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désolée, Paumée se veut à l'abri, sauf quand un acte fait déborder le vase, des allusions à la politique ambiante.. et si je suis reconnaissante aux envies de commenter je vous demande de me pardonner de rétablir la modération

lundi, décembre 02, 2013

Un long contrepoint au récit d'occitanie chez les cosaques


Ciel bleu, frissons, rester dans l'antre, chauffer pièce, charger sac de linge, laver cheveux, dans l'ambiance du récit par Serge Bonnery, celui qui, parmi les dépaysés accueillis chez les cosaques du fort Bastiani, se fait l'historien de la lutte du nord contre l'Occitanie http://lescosaquesdesfrontieres.com/2013/12/01/du-pain-beni/

et en était arrivé, ce dimanche matin, à la rencontre entre Pierre de Castelneau, légat du pape, Innocent III – celui qui a inventé le titre de «vicaire du Christ», cet homme à la sévère beauté, cet intelligent politique qui se voulait tout puissant, liquida la république romaine, mit l'interdit sur l'Angleterre et déposa Jean Sans Terre, soutint la dernière croisade en terre sainte, lutta contre les Hauhenstaufen, et, c'est ce qui concerne notre histoire, contre les cathares et leurs soutiens – entre le légat donc et Raymond VI, le comte de Toulouse, excommunié, frappé d'interdit et d'anathème comme le raconte Serge.

Et dans cette lutte déclenchée par le meurtre de Pierre de Castelneau par on ne sait quels cavaliers près de Saint Gilles, dans cette croisade où les barons du nord pillèrent, prirent fiefs en Occitanie, Avignon, ma ville, longtemps à l'écart du débat religieux pris sa part.


Or doncques, en 1215, le comte Raymond et son fils, revenant du concile de Latran qui l'avait interdit, excommunié etc... est passé par la ville qui l'a fêté.
Tro quel vespres s'abaicha els recep Avinhos.
Et cant per mei la vila es levatz lo resos,
Non i a vielh ni jove que no i an volontos
Per totas las carreiras e foras las maizos...
.. Et lorsque par la ville s'est répandue la nouvelle,
Il n'y a vieux ni jeune qui n'aille joyeusement
Par toutes les rues et hors des maisons...
Les uns crient «Toulouse !» pour le père et pour le fils,
Et les autres «la joie ! car désormais Dieu sera avec nous !»...
Puis tous dirent : «Seigneur légitime et aimé,
Ne craignez point de donner ni de dépenser,
Nous fournirons nos avoirs et nos corps
Jusqu'à ce que vous retrouviez la terre ou que nous mourrions avec vous»
(Chanson de la Croisade contre les Albigeois v.3812/3835)
Or doncques, en 1218, les avignonnais battirent et roidement étranglèrent Guillaume des Beaux qui s'était emparé du Venaisin et le comte leur donna Caumont, le Thor, Touzon et Jonquerettes. Or doncques, en 1226 ces bons alliés et bons commerçants lui prêtèrent argent contre tout le comtat Venaisin plus Beaucaire et Malaucène.

Et lorsque, plus tard, le roi Louis descendit la vallée du Rhône pour participer à la croisade contre les Albigeois, ils lui refusèrent le passage, subirent un siège de trois mois, et, après s'être rendus, virent détruits leurs remparts et maisons fortes, et la commune fut sous le joug de Zoen Tencaran, évêque d'outre-monts., à la grande joie des paysans des alentours.
Mais ils rebâtirent et, de nouveau, en 1246, après avoir chassé l'évêque, ils bravèrent du haut de leurs remparts, le roi et son armée en route vers Aiguees-Mortes.
Et Avignon ne fut plus commune libre, fut propriété des frères du roi Charles d'Orléans et Alphonse de Poitiers qui tenait Toulouse, ce pour quoi, avec Arles et Marseille, ainsi que Barral des Beaux qui, peste soit de lui, trahit, elle fit ligue...

