Pas de rapport évident
entre eux, mais sont là, ces groupes, cueillis sur mon chemin jeudi,
petites rencontres, mais sont là ces lectures à travers lesquelles
ai cheminé ces jours ci, entre intérêt passionné et fuite
fatiguée dans le néant, ainsi illuminé – alors on dirait que
leur cite un passage, une phrase à chacun, et que je déplore avec
dépit leur manque d'attention, leur incompréhension, me consolant
en pensant que mon choix était audacieusement inadapté à leurs
goûts, leur nature, que la faute était mienne.
Ce pourrait être, pour
les gigolettes, la dame corsetée, les emmener dans un salon, et
justement le jour où c'est Monsieur de Charlus qui a lancé les
invitations (improbable hautement, je sais) et leur faire écouter la
musique de ce passage de la Prisonnière fragment
qui fut celui lu en ouverture de la nuit de mercredi (j'avance dans
ce qui est un retour, par petits sauts, préludes à d'autres
lectures), écouter donc le septuor de Vinteuil dans les mots du
narrateur
Corps à corps
d'énergies seulement, à vrai dire ; car si ces êtres
s'affrontaient, c'était débarrassés de leur corps physique, de
leur apparence, de leur nom, et trouvant chez moi un spectateur
intérieur – insoucieux lui aussi des noms et du particulier –
pour s'intéresser à leur combat immatériel et dynamique et en
suivre avec passion les péripéties sonores. Enfin le motif joyeux
resta triomphant, ce n'était plus un appel presque inquiet lancé
derrière un ciel vide, c'était une joie ineffable qui semblait
venir du Paradis ; une joie aussi différente de celle de la sonate
que, d'un ange doux et grave de Bellini, jouant du théorbe, pourrait
être, vêtu d'une robe d'écarlate, quelque archange de Mantegna
sonnant dans un buccin...
et aux
trois nains, symboles de la médiocrité que l'on impose aux enfants,
mais pas la pire, bonhomme, ici ennoblie par l'uniformité de leur
teint, son invraisemblance et l'harmonie de leur gamme, comme un contre-poison, ce fragment
de la toute belle croisée des marelles, née de la
collaboration entre Louise Imagine (pour les belles photos) et
Isabelle Pariente-Buttelin (pour les textes)
http://www.publie.net/fr/ebook/9782814507098/la-croisee-des-marelles
que je me distille entre plaisir de les retrouver et rage contre moi
qui ai choisi instruments qui rendent un peu inconfortable la lecture
de l'eBook
Hauteur d’enfant. Le
monde à hauteur d’enfant. Impressions. Palpitations. La vie en
ouverture sur le monde. Comme les vagues… Le regard en étonnement.
Un auteur d’enfant. Le monde à hauteur d’enfant. Impressions.
Palpitations. La vie en ouverture sur le monde. Comme les vagues…
Le regard en étonnement.....
pour
la petite famille, sage et malicieuse, l'intéresser, caresser son
goût de l'intelligence des phrases précises et documentées comme
d'un journaliste, d'un sociologue, sensibles, pleines du cheminement
de la pensée et du malaise du corps qui avance dans un nulle part,
une utopie dévoyée et ruinée, la chaleur, la curiosité hostile
des rares habitants, projet el Pocero – dans une ville fantôme
de la crise espagnole d'Anthony Poiraudeau (chez Inculte) que
j'ai presque fini dans la nuit de jeudi à vendredi, revenant
régulièrement aux photos qui le terminent, vérifiant chaque fois
la parfaite adéquation entre l'impression qu'elles donnent et
l'écriture.
