurs de son travail).
Comme dans la lecture, chacun voit suivant son filtre, sa personnalité, son vécu...

Lautreje a dit…

au moins 4 spectacles par jour ! Je suis admirative !
Je serais restée sur le premier conte avec une lente digestion jusqu'à l'animation de la rue Saint Agricol.

Gérard Méry a dit…

je rêve, tu arrives à siester et faire le ménage avec une journée comme çà !!

Pierre R. Chantelois a dit…

Avignon

le pouvoir de lubie quittée. :))

:-) :-) ;-)

Unknown a dit…

quelle magnifique description des pièces du OFF.
cétait une journée de bijoux pour toi.

la pièce en nudité me fait sourire, la nudité la nous emmène à la vérité.

merci Brigitte je te souhaite beaucoup plus de journée au OFF comme cela.

Brigetoun a dit…

d'zutant qu'il n'y a pas une pièce du off là dedans

Unknown a dit…

ca c'est vraiment difficile....

Lautreje a dit…

Lu un long article ce matin dans Libé sur ce face à face fils-père, face à face qui ne laisse vraiment pas indifférent !