Après le petit déjeuner, carcasse bien chaude encore de la douche, d'une friction et d'une robe et une veste en gros tricot, ai ramassé encore dix litres de feuilles parsemées dans la cour, redressé le buis qui se vautrait, traduit existence du vent mais abstraitement.
En arrivant sur la place ai senti que le vent était là, en effet, petiot à côté du mistral, mais présent, bien froid, se frayant passage dans mon manteau-cape et le soulevant pour mieux me faire frissonner, chassant lentement des nuages, les brassant, les regroupant, laissant le bleu régner au dessus des remparts et conduisant un troupeau anarchique face à moi.
Rue Saint Agricol, les silhouettes plus ou moins emmitouflées, certaines fort peu, avançaient d'un pas réduit et vif, les épaules unanimement relevées et contractées,
et la place de l'horloge était un désert où nageaient quelques ébauches de terrasse résolument vides.
J'allais, prévenue par un coup de téléphone, échanger ma place du 2ème balcon pour le concert du nouvel an de l'orchestre, contre un premier balcon – mais inutilement, puisqu'il avait été finalement décidé de nous demander (les abonnés-amis-de-l'orchestre) d'arriver une heure plus tôt, pour que le 1er balcon soit dûment et tranquillement garni de notre présence, à l'avance, et d'échanger le billet à ce moment.
Jour entre sommeil, menues tâches domestiques exécutées pour une fois avec un semblant d'organisation et de soin, et lectures – banalité tranquille.
Jardins, Paysage et «génie naturel»... par College-de-France
Surtout, ai regardé et écouté longuement, souvent avec un intérêt fasciné, parfois avec une distraction qui l'effaçait plus ou moins, parce qu'un mot, une image, une idée m'avaient envoyée à des images ou un discours intérieurs, ou parce que j'étais partie en incursion sur ce qu'affichait Google reader, et alors, souvent, je revenais en arrière, les cours de Gilles Clément au Collège de France – c'est à dire cette vidéo et celles qui la suivent, sur http://intercession.over-blog.org/article-gilles-clement-college-de-france-97016205.html.
Je me suis interrompue un peu après 18 heures pour robe blanche, veston de velours, manteau et coup de peigne et suis partie comme convenu vers le théâtre, en sermonnant carcasse qui grognassait...
Prescience de sa part ? J'ai trouvé cela (avec en fait beaucoup plus de gens devant moi une partie attendant dans les cafés des alentours que leur représentant sur place leur fasse signe de rejoindre). Et, honte à moi, je n'ai pas su être à la hauteur de la bonne humeur résignée de mes compagnons du moment. J'ai attendu dix minutes, constaté que les portes ne s'ouvraient toujours pas, pensé que rien ne prouvait que j'obtiendrai le strapontin qui m'est indispensable, surtout les soirs tangents, laissé le froid s'infiltrer à travers les couches superposées et monter en moi un minable « se foutent de nous », et me suis repliée vers l'antre, avec l'idée de revenir une heure plus tard avec mon billet normal, sans profiter de leur si magnifique cadeau.
Seulement, rentrée, j'étais une créature tremblotante, au nez qui coulait le dégel (qu'est ce que je deviendrais dans un climat moins clément?), à la carcasse en colère renforcée, et comme je n'avais aucune idée du programme, ai décidé qu'il ne m'aurait certainement pas séduit, me suis enveloppée de laines et de somnolence, ai regardé la dernière des vidéos de Clément et un peu du Chevalier à la rose.
Je deviens d'une lâcheté inouïe.
10 commentaires:
lâcheté ?
que nenni
mais comme un lâcher de pigeons
ouvrir les cages pour qu'ils s'envolent
sans subir une attente inter-minable...
Il y a un peu volupté d'une certaine résistance dans la lâcheté inouïe.
Laisser jouer parfois le théâtre intérieur...
Aussi patiente que je puis l'être !
Rien ne va plus, faites vos jeux.
Le jour de l'an est déjà loin. le prochain sera mieux après une année de répétitions supplémentaire.
« se foutent de nous »
Trop souvent nous avons l'impression d'importuner la personne préposée au service à la clientèle ou le personnel de l'établissement. S'cusez-nous.
La foule, le froid, les files à bestiaux
ce n'est pas de la fuite
c'est de la lucidité.
Il n'y a aucune LÂCHETÉ à se RETENIR chez soi.
J'ai commencé (suis au milieu seulement) l'écoute de Gilles Clément, c'est fascinant ce mélange de technique, de politique et de poésie dans "l'enclos" du jardin. Merci Brigitte, de la belle ouverture offerte.
oui, et j'ai pensé à Jean-Claude Bailly.. même formation, non ? je pense
Ah!! mais non tu as eu raison mille fois
et ne pas croire
Avignon avec petit vent est glacial, pire que plus au nord dit -on ....
Toulon si soleil grelotte au matin avec 1 ou 2 petits degrés
Gilles Clément ...autant applaudi que Léonard Cohen
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