Ainsi, l'une des
premières images qui m'est apparue en découvrant El Quiñon depuis
l'autoroute, celle d'une colonie terrestre implantée sur une planète
à l'environnement hostile, est souvent ravivée dans mon esprit par
l'inhospitalité de l'espace extérieur de la vill. J'y déambule en
plein vent et sous le poids du soleil, auquel les nuages ont fini par
dégager la voie. Elle est aussi ranimée par la réticence des
bâtiments à ouvrir leur opacité au dehors. Et le farouche mutisme
qu'opposent le plus souvent à mon salut un peu distant les rares
personnes que je croise dans les rues ne dissipe pas ma vague
sensation d'être une espèce d'alien égaré jusque dans ces
parages....
Je
renonce à recenser les beaux billets de lecteurs, vous invite à
regarder la présentation de ce livre par l'éditeur
http://www.inculte.fr/Projet-El-Pocero-Dans-une-ville
Quant
à eux, ceux qui restent, avec leur déglingage soigné, leur
tendresse pensive, le léger désarroi de l'un, la dignité malgré
tout de l'autre, leur manque de façade qui ne dit rien de leur
intelligence, peut-être pourront-ils être sensibles à la beauté
du chapitre VI danse perdue de l'Origine de la danse de
Pascal Quignard (Galilée) ce livre qui à propos de sa Medea,
de la rencontre avec Carlotta Ikeda, du buto, creuse, diverge, dit
tout cela et plus – comme toujours avec Quignard, sauf pour les
romans, et encore il m'arrive d'interrompre le flux de la lecture
pour remonter un peu le cours, comme la plupart du temps donc je le
lis avec une attention heureuse et admirative si tendue que j'en
reste à un chapitre, un passage par jour, et puis je laisse le sens
faire son travail – j'avoue que, parfois (j'ai l'outrecuidance de
penser que ce parfois pourrait être dit plutôt rarement), et j'en
suis navrée, il me reste étranger – et là, en outre, il y a ma
fascination pour le buto depuis que l'ai rencontré, longues années
il y a, à la Maison du Japon.
chapitre
VI : la première danse, l'expulsion de l'enfant hors du liquide
maternel, l'irruption de l'air dans les poumons, le cri, la chute –
bon vais pas essayer de dire ces treize pages, simplement vais
changer le passage qu'avais choisi parce que je viens de voir que
c'est la quatrième page de couverture... alors plutôt celui-ci qui en est
proche
Cette intrusion
violente, faite par
surprise, déclenche la respiration pulmonaire dans le corps
jusque-là contenu. Cette intrusion est déclenchante et atterrante :
elle ouvre ses poumons à l'air qui les envahit et projette le petit
corps sur le sol. Le viol, dû à cette Altérité absolue qui force
le passage, est en même temps terre, terreur, atterissage,
atterrement. À la suite de ce tsunami originaire où c'est l'air qui
chasse l'eau, le corps qui tombe sur la terre neuve perd étrangement
toute la motricité qu'il avait commencé de déployer et qu'il était
parvenu à coordonner dans l'univers liquide du premier monde.
Le corps natal ne
sombre pas au fond de la mer (comme Jonas englouti dans le flot
jusqu'au fond du ventre de la baleine), c'est du
fond de la mer que le corps s'élève comme une vague avant
de s'effondrer sur la terre tout
à coup.
PS il
faudrait qu'avec l'âge j'apprenne la mesure, entre le rien et le
trop.
5 commentaires:
T'es allé voir le père qui fêtait le printemps des pères ?
;o)
http://www.liberation.fr/societe/2013/03/22/avignon-le-pere-retranche-sur-un-toit-avec-une-banderole-habemus-papas-est-descendu_890617
je l'ignorais, je me demande bien pourquoi serai allée le voir (désolée)
Bonne lecture du matin et la vivacité des "percutages" (j'adore)
Bravo
quant à Quignard et la danse il est là en attente ...
Beaux "Mélanges" comme on disait de poésies...
Peut-on passer à côté d'un grand cru Quignard? J'aime cette idée de rester presque paralysé par un mot, une phrase, de l'auteur et cela, pour quelques heures ou pour un jour ou deux... Une idée, un mot, un concept quasi viral qui nous trotte dans la tête.
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