Ciel bleu, frissons,
rester dans l'antre, chauffer pièce, charger sac de linge, laver
cheveux, dans l'ambiance du récit par Serge Bonnery, celui qui,
parmi les dépaysés accueillis chez les cosaques du fort Bastiani,
se fait l'historien de la lutte du nord contre
l'Occitanie
http://lescosaquesdesfrontieres.com/2013/12/01/du-pain-beni/
et en était arrivé, ce
dimanche matin, à la rencontre entre Pierre de Castelneau, légat du
pape, Innocent III – celui qui a inventé le titre de «vicaire du
Christ», cet homme à la sévère beauté, cet intelligent politique
qui se voulait tout puissant, liquida la république romaine, mit
l'interdit sur l'Angleterre et déposa Jean Sans Terre, soutint la
dernière croisade en terre sainte, lutta contre les Hauhenstaufen,
et, c'est ce qui concerne notre histoire, contre les cathares et
leurs soutiens – entre le légat donc et Raymond VI, le
comte de Toulouse, excommunié, frappé d'interdit et d'anathème
comme le raconte Serge.
Et dans cette lutte
déclenchée par le meurtre de Pierre de Castelneau par on ne sait
quels cavaliers près de Saint Gilles, dans cette croisade où les
barons du nord pillèrent, prirent fiefs en Occitanie, Avignon, ma
ville, longtemps à l'écart du débat religieux pris sa part.
Or doncques, en 1215, le
comte Raymond et son fils, revenant du concile de Latran qui l'avait
interdit, excommunié etc... est passé par la ville qui l'a fêté.
Tro quel vespres
s'abaicha els recep Avinhos.
Et cant per mei la vila
es levatz lo resos,
Non i a vielh ni jove
que no i an volontos
Per totas las carreiras
e foras las maizos...
.. Et lorsque par la
ville s'est répandue la nouvelle,
Il n'y a vieux ni
jeune qui n'aille joyeusement
Par toutes les rues et
hors des maisons...
Les uns crient
«Toulouse !» pour le père et pour le fils,
Et les autres «la joie
! car désormais Dieu sera avec nous !»...
Puis tous dirent :
«Seigneur légitime et aimé,
Ne craignez point de
donner ni de dépenser,
Nous fournirons nos
avoirs et nos corps
Jusqu'à ce que vous
retrouviez la terre ou que nous mourrions avec vous»
(Chanson
de la Croisade contre les Albigeois v.3812/3835)
Or doncques, en 1218, les
avignonnais battirent et roidement étranglèrent Guillaume des Beaux
qui s'était emparé du Venaisin et le comte leur donna Caumont, le
Thor, Touzon et Jonquerettes. Or doncques, en 1226 ces bons alliés
et bons commerçants lui prêtèrent argent contre tout le comtat
Venaisin plus Beaucaire et Malaucène.
Et lorsque, plus tard, le
roi Louis descendit la vallée du Rhône pour participer à la
croisade contre les Albigeois, ils lui refusèrent le passage,
subirent un siège de trois mois, et, après s'être rendus, virent
détruits leurs remparts et maisons fortes, et la commune fut sous le
joug de Zoen Tencaran, évêque d'outre-monts., à la grande joie des
paysans des alentours.
Mais ils rebâtirent et,
de nouveau, en 1246, après avoir chassé l'évêque, ils bravèrent du haut de
leurs remparts, le roi et son armée en route vers Aiguees-Mortes.
Et Avignon ne fut plus
commune libre, fut propriété des frères du roi Charles d'Orléans
et Alphonse de Poitiers qui tenait Toulouse, ce pour quoi, avec Arles
et Marseille, ainsi que Barral des Beaux qui, peste soit de lui,
trahit, elle fit ligue...
