Le ciel était clair,
presque uni en son bleu, humidifié légèrement par les fines et
fragiles écharpes blanches qui y flottaient.
Le rempart était vide,
seul un couple de pigeons se bécotait comme isolés contre le grand
espace de l'air.
Suis restée dans l'antre
presque tout le jour.
Avec la mémoire du
plaisir de deux billets, pas si éloignés, découverts aux premières
heures.
L'instantané
photographique pratiqué et dit par Dominique Hasselmann
http://doha75.wordpress.com/2013/01/08/ebauche-dune-theorie-du-declic-avec-exemples-1/
Le déclic ne faisait
donc que (re)mettre les êtres et les choses en place : les épingler,
avec les aiguilles indolores de la mise au point, sans qu’ils le
sachent obligatoirement – sinon, il faudrait passer son temps à
quémander les autorisations qui détruiraient toute spontanéité,
toute vie comme elle va – et leur donner une autre détermination :
celle, fixée, d’un moment, d’un instant (pas forcément «fatal»)
devenu autre chose, soudain transformé en image, reflet, copie,
appropriation, découpage d’un pan de mur ou d’un profil de
visage, cisaillement de la réalité, du réalisme et, si l’on ose
dire,transfiguration du temps dans son essence même.
Et
le texte écrit par Christine Jeanney après une émission sur
Bergson
http://christinejeanney.net/tests-tentatives/a-l-intime/article/le-reel-et-ce-qui-reste
On enchaîne les
prévisions, les listes de travaux à faire, les rendez-vous, on
anticipe ce qui se dira, se fera, on prépare le terrain pour qu’un
moment se place, pièce de puzzle, dans des structures qu’on pense
viables et contrôlables, et ça s’échappe, joli, cruel,
inattendu.
Et
puis, après la lecture, lundi de Nous
aurions dormi vingt ans de
Béatrice Rilos
http://www.publie.net/fr/ebook/9782814596719/nous-aurions-dormi-vingt-ans,
l'admiration pour l'écriture, la façon dont elle dit la violence
et la tendresse des sentiments, ce que ce texte a eu comme résonance,
ce fut une remontée de ces résonances avec la colère contre le
monde, le dégoût de l'adolescente pour son corps, l'éblouissement
amoureux, la brièveté, et puis, mais là l'expérience est
différente, si le lien est bien existant, et fort, la fin de la
mère, ces très belles pages qu'il me semble avoir lu sur son blog
Brusquement,
brutalement, détachée, la jointure cédant, laissant deux morceaux
libres, côte à côte, ébahis que cela puisse être, que l’un
sans l’autre soit possible, alors même que toutes les croyances,
toutes les haines reposaient sur cette certitude d’unité
inextricable, maintenant mise à mal, abîmée, anéantie.
Mais (et la lecture de la suite est hautement facultative) ne pouvoir s'empêcher de revenir, encore une fois, sur ces
questionnements, ce reste de rancune idiote contre moi et contre
elle, ce remords maintenant que je crois la deviner de l'extérieur,
la tendresse pour la femme courageuse qu'elle fut, et son
rayonnement, ce regret de tout ce qui nous séparait. (et l'idée de
ce que lui ai fait subir aussi par nos différences)
Il y
aurait eu une mère et une fille, une des filles, l'aînée, tant
désirée. Il y aurait eu l'amour inquiet de la mère, il y aurait eu
l'admiration de la fille, et puis un besoin d'indépendance mais de
lien, le découragement devant un modèle hors de portée,
l'égocentrisme qui prenait comme choc, et condamnation contre
laquelle se rebeller, les petits conseils soucieux.
Il y
aurait eu une vie, une formation du moi, hors de la cellule, une
immersion dans le monde des sténos-dactylos et des commerciaux de
base.
Il y
aurait eu cette ressemblance, des études écourtées, limitées au
bac, et une curiosité identiquement forte, un besoin de lecture, de
musique, d'art. Il y aurait eu cette chance, peut-être,
certainement, tout de même, d'être hors du groupe, ouverte sur
d'autres musiques, d'autres livres... (et d'être bien menée par son
instinct, par le hasard, par ses élans, vers un monde qui n'était
pas non plus celui de ses compagnons de travail, même si cela ne
facilitait pas les contacts, venant en plus de son éducation)
Il y
aurait eu, peu à peu, la formation d'un regard presque opposé sur
le monde, un point de vue résolument d'en bas, l'incapacité à
faire intervenir l'appartenance à une église, malgré le goût, peu
à peu effacé par malheur, pour la théologie, et le respect pour la
religion et sa beauté.
Il y
aurait eu ce rôle, toujours, d'annexe des parents, et des soeurs,
auprès des familles amies. Il y aurait eu le sentiment humilié de
son corps et de son manque d'esprit.
Il y
aurait eu cette incomplétude, l'incapacité admise comme une
fatalité (avec sans doute une lâcheté satisfaite, avec des moments
de révolte étonnée) à être aimée et mère. Il y aurait eu la
bataille contre la tentation fugitive, injuste, absurde de
l'attribuer à la crainte aimante échappée à la mère
Il y
aurait la reconnaissance pour nous avoir légué une incapacité à
supporter l'arrogance et à comprendre le racisme, pour la cellule
familiale qu'ils ont constituée, sa chaleur, son pouvoir
d'attraction, les amis qui les entouraient.
Il y
aurait eu cet amour et cette incompréhension totale à nous
comprendre.
Il y
aurait Brigetoun tu n'aurais pas dû poser ces mots ici– le pardon
demandé aux éventuels lecteurs gênés – le sentiment que, d'avoir été formulé, tout
cela devient faux.
Mais
lisez Béatrice Rilos.
7 commentaires:
Les clics de Dominique ont été aussi inspirants que le déclic qu'exerce sur notre fascination les mots de Christine. Il me faudra parcourir Béatrice maintenant que germe le désir de connaître davantage l'écrivaine.
@ Pierre R. Chantelois : sur la photo, vous en connaissez un rayon, même avec de la "neige" presque dans le viseur !
@ brigetoun : votre titre "n'importe quoi" exigerait un "pas" à son début (concernant C. Jeanney, B. Rilos et vous-même).
il est évident que Christine Jeanney, Béatrice Rilos et vous même n'êtes pas concernés par le n'importe quoi.
C'est vrai, j'ai tiré la couverture à moi dans ce titre
Résonance ...comme un battement sourd tout au fond de soi ! incapacité de faire la part des choses , la part de l'ange ou bien la fièvre persistante qui brouille les réseaux
Adoré le billet -clic de Dominique Hasselmann du Cartier -Bresson en action
N'importe quoi, peut-être, mais pas n'importe qui.
c'est promis Brigitte on lira Béatrice Rilos, parce que de clic en déclic, il y aurait eu cette mère qui aurait donné naissance à une brigetoun qui nous aurait à son tour fait un peu don d'elle même, et de manière ô combien délicate et pudique et trop sévère avec elle même (car la bougresse ne manque d'esprit que lorsqu'elle dit qu'elle manque d'esprit)... bref, j'ai adoré ce billet et tu m'as vraiment convaincue de lire Béatrice Rilos
IL y a donc des n'importe quoi qui disent les choses de la vie... Cette expression m'a touché.
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