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désolée, Paumée se veut à l'abri, sauf quand un acte fait déborder le vase, des allusions à la politique ambiante.. et si je suis reconnaissante aux envies de commenter je vous demande de me pardonner de rétablir la modération

vendredi, décembre 09, 2016

Une matinée avignonnaise et un coin de Paris


La pollution, juste un peu moindre qu'à Paris, touche également Lyon et on disait qu'elle allait s'étendre le long du Rhône (selon les prévisions qui ont dissuadé une amie de courir comme chaque matin, la qualité de l'air pour Avignon devait être médiocre, la première marche du très mauvais, avec la promesse d'une dégradation pour demain) mais le ciel était somptueusement bleu et je ne pense pas que là était la source de ma toute toute petite forme (sourire)
Suis allée tout de même, lentement, jusqu'aux halles parce que n'avais quasiment plus de légumes et pour acheter un long et fin saucisson italien au fenouil, petit cadeau d'arrivée pour le regroupement familial à Grignan, puisque vais fuir la vallée pendant deux jours et demi (selon la carte, absurdement, cela semble un choix douteux, le Lubéron a droit à un rouge un peu plus foncé)
et suis revenue, tout aussi lentement... croisant des pompiers surchargés et exaspérés (mais ne sais s'il y avait ce matin une raison précise)
Petites activités, migraine, et sans doute trop longue sieste...
L'atelier du Tiers.livre de François Bon redémarre pour l'hiver avec du lieu 1 – lieu point—virgule lieu http://www.tierslivre.net/spip/spip.php?article4372#txt
Il y avait 24 textes à seize heures, certains très beaux, ou astucieux, ou les deux, mais tant pis je recopie le mien, pauvret,... en souriant parce que, parmi ceux que j'aime, il y a juste après la rue de la Roquette (moi), comme dans la réalité, Belleville et Piero dit parfois «de Belleville» - plaisir pour moi de croire que je suis rentrée pour un moment (mais zut suis devenue vraiment avignonnaise, de mon tout petit coin d'Avignon, et ne suis plus chez moi là bas, comme quand je me sentais rassurée les jours de grande fatigue en arrivant à Voltaire ou même à la Bastille ou à la République et en continuant mon chemin).
Et à cette tartine (un peu modifiée, j'avais laissé passer une contradiction, tant pis pour moi), que je trouve moins passable après cette lecture, je joins l'image captée sur google-street-view pour répondre à une demande de François Bon, image qui m'a révélé les défaillances de ma mémoire (nombre d'arbres et balcons)
Penser la place ; dire la place en haut de la rue de la Roquette ; alors que ce n'est pas une place ; juste le dernier élargissement avant l'étranglement final ; la rue, le boyau vivant monté de la Bastille, est sortie toute large de la place Léon Blum, du métro Voltaire ; s'est dilatée en longeant ce qui fut la prison ; s'est dilatée pour laisser place à une allée où les piétons rêvent juste un peu troublés par les planches des gamins ; une convention non écrite a créé un couloir pour les piétons, assez large pour des duos conversant et une piste de glisse, aux frontières invisibles ; et puis des petits enclos pour les chiens et les joueurs de boules avant l'ancien portail et son petit auvent ; qui fait penser en réduction aux camps de sinistre mémoire là bas à l'est ; l'était antérieur le portail, mais depuis notre mémoire s'est garnie, et d'images tenaces ; le portail de ce qui fut la prison et qui est un jardin, aux collines artificielles avec ses petits vieux à l'entrée, répartis sur deux bancs, surveillant du coin de l'oeil la marmaille de toutes couleurs ; et puis, après la coupure d'une rue, la place, donc, prend la suite de ces enclos ; trois bancs, faisant face à la chaussée ; sont perdus au centre d'un espace que venaient peupler des scooters ; ils ont perdu la bataille les propriétaires de motos, mobylettes, scooters sur la résistance sourde et entêtée des habitants de la place ; aiment qu'elle vive les habitants mais elle est à eux d'abord ; y aurait place pour deux rangées de machines entre les bancs et la chaussée ; mais ce vide plaît, qui permet circulation de piétons, petits groupes discutant, ou rien, merveilleusement rien qu'un peu d'espace ; et puis il y a trois arbres aussi ; prolongement de ceux qui bordent les terrains de boules et chiens ; des arbres comme ça, des arbres de ville ; peut-être des platanes ; mais pas comme ceux du sud ; sans leurs boursouflures ; peut-être pas des platanes d'ailleurs ; juste des arbres comme sur des dessins d'enfants ; avec les grilles bien sûr pour voir un peu de terre ; et au fond les trois immeubles ; quatre ou cinq étages ; mêmes largeurs et différents ; subtilement différents ; de la fin du dix-neuvième siècle les immeubles ; avec des modénatures, juste ce qu'il faut pour ne pas être