Photo des vestiges du
château des comtes de Toulouse
http://www.inrap.fr/archeologie-preventive/Actualites/Actualites-des-decouvertes/p-1094-Mise-au-jour-des-vestiges-du-chateau-medieval-des-Comtes-de-Toulouse.htm
Mais
pour en revenir à cette fausse croisade, puisque je n'ai plus la
chanson, l'ai survolée sur Gallica, du moins le début, m'arrêtant
à quelques faits, et puis, parce qu'elle est vraiment très longue
et ample, j'ai pris le sirventès contre Rome de Guillaume
Figueira (né à Toulouse et réfugié en Italie auprès de Frédéric
II) et j'en picore des fragments, non pour vous ménager – tant pis
pour vous, fallait pas lire – mais pour mes doigts, et pour en
rester à ce qui concerne la croisade – et cela va tout de même
être long, éloquent est le troubadour (dans l'anthologie réunie
par Henri Gougaud, traductions revues et remaniées par lui, publiée
par Points)
De faire un sirventès
– sur cette mélodie qui me convient,
Je ne veux plus tarder
– ni longtemps hésiter ;
Et je sais cependant,
sans en douter – qu'il attirera sur moi la malveillance,
Car je fais ce
sirventès
Sur les fourbes, les
malapris
De Rome, qui est – à
la tête de la décadence,
Où tout bien déchoit.
…..
Rome, sachez bien –
que votre lâche marchandage
Et votre folie – ont
fait perdre Damiette
(en
1221 la légat du pape, le cardinal Pélage, fit repousser les
propositions de paix du sultan, et Jean de Brienne perdit Damiette)
Vous régnez à mal
heure, Rome. Que Dieu vous abatte
Et vous fasse déchoir
!
Car vous régnez trop
hypocritement
Pour l'argent. - Rome,
de race vile menteuse
À ses engagements.
…..
Rome, aux Sarrasins –
vous faites peu de dommage.
Mais les Grecs et les
Latins – vous les envoyez au carnage.
Dans le feu de l'enfer,
Rome, - vous avez élu demeure,
Dans la perdition.
Que jamais Dieu ne
fasse
Participer, Rome, au
pardon – ni au pèlerinage
Que vous fîtes en
Avignon (après le siège de
1226)
Rome, il est bien vrai
– que vous fûtes trop empressée
Aux pèlerinages
hypocrites – que vous avez proclamés contre Toulouse ;
Vous avez trop rognés
de mains – à la façon d'une enragée.
Rome semeuse de
discorde
Mais si le valeureux
comte (Raymond VII fils, celui
qui accompagnait son père en 1215)
Vit encore deux ans –
la France portera
Le châtiment de vos
perfidies.
Rome, si grande – est
votre forfaiture
Que vous plongez dans
l'oubli – Dieu et ses saints ;
Et vous régnez si mal
– Rome fausse et perfide
Qu'en vous se cache
Se réduit et se
détruit
La joie de ce monde. -
Et vous faites grande démesure
À l'égard du comte
Raimon.
Rome, Dieu lui vienne
en aide – et lui donne le pouvoir et la force,
Au comte qui tond –
les Français et les écorche ;
Et en «fait planche et
pont»- quand il est aux prises avec eux ;
Et j'en ai grande joie.
Rome, que Dieu se
souvienne
De vos grands torts –
et s'il lui plaît, qu'Il arrache le comte
À vous et à la mort.
…....
et
moi, gentils passants, vous demande merci.
13 commentaires:
De faire un sirventès – sur cette mélodie qui me convient,
Je ne veux plus tarder – ni longtemps hésiter ;
___
Comment vous dire à quel point j'adore cette magnifique langue française ancienne. Superbe rubrique pleine d'enseignements.
L'Histoire est parfois aussi vaste que le ciel...
En grande joie doncques pour ceci et pour cela
euh Arlette, les pillages, les morts et la prise du sud par le nord, pas certaine que ce fut la joie
Quelle belle leçon d'histoire et de français
merci
Rome, que de crime en ton nom...
oh j'adore, et "évêque d'outre-mont", j'adore, toutes les perspectives neuves, les possibles qui viennent nourrir l'imaginaire, riches, comme un brocard ouvragé (merci Brigitte)
Surprenant !
Contrepoint, Occitanie et Cosaques ne semblaient pas faits pour se rencontrer...
Mais Histoire importante.
Et bien qu'athée, je reste fortement solidaire des Cathares.
nous sommes frères en cela Michel
Joie du texte bien sûr
Arlette :))
Merci à toi, brige !
...du pain béni...avant le pain perdu
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