La pollution, juste un peu
moindre qu'à Paris, touche également Lyon et on disait qu'elle
allait s'étendre le long du Rhône (selon les prévisions qui ont
dissuadé une amie de courir comme chaque matin, la qualité de l'air
pour Avignon devait être médiocre, la première marche du très
mauvais, avec la promesse d'une dégradation pour demain) mais le
ciel était somptueusement bleu et je ne pense pas que là était la
source de ma toute toute petite forme (sourire)
Suis allée tout de même,
lentement, jusqu'aux halles parce que n'avais quasiment plus de
légumes et pour acheter un long et fin saucisson italien au fenouil,
petit cadeau d'arrivée pour le regroupement familial à Grignan,
puisque vais fuir la vallée pendant deux jours et demi (selon la
carte, absurdement, cela semble un choix douteux, le Lubéron a droit
à un rouge un peu plus foncé)
et suis revenue, tout
aussi lentement... croisant des pompiers surchargés et exaspérés (mais ne sais s'il y avait ce matin une raison précise)
Petites activités,
migraine, et sans doute trop longue sieste...
L'atelier du Tiers.livre
de François Bon redémarre pour l'hiver avec du
lieu 1 – lieu point—virgule lieu
http://www.tierslivre.net/spip/spip.php?article4372#txt
Il y avait 24 textes à
seize heures, certains très beaux, ou astucieux, ou les deux, mais
tant pis je recopie le mien, pauvret,... en souriant parce que, parmi
ceux que j'aime, il y a juste après la rue de la Roquette (moi),
comme dans la réalité, Belleville et Piero dit parfois «de
Belleville» - plaisir pour moi de croire que je suis rentrée pour
un moment (mais zut suis devenue vraiment avignonnaise, de mon tout
petit coin d'Avignon, et ne suis plus chez moi là bas, comme quand
je me sentais rassurée les jours de grande fatigue en arrivant à
Voltaire ou même à la Bastille ou à la République et en
continuant mon chemin).
Et à cette tartine (un
peu modifiée, j'avais laissé passer une contradiction, tant pis
pour moi), que je trouve moins passable après cette lecture, je
joins l'image captée sur google-street-view pour répondre à une
demande de François Bon, image qui m'a révélé les défaillances
de ma mémoire (nombre d'arbres et balcons)
Penser la place ; dire la
place en haut de la rue de la Roquette ; alors que ce n'est pas une
place ; juste le dernier élargissement avant l'étranglement final ;
la rue, le boyau vivant monté de la Bastille, est sortie toute large
de la place Léon Blum, du métro Voltaire ; s'est dilatée en
longeant ce qui fut la prison ; s'est dilatée pour laisser place à
une allée où les piétons rêvent juste un peu troublés par les
planches des gamins ; une convention non écrite a créé un couloir
pour les piétons, assez large pour des duos conversant et une piste
de glisse, aux frontières invisibles ; et puis des petits enclos
pour les chiens et les joueurs de boules avant l'ancien portail et
son petit auvent ; qui fait penser en réduction aux camps de
sinistre mémoire là bas à l'est ; l'était antérieur le portail,
mais depuis notre mémoire s'est garnie, et d'images tenaces ; le
portail de ce qui fut la prison et qui est un jardin, aux collines
artificielles avec ses petits vieux à l'entrée, répartis sur deux
bancs, surveillant du coin de l'oeil la marmaille de toutes couleurs
; et puis, après la coupure d'une rue, la place, donc, prend la
suite de ces enclos ; trois bancs, faisant face à la chaussée ;
sont perdus au centre d'un espace que venaient peupler des scooters ;
ils ont perdu la bataille les propriétaires de motos, mobylettes,
scooters sur la résistance sourde et entêtée des habitants de la
place ; aiment qu'elle vive les habitants mais elle est à eux
d'abord ; y aurait place pour deux rangées de machines entre les
bancs et la chaussée ; mais ce vide plaît, qui permet circulation
de piétons, petits groupes discutant, ou rien, merveilleusement rien
qu'un peu d'espace ; et puis il y a trois arbres aussi ; prolongement
de ceux qui bordent les terrains de boules et chiens ; des arbres
comme ça, des arbres de ville ; peut-être des platanes ; mais pas
comme ceux du sud ; sans leurs boursouflures ; peut-être pas des
platanes d'ailleurs ; juste des arbres comme sur des dessins
d'enfants ; avec les grilles bien sûr pour voir un peu de terre ; et
au fond les trois immeubles ; quatre ou cinq étages ; mêmes
largeurs et différents ; subtilement différents ; de la fin du
dix-neuvième siècle les immeubles ; avec des modénatures, juste ce
qu'il faut pour ne pas être bâtisses ouvrières ; et sauf pour
celui du centre des balcons ; immeubles très petits bourgeois ou qui
