commentaires

désolée, Paumée se veut à l'abri, sauf quand un acte fait déborder le vase, des allusions à la politique ambiante.. et si je suis reconnaissante aux envies de commenter je vous demande de me pardonner de rétablir la modération

mardi, novembre 24, 2015

Vent froid, bleu, reprendre lecture dans l'antre


Comme j'avais un chèque à poster, impérativement, comme la corbeille à papier débordait, ai tout rassemblé, mis un manteau, regardé fermement la béquille de la porte, elle qui a du jeu et ne gouverne le pêne que quand elle le décide, et suis sortie, munie de mon téléphone et d'une liste d'artisans (Brigetoun se fait une montagne des révoltes d'objets)
Le ciel était pur sous ce vent - pas un très fort mistral, non, mais un adolescent plein de fougue – qui le balayait, qui m'a fait admirer un vol de martinets qui n'étaient que les feuilles sautant par dessus le rempart
et suis rentrée, ai commandé calme à mes mains, ai ouvert victorieusement (mais téléphoné pour qu'un serrurier passe un de ces jours…)
Et avant de me plonger dans la lecture, entrecoupée de collectes de feuilles et de coups d'oeil au live du Monde, du Manuel d'histoire critique édité par le Monde Diplomatique (juste un peu décevant, finalement.. du moins pour ce que j'en ai lu) j'ai repris l'édition de ligne 1044 que Christine Jeanney a confié aux Editions QazaQ, ce texte écrit, repris plusieurs fois, ce texte né d’un long voyage en train, un voyage banal à la destination sans importance, le genre de situation où s’installe une rêverie mouvante.
Les pensées sont prises dans les ressacs du corps, soumises aux vibrations, à la vision rapide et répétée d’agglomérations, banlieues industrielles, zones non habitées ou d’autres, résidentielles, et la répétition des champs qui s’alignent au bord de l’horizon imperturbable.
Pour reprendre cette fois, en les comparant, paragraphe par paragraphe, même si ce n'est pas fait pour ça, les deux versions, les deux formes qui se succèdent (j'espère que Christine Jeanney ne m'en voudra pas trop... vais surtout la piller, elle dit mieux que moi)
La première forme est circulaire : j’ai déterminé arbitrairement des points d’écriture dans l’espace de la page. Ils m’ont permis de traduire le déplacement intime frotté à la présence de figures et de constructions visibles à l’extérieur un court instant. C’est dans cette perspective et ce positionnement que j’ai voulu écrire.
La seconde forme est linéaire : elle quitte la mécanique de la spirale et avance, délestée de ses points d’ancrage, sans doute de façon plus rêveuse, suivant ce qui s’écrit en soi et hors de soi, sur une ligne horizontale finalement parallèle à celle de la voie ferrée.
Parce que, même si les différences sont, selon Christine, minimes de l'une à l'autre, l'oeil nouveau, la différence du rythme, enrichissait ma lecture
image du début de la version «circulaire» dans laquelle les textes qui nomment les points par lesquels passera la tête et le corps, soi en mouvement au monde, sont pour A fenêtre gauche/avant, pour B à l'avant/devant, pour C fenêtre droite/avant, pour D fenêtre droite/derrière
et, dans la version linéaire, qui coule les groupes de mots dans des phrases, cela donne, après quelques phrases d'introduction qui lui sont réservées
être unique, un point lancé au cœur d’un tube ; la tête s’arrondit dans les courbes, touche la vitre, reprend la verticale de la nuque
la tête balance, légèrement ballante ; un passager bâille quelques sièges plus loin
un oiseau passe, une main tourne une page, un décor étranger vu de mémoire, l’une à l’autre les pensées enchaînées dans l’avancée ; être un point seul et lancé sur une ligne ; se concentrer / s’abandonner dans le même mouvement ; la ligne se nomme 1044.
pour A - elle, juste à côté : une femme blonde, elle ne bouge pas ou très peu, ses pieds dans des chaussettes unies posés sur l’assise d’en face ; ses chaussures vides côte à côte ; ses talons bien au centre de la rayure la plus large ; le tissu du fauteuil public contre l’intimité du pied, le saut du lit ; s’est enroulée dans son manteau sac de couchage ; je ne vois d’elle que les extrémités, ses pieds et la peau blanche du front, une mèche ; elle se redresse pour dégager son bras, sort un téléphone de sa poche, musique synthétique, elle sourit, tousse, replonge, se remmaillote, ne laisse dépasser du bleu gabardine que sa tempe et un quart d’oreille
pour B - devant la vue est impossible, bloquée par le dossier des sièges

etc... pour C et D, vous laisse le soin de découvrir
comme un peu plus loin, pour la deuxième intervention de E et F, cette page
qui devient, pour E' dans la seconde version
se souvenir d’un poème de Victor Hugo à propos d’un lion de Venise – ou Lamartine ? – les adultes applaudissaient, levant leurs verres, avoir huit ans et un père fier, je tente de le sortir du flou, photo ratée de la mémoire, les visages trop vagues, les doigts agitant les couverts, les verres, verres isolés, déplacés, un instant sortis de la vitrine, séparés de la danseuse espagnole rigide et des fruits peints sur céramique, verres lavés soigneusement à la cuisine et posés têtes en bas sur un torchon à rayures rouges et blanches ; rayures
et, après trois paragraphes reliés à B', A', C', D' on trouve F'
le fond d’un carré vert, un rond noir et blanc dessus prend toute la place, flotte, bat, accroché à la corde à linge ; seulement ensuite décoder sur un drap le dessin d’un panda qui sèche
il y a les mouvements du corps suivant les mouvements du train, la pensée se coulant dans les mouvements du corps et se déployant, il y a les observations brutes, énumérées dans la version circulaire, rangées en phrases dans le linéaire, observations du mobilier qui dérivent comme lorsque, à partir d'une poche à revues, s'invitent les lectures distraites d'une succession de voyageurs , observations par les fenêtres du ciel, des pylônes, une autre caravane montrée du doigt, on baisse la voix quand les enfants demandent, soupirs, on n’en veut pas derrière le stade, ils remballeront, des maisons, des idées qu'elles font naître, quelqu’un dans un jardin retourne la terre, entend le do fa plus fort que le bruit de sa bêche, etc... et observations des occupants des sièges proches – et de leur observation naissent des questions, méditations sur notre monde, pourquoi elle, ses vêtements à rayures, qu’est-ce qu’elle veut dire de sa structure interne, des histoires - et des gens qui circulent, de leurs gestes à tous, qui semblent notés avec minutie, il y a l'idée des rails à travers la lunette des WC, il y a les changements de vitesse du train, les arrêts, il y a des pensées vagues, des rêves qui transforment le wagon en montgolfière, il y a les souvenirs qui s'accrochent à une vision qui se déploient (et la forêt est merveilleuse et cruelle quand elle capte l'enfant qui fut – elle et la maison d'antan et les pigeons), il y a la lecture plus ou moins distraite, l'esprit qui s'empare d'un détail et la lectrice qui s'invite dans le lieu décrit pas une phrase, il y a tout de ce qui peut occuper le cerveau d'une voyageuse contrainte à rester là, que dormir on le voudrait, surtout quand cette voyageuse est Christine Jeanney... c'est fou ce qui peut s'inviter dans ce wagon.

4 commentaires:

Dominique Hasselmann a dit…

Mais alors, il n'y aura plus de surprise ?...

Brigetoun a dit…

oh que si, il y en a plein

arlette a dit…

Belles lignes...ce temps suspendu. où tant de choses interviennent

Gérard a dit…

çà semble périlleux au bout de la ligne 1044