C'était, en arrivant sur la place, la défaite des terrasses, l'entassement des compagnies de tables et fauteuils en troupeaux désarmés - ce désordre - réunis pourtant par caste, régiment ou restaurant - les pieds de fonte levés, vaguement indécents, les jambes emmêlées des fauteuils repliés, une desserte rouge exhibant ses vides,
ou l'ordre relatif des clairs, les fauteuils au garde à vous, et la rangée dominatrice, les parasols couchés comme des drapeaux ou pavillons, un souvenir d'ordonnance juste un peu tempéré par le relâchement de la fin du service, la proximité de leur longue permission.
C'était, au dessus des petites rues, le lent déplacement d'amas gris glissant les uns sur les autres, dégageant des zones blanches que la lumière transperçait, une fraîcheur douce, l'idée très vague de pluie et la certitude que ce ne serait pas.
C'était, une fois encore, l'acceptation de l'arbre prisonnier, son salut aux passants, sa quête sans espoir, comme un devoir, de la lumière,
mais toujours la jeunesse fragile, pour un temps encore, d'un feuillage si fin qu'il semble frémir en l'absence de vent, poser un peu de pointillisme à la limite de mon chemin, et les zones rousses sont là pour parfaire l'indécision, le brouillage de l'image qu'il me donne.
C'était, dans le morne de ce jour, des sourires reposés et des touches de couleur, laides ou non, créées par les hommes pour trancher dans la quotidienneté.
C'était le vert lové d'un tuyau qui arrosait le sol, en souvenir de la pluie, prétendait le laver, ravivait les couleurs des pavages,
et c'était le fin ruisseau, au centre de la petite rue que je suivais, comme un souvenir des temps anciens, en harmonie avec les restes de chapelle enclos dans les murs.
11 commentaires:
Quelle description! Voilà pourquoi je suis amoureux de la langue française. Elle sait si bien nous combler et nous enrichir. Une lecture encore une fois passionnante, cela dit sans flagornerie. Ne serait que pour les pieds de fonte levés, vaguement indécents, qui m'ont fait bien rire.
et c'était joliment raconté par Paumée !
C'était un plaisir de lire tes mots si bien agencés pour décrire avec poésie une promenade dans l'automne qui s'installe et faire de tes rencontres du jour une belle harmonie. C'était si bien écrit !
Les terrasses défaites, les feuilles à l'abandon mais c'est une débandade ! Avignon ne serait-il plus Avignon ?
Abandon et devoir de lumière , et puis la petite eau, une larme à peine.
Je ne sais pas pourquoi ce billet m'émeut à ce point...
Première photo : les arts tristes...
l'imagination au pouvoir!
C'était ainsi que l'hiver entrait en ville.
En attente ...des scintillements et Pères Noël en goguette
un temps de pause troublant
Marcher paisiblement avec tes mots comme viatique, un parcours de bonheur ! Merci. Bises.
La rue, la rue, toujours recommencée...
On est déjà mercredi !
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