M'en
suis allée matin deux rues au dessus de la miene pour payer mon
loyer et puis, parce qu'il faisait doux, pour mouvoir un peu mes
jambes et pour chercher une image de façades proche de l'endroit que
je re-créait vaguement avec moult légères différences en
répondant à la vidéo 37 https://youtu.be/beyfVghfwag
de François Bon pour son atelier d'été sur le tiers livre
(rappel : toutes les contributions sur
http://www.tierslivre.net/revue/spip.php?article211)
j'ai traversé le quartier de la Balance qui, dès l'origine même si je n'étais pas avignonnaise mais passionnée d'architecture, était pour moi l'image de ce qui ne devait pas être fait (avec une vague idée de l'incorporer dans un texte à venir),
l'ai contourné, et m'en suis revenue vers l'antre, pour occuper, pensais-je, une partie du reste du jour, dans le but d'éviter de me ruer sur une contribution en réponse au charme apparent de la vidéo 39, à faire des recherches web sur la transformation programmée d'un quartier... mais il y a eu un coup de téléphone, et depuis suis bouleversée, obnubilée par mon impuissance pour accompagner une proche, l'envie de revenir il y a beaucoup beaucoup d'annéeS, quand elle était un nouveau-né et que, derrière la porte de sa chambre, je guettais le moindre pleur pour entrer et lui tenir la main, lui parler puisqu'interdiction était de la prendre dans mes bras pour me promener avec elle.. enfin une colère impuissante contre l'un des pires cancers qui soit, une horreur... écouter la pauvre voix de son mari, lui écrire pleine de la crainte d'être maladroite, jeter, recommencer etc... et donc être à mille lieux de mon programme d'origine.
j'ai traversé le quartier de la Balance qui, dès l'origine même si je n'étais pas avignonnaise mais passionnée d'architecture, était pour moi l'image de ce qui ne devait pas être fait (avec une vague idée de l'incorporer dans un texte à venir),
l'ai contourné, et m'en suis revenue vers l'antre, pour occuper, pensais-je, une partie du reste du jour, dans le but d'éviter de me ruer sur une contribution en réponse au charme apparent de la vidéo 39, à faire des recherches web sur la transformation programmée d'un quartier... mais il y a eu un coup de téléphone, et depuis suis bouleversée, obnubilée par mon impuissance pour accompagner une proche, l'envie de revenir il y a beaucoup beaucoup d'annéeS, quand elle était un nouveau-né et que, derrière la porte de sa chambre, je guettais le moindre pleur pour entrer et lui tenir la main, lui parler puisqu'interdiction était de la prendre dans mes bras pour me promener avec elle.. enfin une colère impuissante contre l'un des pires cancers qui soit, une horreur... écouter la pauvre voix de son mari, lui écrire pleine de la crainte d'être maladroite, jeter, recommencer etc... et donc être à mille lieux de mon programme d'origine.
Mais
je reprends, puisqu'à vrai dire il attend sur ce fichier depuis ce
matin, mon 37 : enfilades
On
a sonné à la porte, et en allant ouvrir il souriait, non sans une
légère appréhension. Comme il le pensait c'était elle sa vieille
voisine, souriant avec un peu de crainte, elle aussi, qui était là
plantée, tenant une petite cocote brune. Elle est entrée dans une
odeur d'herbes et levant les yeux vers lui «j'espère que vous
n'aviez rien prévu pour votre dîner... et puis à la rigueur demain
ce sera aussi bon... vous m'aviez bien dit que vous aimiez ça... et
vous êtes si gentil (il avait plusieurs fois porté son couffin
étonnamment lourd, bien trop à son avis pour sa petite silhouette)
et puis vous aviez raison, j'avais trop d’artichauts... voulais
faire plaisir, et bonne figure... c'est idiot» et en parlant elle
avançait, se dirigeant vers les fenêtres ouvertes sur la lumière
de la rue, le rempart, ses yeux furetant un peu, avec plus de
curiosité que de discrétion, comme lui même, il devait le
reconnaître, en traversant le salon obscur, slalomant entre les
petits meubles pièges, trébuchant presque sur un panier de laines,
se prenant les pieds dans un minuscule tabouret, jusqu'à la cuisine
dont elle poussait les volets pour éclairer la table carrelée sur
laquelle il avait posé sa charge, les placards de chêne jumeaux des
siens, la paillasse carrelée de tomettes rose pale, les pots
d'herbes, les petits flacons mystérieux, une grande affiche vantant
les vacances sur la côte, taguée, apparemment depuis des années,
avec un humour rageur, sous laquelle elle s'était plantée
remerciant et re-remerciant avec une ostentation joyeusement ironique
qui lui demandait de sourire avec elle de la débrouillardise avec
laquelle elle avait tiré profit de sa faiblesse. Elle tournait sur
elle-même, les bras toujours chargés, comme lui l'avait fait de
retour dans le salon, exploitant sans complexe le climat ainsi créé,
passant en revue rapidement son installation, sans insister, juste
pour y trouver un aperçu de son caractère, et ne trouvant
qu'indications contradictoires, un air de désordre – une commode