Mais pour en revenir à cette fausse croisade, puisque je n'ai plus la chanson, l'ai survolée sur Gallica, du moins le début, m'arrêtant à quelques faits, et puis, parce qu'elle est vraiment très longue et ample, j'ai pris le sirventès contre Rome de Guillaume Figueira (né à Toulouse et réfugié en Italie auprès de Frédéric II) et j'en picore des fragments, non pour vous ménager – tant pis pour vous, fallait pas lire – mais pour mes doigts, et pour en rester à ce qui concerne la croisade – et cela va tout de même être long, éloquent est le troubadour (dans l'anthologie réunie par Henri Gougaud, traductions revues et remaniées par lui, publiée par Points)
De faire un sirventès – sur cette mélodie qui me convient,
Je ne veux plus tarder – ni longtemps hésiter ;
Et je sais cependant, sans en douter – qu'il attirera sur moi la malveillance,
Car je fais ce sirventès
Sur les fourbes, les malapris
De Rome, qui est – à la tête de la décadence,
Où tout bien déchoit.
..

Rome, sachez bien – que votre lâche marchandage
Et votre folie – ont fait perdre Damiette
(en 1221 la légat du pape, le cardinal Pélage, fit repousser les propositions de paix du sultan, et Jean de Brienne perdit Damiette)
Vous régnez à mal heure, Rome. Que Dieu vous abatte
Et vous fasse déchoir !
Car vous régnez trop hypocritement
Pour l'argent. - Rome, de race vile menteuse
À ses engagements.
..
Rome, aux Sarrasins – vous faites peu de dommage.
Mais les Grecs et les Latins – vous les envoyez au carnage.
Dans le feu de l'enfer, Rome, - vous avez élu demeure,
Dans la perdition.
Que jamais Dieu ne fasse
Participer, Rome, au pardon – ni au pèlerinage
Que vous fîtes en Avignon (après le siège de 1226)

Rome, il est bien vrai – que vous fûtes trop empressée
Aux pèlerinages hypocrites – que vous avez proclamés contre Toulouse ;
Vous avez trop rognés de mains – à la façon d'une enragée.
Rome semeuse de discorde
Mais si le valeureux comte (Raymond VII fils, celui qui accompagnait son père en 1215)
Vit encore deux ans – la France portera
Le châtiment de vos perfidies.

Rome, si grande – est votre forfaiture
Que vous plongez dans l'oubli – Dieu et ses saints ;
Et vous régnez si mal – Rome fausse et perfide
Qu'en vous se cache
Se réduit et se détruit
La joie de ce monde. - Et vous faites grande démesure
À l'égard du comte Raimon.

Rome, Dieu lui vienne en aide – et lui donne le pouvoir et la force,
Au comte qui tond – les Français et les écorche ;
Et en «fait planche et pont»- quand il est aux prises avec eux ;
Et j'en ai grande joie.
Rome, que Dieu se souvienne
De vos grands torts – et s'il lui plaît, qu'Il arrache le comte
À vous et à la mort.
....
et moi, gentils passants, vous demande merci.

13 commentaires:

Pierre R Chantelois a dit…

De faire un sirventès – sur cette mélodie qui me convient,
Je ne veux plus tarder – ni longtemps hésiter ;


___

Comment vous dire à quel point j'adore cette magnifique langue française ancienne. Superbe rubrique pleine d'enseignements.

Dominique Hasselmann a dit…

L'Histoire est parfois aussi vaste que le ciel...

arlette a dit…

En grande joie doncques pour ceci et pour cela

Brigetoun a dit…

euh Arlette, les pillages, les morts et la prise du sud par le nord, pas certaine que ce fut la joie

mémoire du silence a dit…

Quelle belle leçon d'histoire et de français
merci

jeandler a dit…

Rome, que de crime en ton nom...

cjeanney a dit…

oh j'adore, et "évêque d'outre-mont", j'adore, toutes les perspectives neuves, les possibles qui viennent nourrir l'imaginaire, riches, comme un brocard ouvragé (merci Brigitte)

Michel Benoit a dit…

Surprenant !
Contrepoint, Occitanie et Cosaques ne semblaient pas faits pour se rencontrer...
Mais Histoire importante.
Et bien qu'athée, je reste fortement solidaire des Cathares.

Brigetoun a dit…

nous sommes frères en cela Michel

arlette a dit…

Joie du texte bien sûr

Brigetoun a dit…

Arlette :))

joye a dit…

Merci à toi, brige !

Gérard Méry a dit…

...du pain béni...avant le pain perdu