Dans le cadre
des vases communicants de novembre, Brigitte Celerier et moi-même
nous sommes appuyées sur un coin de table, afin d’en
débattre…En toute harmonie !
et dédions
nos textes et cet échange
à Maryse
Hache la merveilleuse qui tant nous manque,
et qui
participe tout de même comme prévu aux vases communicants de ce
mois
Un coin de
table
Lorsque, venant du jardin
embrumé, j’ai franchi la porte de la cuisine, il m’attendait et
m’a semblé sourire.
-
Approche, ai-je cru l’entendre murmurer, et donne-moi donc ton
bagage.
Sur lui, compagnon de
planches aux quatre pieds raidis j’ai bruyamment posé mes tonnes
de souvenirs pour recouvrer mon innocence.
Tirant l’unique chaise
paillée paternelle je me suis assis contre lui, et j’ai arrimé
mes coudes à sa peau bistre et coriace éraillée d’heures
blanches, lissée de cotonneux brouillons insipides, lustrée de
désinences clinquantes, parcourue de veinules encrées, témoignage
de lancers de ligne, de pêche miraculeuse de lettres, de ratures
exaspérées.
Tant d’idées débattues
et de poings écrasés, sur le bois, sur les os, une histoire de
famille, un vrai champ de bataille que l’on virginisait chaque
soir d’un coup d’éponge, mais les rainures se rappellent, qui
m’échardent encore la paume lorsque je m’attarde sur son
plateau.
Je me posais juste là, au
bout, au coin, dos au mur, à gauche de la porte, prêt à
m’échapper, déjà…
Ici, décolorée, je
retrouve trace de la pâte à tarte boulée-roulée et aplatie à la
bouteille ;
La Bouteille dont on
discerne encore les stigmates arrondis de son cul vinasse, telle une
margelle de puits sans fond. Bras d’honneur. Mais l’honneur a
fui, n’est restée que l’horreur.
Là, gravé en larmes
ambrées, subsiste le marc d’un café tenu au chaud nuit et
jour, pour dessouler le salopard. Mes narines en perçoivent encore
les effluves, seul réconfort de ce temps d’avant. Est-ce vraiment
du café ? Le porc que l’on saigna éclaboussait tout autour,
jusqu’aux moindres interstices.
Sur ce coin de table,
j’ai rasé le passé.
Mais je ne me mettrai plus
à table, je n’ai plus rien à avouer. Pas même le poker. Menteur.
Il est à bonne hauteur,
ce coin de table, ma tête s’égare et pèse lourdement entre mes
mains jointes, en
prière
réflexion
abattement
épuisement
exaspération
furiosité
A bonne hauteur pour l’empoigner férocement jusqu’aux jointures livides et se river à lui pour un voyage tumultueux,
A bon auteur, ce coin de
table, pour que le mot colérique incrusté à la lame du stylo dans
sa chair de noyer tente encore d’émerger de la faille ouverte,
Alors
Remonte dans mes doigts sa
sève nourricière qui répand furtivement la magie de sa mémoire,
hydrate les bourgeons en éclosion, délie l’inspir engourdi. Dans
une dernière poussée déferlent soudainement flots de vers, ressac
de triolets, houle de lyrisme, nébuleux sonnets, vagues de rimes,
ondulantes lexies, lames de sentences, adages en rouleaux, remous
d’expressions, ruée d’écrits, le spleen du terme, à terme
Re naissance
Sur ce coin de table.
Eve de Laudec 14 octobre
2012
et ma foi, quand Eve
dit en toute harmonie, c'est une harmonie légèrement dissonante,
faite de contrastes, parce que suis allée installer ma table chez
elle et vous verrez (si vous y passer) qu'elle est bien ordinaire et un
peu bétassou.http://www.evedelaudec.fr/cooperations/les-vases-communicants/index.php
Tiers Livre et
Scriptopolis sont à l'initiative d'un projet de vases communicants :
le premier vendredi du mois, chacun écrit sur le blog d'un autre, à
charge à chacun de préparer les mariages, les échanges, les
invitations. Circulation horizontale pour produire des liens
autrement… "Ne pas écrire pour, mais écrire chez l’autre."
La liste des
participants, que j'espère correcte se trouve sur un blog dédié à
ce seul usage http://rendezvousdesvases.blogspot.fr/
et ci-dessous si vous préférez.
7 commentaires:
Bonjour Eve.
j'aime les mots qui vous servent de vase communicant. J'aime votre sens de l'image poétique. Une lecture délectable : Remonte dans mes doigts sa sève nourricière qui répand furtivement la magie de sa mémoire...
Pierre R. Chantelois
On passe quand même à table, ici, avec plaisir.
Oui!! rendez-vous délectable pour le coeur et l'esprit hors du quotidien de chacun
Merci en sympathie
Echange d'esprits qui se sollicitent et se croisent à ravir. J'aime.
Merci infiniment à tous,pour vos lectures, et merci également à Brigitte Celerier pour le bonheur d'échanger avec elle qui, quoiqu'elle en dise,a posé sur ma table de bois brut un vase d'époque brigetoun, empli d'attente délicate et réaliste.
merci pour cet échange Eve
Merci pour ce récapitulatif.
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