au milieu de la pièce pour y appuyer des petits tabourets encadrant
une petite table travailleuse, une chaise devant une porte, et des
paniers de livres et de bouts de tissu un peu n'importe où – et
l'autorité avec laquelle chaque objet semblait affirmer sa place,
comme les deux piles de vieux recueils de journaux posées sur le
sol, encadrant la fenêtre centrale, et posant enfin sur ses bras
tendus la cocote, elle a jugé «c'est très vide, c'est beau
ainsi... mais...» et elle pointait le menton vers les piles de
livres (lui aussi) posées bien soigneusement au sol au centre de
chaque panneau que les moulures anciennes, vestiges de temps plus
glorieux, dessinaient sur les murs... ce à quoi, pendant qu'elle le
suivait vers sa cuisine, jumelle de la sienne, il a répondu qu'il
n'avait pas trouvé de bibliothèque qui les respecte. «C'est drôle
de voir ce que chacun fait de son logement, même quand ils sont
presque semblables... pas tout à fait c'est vrai» et puis «vous ne
devez pas faire souvent la cuisine» et en rentrant dans la pièce
principale «mais j'aime bien vos fauteuils» devant un fauteuil
paillé bourgeoisement rustique qu'il avait trouvé dans une ferme
vendéenne et qui le suivait, préféré, depuis des années. Il lui
a offert de s'y asseoir, a proposé un café, et pendant qu'ils
buvaient, les yeux flottant sur la rue vide, le ciel au dessus du
rempart, ils ont joué avec l'idée de deviner les cadres dans
lesquels vivaient leurs voisins, les habitants de leur pâté de
maisons. Pour la maison mitoyenne, un foyer de personnes âgées qui
devait prochainement être transféré hors les murs, il était
malheureusement facile de deviner qu'il n'y avait pas grand chose en
plus du strict nécessaire, un strict nécessaire de métal peint et
de formica, des bagages avec quelques souvenirs, une pipe chérie que
l'on n'avait plus le droit d'utiliser, des livres rescapés de
bibliothèques dispersées, une vieille robe chargée de souvenirs,
des photos, des paquets de lettres et un embryon de collection de
boites de bonbons et de chocolats cadeaux des enfants quand ils
venaient. Elle avait bien connu les anciens propriétaires de la
petite maison qui suivait – deux étages percés de trois fenêtres,
deux au rez-de-chaussée à côté de la porte – «J'y suis allée
quelquefois au début, quand mon amie gardait ses petits enfants –
elle est morte – c'est différent maintenant, mais charmant,
d'ailleurs en bas sa fille a gardé quelques meubles de ses parents,
de beaux vieux meubles de la région... au premier étage dans les
chambres d'enfants c'est plein de couleurs et puis des meubles et
objets venus de Casa et d'Ikéa, moins solides qu'il ne semble, ils
ont rapidement porté trace des jeux, des coffres débordants,
beaucoup d'ordre chez l'ainée, des petites faïences souvenirs de
vacances et des posters extatiques, une joyeuse pagaille chez les
autres et au dernier étage ce sont quelques meubles anciens ou en
osier, de beaux tissus, des fleurs, toujours beaucoup de fleurs selon
la femme qui l'aide parfois, un métier à tisser et bien entendu une
très grande tapisserie occupant presque tout un mur...». Pour la
battisse suivante, la plus belle, le seul hôtel particulier du 18ème
de la rue, les tentures des hautes fenêtres du premier étage
parlaient d'un décorateur, lui imaginait des antiquités sobres,
belles de leur seul bois, un ordre calculé, des pièces figées dans
l'attente d'un photographe, elle a secoué la tête «pas certain,
ils aiment l'audace dans cette famille, enfin une audace consacrée,
des meubles contemporains signés, un mélange... et puis sans doute
un autre mélange parce qu'elle aimait bien la fête, la grosse fête,
vous voyez, autrefois, et que ce n'est pas avec quelques heures de
femme de ménage...». Enfin, pour la dernière, le libraire
d'ancien, ils se sont mis à rêver d'un étage transformé en
caverne aux trésors.
7 commentaires:
Le ciel en déversoir sur Carcasse
Toutes mes pensées pour votre sœur et sa lutte contre la souffrance, écrire son amour est la seule manière de l’aider dans son combat.
ce n'est pas ma soeur, mais ma cousine et filleule (et si nous nous voyons maintenant à de très très longs intervalles le lien est très fort… et puis c'est vraiment une horreur ce cancer là)
Tristement je t'envoie des pensées pour secours et prières pour supporter cette misère tu as des ressources d'écriture merveilleuses et tu trouveras les mots qui soulagent je crois fermement au soutien imprévu de la vie qui va
Je tembrasse
ai envoyé ma lettre… reste à savoir comment me tenir au courant sans les envahir (je pense que Toulon une fois encore sera la source)
Bon courage, le ciel vous aidera... :-)
Dominique, comme tous, mais c'est surtout elle, son mari, ses enfants et petit-enfants (enfin pour certains ils sont tout petits) et frères qui en ont besoin (ma filleule et cousine, liens espacés mais forts et tendres)
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