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désolée, Paumée se veut à l'abri, sauf quand un acte fait déborder le vase, des allusions à la politique ambiante.. et si je suis reconnaissante aux envies de commenter je vous demande de me pardonner de rétablir la modération

vendredi, août 05, 2011

Traverser



Il a, de loin, le visage rond, tendre et lisse des premiers mois de notre rencontre. Cette moue - de canaille ou de coquin - qu'il prenait pour me plaire. Il semble heureux, apparemment. Je me découvre parmi d'autres, des amis sans doute, au milieu d'une rangée de cinéma. La séance n'a pas encore commencé. Il est assis, sur la gauche, à quelques sièges de moi. Je l'observe. J'essaie, du moins. J'espère qu'il me reconnaisse mais nos regards, jamais, ne se croisent.


Traverser.


Je salue le garçon qui l'accompagne puis me retrouve - raccourci de la vie rêvée - dans ce qui doit être un lit, défait. Je le presse dans mes bras, plutôt je le berce et lui dis, doucement, mon émotion de le revoir. Je ne dis pas vivant. De près, ce n'est plus qu'un corps maigri, un front pâle et ridé qui se décompose, poussière brillante au bout de mes doigts...


Même décor, autre séquence. Il est assis, au bord du lit, en pull ras de cou. Il a sa tête de chérubin noir, cet air fier et mauvais, mélange agressif de jalousie outrée et de souffrances anciennes. Il me parle, un peu, tournant négligemment les pages d'un magazine. Il se fait distant. Je le sais perdu. Il me dit qu'il a rendez-vous avec cet amant - celui du cinéma - à minuit, précisément. Comme un appel, un évident sous-entendu pour rompre encore, si je le veux, le sortilège qui nous a séparés.


Traverser.


Je m'enfouis dans le souvenir de son cou. Je le soulève, je nous arrache, si lourds, à ce temps parallèle, luttant des minutes entières contre les forces du passé, battant des ailes et des talons pour échapper aux démons de sa mélancolie...


J'ouvre les yeux. La chambre, le jour, à peine. Le présent qui respire. Et cette larme, évanouie, dans ma taie d'oreiller.


NB


« Paumée » est tout heureux d'accueillir le beau texte de Nicolas Bleusher « traverser » et Brigetoun, en réponse, décline la traversée chez lui http://nicolasbleusher.wordpress.com puisque :

Tiers Livre et Scriptopolis sont à l'initiative d'un projet de vases communicants : le premier vendredi du mois, chacun écrit sur le blog d'un autre, à charge à chacun de préparer les mariages, les échanges, les invitations. Circulation horizontale pour produire des liens autrement… "Ne pas écrire pour, mais écrire chez l’autre."


La liste des participants, que j'espère correcte se trouve ci-dessous ou sur un blog dédié à ce seul usage http://rendezvousdesvases.blogspot.com/ (pour simplifier les choses pour les participants

8 commentaires:

Pierre R. Chantelois a dit…

Douce mélancolie sertie dans un écrin de mots

Lautreje a dit…

la souffrance est la plus fidèle des amies, ici elle est tour à tour envahissante, ronde comme une berceuse d'enfance, et terrible aussi.

jeandler a dit…

Traversée en dehors des clous
non sans peine non sans risque
il est un autre

Brigetoun a dit…

merci à toi Nicolas pur cet échange

mel13 a dit…

Très belle traversée et "le présent qui respire" ...

joye a dit…

Bravo !

Gérard a dit…

Romantique aujourd'hui

Brigetoun a dit…

ce n'est pas moi !