bâtisses ouvrières ; et sauf pour celui du centre des balcons ; immeubles très petits bourgeois ou qui voulaient l'être ; avec des façades ordonnées, des portes vertes moulurées et des cloisons minces ; n'est jamais complètement vide la place sauf entre une et quatre heures du matin ; il y a des passants, des gens immobiles qui attendent on ne sait quoi ; rien peut-être ; et les excroissances qui vivent ; le café restaurant à l'angle en arrivant au dessus du jardin, qui occupe la moitié de la première maison ; un restaurant un peu sur son quant-à-soi ; semble calme, jamais vide ; doit être de bonne cuisine bourgeoise avec clients assortis ; entre deux âges les clients ; les mêmes sur la terrasse, l'excroissance donc, en été, mais avec l'ajout de familles jeunes avec enfants, à cause du jardin ; une terrasse familiale et souriante sagement ; à la suite la minuscule avancée, toujours pour le même immeuble, de la banne qui couvre deux rangées de cageots entre lesquels se faufiler, presque, pour pénétrer dans la boutique ; l'arabe du quartier ; depuis longtemps ; si longtemps que devient un peu paresseux, ferme un peu après dix heures du soir maintenant ; et malgré le Franprix en face toujours des gens qui entrent ; pour un oubli, pour éviter la queue, chercher dans l'entassement de produits ; un fer à cheval le trajet entre les rayons ; et le vide qui se fait devant la caisse, là où il y a toujours deux ou trois types en grande discussion, avec ou sans verre de thé ; théière toujours sur petit réchaud ; le silence brusque et le vide pour ne pas faire attendre le client ; sauf s'il veut se mêler à la conversation ; rien qui dépasse de l'immeuble du centre, juste la grande vitrine d'un décorateur, toujours vide ou presque ; il ne faut pas lui confier une chaise à rempailler sans quoi le jour d'un déménagement, plusieurs mois après, elle n'est pas revenue de l'atelier et c'est un petit deuil à laisser comme un lien avec la place ; pour le troisième immeuble il y a eu longtemps un marbrier mais il ne faisait pas d'affaires ; sont plus haut les marbriers, sur le boulevard, au dessus, après le rétrécissement, face au cimetière ; alors maintenant c'est un café, resté peu fréquenté un temps, avec peu à peu des habitués, des jeunes ou des qui veulent l'être encore ; surtout en été, et des musiciens le soir ; des braseros l'hiver et plusieurs sortes de vins chauds ; une terrasse un peu morte en journée, où se reposer, ou rêver, ou lire ; prend vie la nuit, pas vraiment à la mode mais joyeuse ou qui le veut ; mais personne à l'intérieur, juste les garçons et leurs plateaux qui traversent la salle ; la boulangerie ensuite, à l'angle, face aux immeubles populaires qui avancent pour ne plus laisser qu'une rue étroite pour les derniers deux cents mètres avant le cimetière ; une vieille boulangerie parisienne qui a gardé son décor peint ; simple ici, sans personnage, mais avec des épis ; et après une succession de boulangers de raccroc un vrai avec du bon pain que l'on vient acheter de tout le quartier ; une petite queue parfois ; et des petits beurres et bonbons vendus à l'unité ; de l'autre côté de la petite rue, avant le grand café très vide, aux grandes vitres sur rien, qui survit avec quelques habitués accrochés au comptoir, une pharmacie ; une des innombrables pharmacies du quartier, sans doute celle qui est la plus fréquentée ; le salon informel du coin ; s'est transformé en salon politique il y a dix ans à peu près, au temps du referendum ; une petite femme, originaire de l'océan indien, ou qui le paraît, chaleureuse, efficace, drôle et précise ; et puis une série de boutiques, décors ou nourritures plus ou moins prestigieuses faisant face à la place ; un micro village comme il en existe tant dans Paris, lieu de passage et communauté informelle et forte.

11 commentaires:

Claudine a dit…

Magnifique texte

Brigetoun a dit…

oh ? allez lire les autres Claudine (sourire)

Dominique Hasselmann a dit…

Voyage dans le temps (la roquette n'est pas qu'une salade)... c'est pratique, l'écriture !

Brigetoun a dit…

fait revivre (en gardant le mieux - sourire)

Godart a dit…

Paris mémorisé dans sa douce mutation continuelle. Du bel ouvrage.

Brigetoun a dit…

ai vécu plus de trente ans je crois sur cette place

Anna Urli-Vernenghi a dit…

Nous avons vécu quelques années près de la place, dans cette petite rue montante, Camille Desmoulins,

Brigetoun a dit…

avons dû être voisines

jeandler a dit…

Un texte très dense.
Mes yeux pleurent.
Les mots en poussières des jours.

Brigetoun a dit…

désolée pour tes yeux (sourireà

Hélène Verdier a dit…

Un micro village, oui, et pour moi aussi comme un retour en arrière vers la rue Sedaine ( et j'aimerais bien goûter cette saucisse au fenouil) bonne soirée Brigitte et bonnes retrouvailles familiales