Suis partie, me pressant,
puis réalisant une fois encore que mon petit domaine, cette petite
parte de l'intra muros, n'est pas si grande que cela et que,
finalement, j'étais dramatiquement en avance
(pas si dramatiquement,
mais c'est un petit mantra mien qui accompagnait en ce cas le
ralentissement extrême de mes enjambées), et donc freinant, prenant
photos sur photos, persuadée que j'étais qu'elles étaient
irrécupérablement mauvaises (en est resté encore un peu trop, ou
j'ai été trop indulgente) vers le théâtre des Halles, cet endroit
où les spectacles sont presque toujours de qualité, ou à tout le
moins y tendant, cet endroit aussi, un des rares si ce n'est la seul,
où l'attente – arriver en avance pour avoir une place, et en effet
la salle était pleine – dans la chapelle Sainte Claire ou dans le
hall, en compagnie de quelques oeuvres d'Alain Timar, est détendue,
chaleureuse, vaguement communautaire et où ma solitude ne se sent
pas en perdition.
Charles Gonzalès avait
donné le 15 son spectacle à partir des lettres de Camille Claudel,
le lendemain le volet sur Theresa d'Avila, jeudi Sarah Cane et nous
nous sommes embarqués, en plus de trois heures et demi sans entracte
dans son «Charles Gonzalès est... la trilogie)
Une vidéo dans laquelle
Charles Gonzalès parle de son spectacle
Je ne l'avais
pas vu cet été parce que trop de choses à voir, et puis j'avais
mon habituelle petite réserve devant un spectacle trop consensuel,
et une crainte que cela soit, de part le risque affiché, le côté
performance, un peu trop facilement séduisant, intimidant la
critique. Il m'en est d'ailleurs resté par moment une petite
distance... que me reprochais en même temps dans mon désir
d'adhérer totalement (en outre une sacrée petite sciatique est
venue pimenter la dernière partie – moyennant quoi c'est à ce
moment que ma réserve s'est enfin totalement effritée)
Pour la
première partie, que je crois être aussi la plus longue, à partir
des lettres de Camille Claudel (de lettres aussi de Rodin) j'ai
trouvé une autre vidéo de présentation
première
partie désignée dans le programme comme théâtre de l'émotion,
où apparaît bien sûr le
rapport avec Rodin, l'abandon, la rivalité et la subordination
(j'ai, honte, toujours pensé que les artistes sont souvent des gens
fascinants mais qui exigent, en tant que compagnons ou époux, d'une
femme une grande capacité à la générosité et une grande force
silencieuse), l'insidieuse plongée dans les enfers de soi
jusqu'à n'être plus qu'un individu improbable,
et surtout l'abandon familial (toujours eu du mal avec l'homme
Claudel, pour sa pose de victime)
puis,
juste en changeant quelques éléments de sa tenue, restant très
évidemment homme, mais homme jouant un rôle de femme, et comme un
onnagata faisant oublier son apparence physique, même sa voix, il
passe à Teresa, mon admiration d'adolescente (non j'en suis revenue
mais je lui garde petite tendresse), avec toute la fantaisie et
l'indiscipline de sa jeunesse (simplement il me l'a un peu abîmée
en la faisant un peu sotte, revendiquant son ignorance) pour le
théâtre de la spiritualité, rendant
la destruction du corps malmené par les incessants voyages, la
discipline (il n'insiste pas sur la discipline au sens que lui donne
Tartuffe et qu'elle pratiquait effectivement), la fierté aussi de ce
qu'elle construit, avec l'aide de son époux divin selon elle –
mais je peine un peu, dois pas en savoir assez, à la voir comme
victime du machisme de l'église, il me semble que les freins réels
qu'elle a rencontré n'ont été que des obstacles, même sa brève
assignation à résidence par l'inquisition, qu'elle se faisait joie
de surmonter, et elle a su se rendre intouchable en fait – rendant
sa façon de mêler dans ses instructions mysticisme et trivialité
des tâches de la vie courante - reprenant, au risque de perdre un
peu l'attention du spectateur, en quelques mots les différentes
étapes du Castillo interior qui
s'y prêtent assez mal, et citant un très beau poème de Jean de la
Croix avec son baroque flamboyant, les antithèses et le mysticisme,
et un poème de Thérèse qu'il reprendra dans la troisième partie,
comme il insère là, petites pierres un peu étranges quelques
phrases sur sa laideur, sur je suis trop grosse qu'il
rendra alors à Sarah Kane
pour
la dernière de ces trois vies de femmes au puissant caractère, ces
trois vies intenses à la fin tragique, ce qui est désigné comme
théâtre de la cruauté
avec
des passages de ses pièces (Anéantis, Purifiés et Manque), des
références à Artaud, le poème de Thérèse, des passages, je
pense, de lettres ou, à défaut, trouvant le ton qu'il faut pour
dire sa recherche, le langage, le rythme, la musique, ses pertes de
confiance, l'hostilité rencontrée. Ce que le programme formule
ainsi l'histoire d'un désespoir abyssal débordant d'une
telle pureté qu'il en devient une prière, et
je crois, malgré ma jambe, la partie la plus brève parce que la
plus concentrée, celle où, bien entendu, et malheureusement, les
péripéties d'une longue vie (relativement) interviennent.
(les
trois photos proviennent du site du théâtre)
Applaudissements,
public qui s'écoule en échangeant et retour dans la nuit.
6 commentaires:
Chance! aurais aimé car toujours vibré particulièrement devant Camille Claudel quoiqu'il en soit ,et de son entourage
Et Quel acteur!!
Cela me fait penser que le musée Rodin a été réaménagé...
Vous avez du courage pour une telle pièce !
de la curiosité (à retardement il était là pendant tout le off, mais j'avais vraiment peur du genre oscarisable)
et un besoin de théâtre
Arlette j'ai maintenant parfois envie d'être à Toulon en te lisant
L'acteur semble être conquis par le personnage
les, il lui en faut trois
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