voulaient l'être ; avec des façades ordonnées, des portes vertes
moulurées et des cloisons minces ; n'est jamais complètement vide
la place sauf entre une et quatre heures du matin ; il y a des
passants, des gens immobiles qui attendent on ne sait quoi ; rien
peut-être ; et les excroissances qui vivent ; le café restaurant à
l'angle en arrivant au dessus du jardin, qui occupe la moitié de la
première maison ; un restaurant un peu sur son quant-à-soi ; semble
calme, jamais vide ; doit être de bonne cuisine bourgeoise avec
clients assortis ; entre deux âges les clients ; les mêmes sur la
terrasse, l'excroissance donc, en été, mais avec l'ajout de
familles jeunes avec enfants, à cause du jardin ; une terrasse
familiale et souriante sagement ; à la suite la minuscule avancée,
toujours pour le même immeuble, de la banne qui couvre deux rangées
de cageots entre lesquels se faufiler, presque, pour pénétrer dans
la boutique ; l'arabe du quartier ; depuis longtemps ; si longtemps
que devient un peu paresseux, ferme un peu après dix heures du soir
maintenant ; et malgré le Franprix en face toujours des gens qui
entrent ; pour un oubli, pour éviter la queue, chercher dans
l'entassement de produits ; un fer à cheval le trajet entre les
rayons ; et le vide qui se fait devant la caisse, là où il y a
toujours deux ou trois types en grande discussion, avec ou sans verre
de thé ; théière toujours sur petit réchaud ; le silence brusque
et le vide pour ne pas faire attendre le client ; sauf s'il veut se
mêler à la conversation ; rien qui dépasse de l'immeuble du
centre, juste la grande vitrine d'un décorateur, toujours vide ou
presque ; il ne faut pas lui confier une chaise à rempailler sans
quoi le jour d'un déménagement, plusieurs mois après, elle n'est
pas revenue de l'atelier et c'est un petit deuil à laisser comme un
lien avec la place ; pour le troisième immeuble il y a eu longtemps
un marbrier mais il ne faisait pas d'affaires ; sont plus haut les
marbriers, sur le boulevard, au dessus, après le rétrécissement,
face au cimetière ; alors maintenant c'est un café, resté peu
fréquenté un temps, avec peu à peu des habitués, des jeunes ou
des qui veulent l'être encore ; surtout en été, et des musiciens
le soir ; des braseros l'hiver et plusieurs sortes de vins chauds ;
une terrasse un peu morte en journée, où se reposer, ou rêver, ou
lire ; prend vie la nuit, pas vraiment à la mode mais joyeuse ou qui
le veut ; mais personne à l'intérieur, juste les garçons et leurs
plateaux qui traversent la salle ; la boulangerie ensuite, à
l'angle, face aux immeubles populaires qui avancent pour ne plus
laisser qu'une rue étroite pour les derniers deux cents mètres
avant le cimetière ; une vieille boulangerie parisienne qui a gardé
son décor peint ; simple ici, sans personnage, mais avec des épis ;
et après une succession de boulangers de raccroc un vrai avec du bon
pain que l'on vient acheter de tout le quartier ; une petite queue
parfois ; et des petits beurres et bonbons vendus à l'unité ; de
l'autre côté de la petite rue, avant le grand café très vide, aux
grandes vitres sur rien, qui survit avec quelques habitués accrochés
au comptoir, une pharmacie ; une des innombrables pharmacies du
quartier, sans doute celle qui est la plus fréquentée ; le salon
informel du coin ; s'est transformé en salon politique il y a dix
ans à peu près, au temps du referendum ; une petite femme,
originaire de l'océan indien, ou qui le paraît, chaleureuse,
efficace, drôle et précise ; et puis une série de boutiques,
décors ou nourritures plus ou moins prestigieuses faisant face à la
place ; un micro village comme il en existe tant dans Paris, lieu de
passage et communauté informelle et forte.
11 commentaires:
Magnifique texte
oh ? allez lire les autres Claudine (sourire)
Voyage dans le temps (la roquette n'est pas qu'une salade)... c'est pratique, l'écriture !
fait revivre (en gardant le mieux - sourire)
Paris mémorisé dans sa douce mutation continuelle. Du bel ouvrage.
ai vécu plus de trente ans je crois sur cette place
Nous avons vécu quelques années près de la place, dans cette petite rue montante, Camille Desmoulins,
avons dû être voisines
Un texte très dense.
Mes yeux pleurent.
Les mots en poussières des jours.
désolée pour tes yeux (sourireà
Un micro village, oui, et pour moi aussi comme un retour en arrière vers la rue Sedaine ( et j'aimerais bien goûter cette saucisse au fenouil) bonne soirée Brigitte et bonnes retrouvailles familiales
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