Vendredi suis partie, abandonnant l'attente des derniers vases, et luttant contre sommeil, en velours rouge sur velours noir, et jambes galopant autant que le pouvaient dans la surprise du presque froid, vers l'opéra et les Noces de Figaro, comptant sur le plaisir de Mozart, transcendant l'interprétation.
Et ce fut plaisir, vrai. Pas une réalisation prestigieuse mais une réussite.
L'orchestre, léger, par force, sans l'être trop, au mieux de sa forme sous la direction de Olivier Schneebelli – élan, entrain, finesse.
Des décors simples, cube à dominante bistre/beige avec quelques éléments mobiliers dans la même gamme ou blancs – vivant par de belles lumières. Des costumes, interprétation sobre de l'époque, beige, blancs, bordeaux clair ou foncé, violet. Une mise en scène invisible et présente, efficace, vivante, sans aspérité, de Christian Gangneron. (photo de répétition, comme la suivante, rephotographiées à partir du programme)
Des chanteurs jeunes et très bons, parmi lesquels j'ai spécialement aimé (vraiment) la très jolie (physique et voix) Suzanne de Gaëlle Arquez, le Figaro de Manuel Betancourt (accord de voix : régal) et la très jolie voix de Eve-Maud Hubeaux qui incarnait une Marceline étonnamment fraîche, fort peu caricaturale. Un ensemble à vrai dire assez homogène, avec également Bérengère Mauduit (Chérubin), Marie-Adeline Henry (une émouvante et belle comtesse), Ludivine Gombert (Barberine) et Yann Toussaint (le comte, peut-être simplement satisfaisant) et Andrey Zemskov (bon Bartolo). - et Mozart.
Retour rapide dans le vent qui se renforçait vers l'antre et la mise en ligne du billet rituel.
Samedi matin, vent qui se faisait patelin, puis se lançait en bourrasques, était immuablement d'un froid, qui parlait de nord et de neige, raidissant mon sourire instinctif, puisque m'étais réveillée en belle humeur.
Lumière admirable qui se reflétait des façades sur la sous-face des avancées de toits,
qui nous venait d'un ciel bleu profond, saturé, où se balançaient l'extrémité des branches, et où nageaient de très fins nuages.
Journée où j'ai dédaigné presque totalement les tâches ménagères, où j'ai tenté d'arracher au sommeil un peu de temps et de conscience pour lecture.
Et puis, suis partie dans la nuit, parce que jeudi, en passant devant le théâtre, j'avais cru voir que Jean-Louis Trintignant reprenait ce samedi soir son spectacle à partir du Journal de Jules Renard, et que, sur un coup de tête, j'étais entrée prendre un billet.
En fait il s'agissait de la dernière, semble-t-il, du spectacle actuel avec Desnos (pas assez), Vian et Prévert.
Des poèmes que j'aime (« dans ma maison » de Prévert, les derniers vers de Desnos, « il en reste assez pour moi » et « je voudrais pas crever » de Vian, entre autres), une ou deux découvertes, quelques moments d'ennuis.
Et l'évidence de notre vieillissement, du sien surtout, le sentiment très fort, malgré son métier et la sensibilité qui passe, que, même sans tenir compte des quintes de toux qui le secouaient, résultat d'un rhume passager, il est temps qu'il arrête.
12 commentaires:
Savoir s'arrêter est une qualité d'humilité et d'abnégation. Je suis heureux de constater que votre soirée Mozart a eu des effets vivifiants sur votre joie de vivre et que le ciel bleu y a également contribué.
Vu Trintignant à Uzès il y a deux ans, dans la cave voûtée de la librairie Le Parefeuille (mais impossible de ressortir l'article du Chasse-clou).
Son vin "Garance", en co-production avec un viticulteur du coin, est excellent. Il devrait maintenant s'y consacrer entièrement pour se reposer.
vaste sujet : à quel moment est-ce le temps d'arrêter ? arrêter pour qui ? ...
Eu cette douloureuse impression vers cette pensée par respect de soi d'arrêter enfin ...
Aime "vent patelin "
quand le sentiment que l'on donne est surtout la pitié avec, pire, l'admiration pour l'exploit un peu cruelle
on croirait vraiment que c'était une journée de vacances, et le petit rituel de la compile des #vasesco pas plus qu'une tasse de thé avant Mozart !
Pour se requinquer, rien de tel que Mozart...
Difficile à Orléans, il y a tout juste un théâtre mais pas d'Opéra !
Ne pas tousser, telle est la question... !
Dans un journal intime, à la lettre F comme Figaro :
- "En fait d'amour, vois-tu, trop n'est pas même assez..."
Merci Brigetoun, ça m'a donné l'occasion d'aller relire ce poème de Prévert dont je me souvenais surtout de "pinson, pinson, pinson, pinson" :-)
Je n'ai jamais su apprécier Trintignant (inculte, je suis !). Mais Jean Rochefort, même sur ses branchards, tu n'aurais pas pu me retenir !!
Grands airs d'opéra et en sortant encore dans le vent...
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