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désolée, Paumée se veut à l'abri, sauf quand un acte fait déborder le vase, des allusions à la politique ambiante.. et si je suis reconnaissante aux envies de commenter je vous demande de me pardonner de rétablir la modération

mercredi, août 12, 2020

L'ordinaire et le cinéma

départ dans la lumière qui bouffe tout et une honnête chaleur dans la ville et ses (merci à eux même s'ils m'encombrent parfois) visiteurs

trois heures avec deux paires successives de garçons (très distrayante dernière heure avec mes deux guinéens entre déterminants, pronoms et sociologie française)

et retour point tant lasse cette fois...

mais comme l'avais décidé ce matin, reprends, sautant trois contributions, à ma participation aux textes https://www.tierslivre.net/revue/spip.php?article614 (32 mardu à 19 heures dont je n'ai lu pour le moment que 12 ou 13) autour du cinéma pour l'atelier d'été de François Bonhttp://www.tierslivre.net/spip/spip.php?article4929

Le cinéma dans ses salles

Dans la file assez courte qui commence devant la seconde table installée dans le jardin, se forcer à la patience indifférente, puisque là il s'agit d'être présente dans la salle pour ce petit film militant, jeter un pont par dessus toutes ces dizaines d'années où les films n'étaient que désir, assez vite chassés finalement – un manque de plus dans la construction d'une créature cultivée est-ce vraiment important pensait-elle pour ne pas regretter ce qu'il pouvait y avoir d'essentiel, de vrai, dans la construction, dans une image (il n'en manquait pas d'images surgissant à l'énoncé d'un titre même s'il renvoyait à un autre temps), une voix, une phrase, que l'on ramenait comme des cailloux chargés de tout un monde, parfois, de ces plongées – , refuser la crainte des regards qui d'ailleurs ne vous regardent pas, refuser la sensation de solitude dans cet alignement de petits groupes, s'amuser d'une conversation et regarder le ciel et puis viendra le soulagement en pénétrant dans la pénombre, gagner le premier rang, la gauche, et puis parce qu'il y aura débat, pour éviter la gêne d'être nez à nez avec l'auteur, son représentant ou quiconque porteur de micro, passer au second, et s'invite dans l'esprit la salle Garance dans l'ancien Pompidou – avant les réaménagements – et ce même recul pour laisser à Jean Rouch sa place... reviennent aussi les séances qu'elle pouvait caser dans son emploi du temps, pendant la semaine – était-ce une semaine ? qu'importe.. – du « cinéma du réel », la beauté de ces films, surtout ceux venus d'Asie centrale qu'on ne voyait que là, qui lui faisait renouer avec l'envie de cinéma qu'avait rongée la détestation des horaires fixes, l'obligation de prendre un film à son début, par leur beauté plastique, la lenteur qui laissait l'espoir de percer ce qu'il y avait derrière les visages, les objets, la nature et ces mots qui s'affichaient trahissant vraisemblablement ceux qui n'était que musique inintelligible, et puis la dernière année où Rouch présida (ou du moins c'est ce qui lui semble) le « Cinéma du réel » l'émotion de cette soirée d'hommage, où était-ce donc ? à Chaillot lui semble-t-il mais elle se méfie de sa mémoire – Cette timidité, cette importance stupide donnée aux autres qui la chassaient des salles, et pourtant... autrefois, entrer, s'avancer derrière la loupiote de l'ouvreuse, devant un magma d'images qu'on ignore parce que les pieds priment, s'asseoir et prendre dans les yeux la vibration dure des casques surmontés de cornes, de becs d'oiseaux de proie, de bois de cervidés, la méchanceté somptueuse se détachant en images palpitantes sur la glace, la messe des chevaliers teutoniques, rentrer son estomac sous le choc, se rassurer devant les puissantes épaules d'Alexandre Nevski, c'est faire injure à la construction du film, à l'intelligence d'Eisenstein mais c'est parce que le premier contact fut celui-là qu'elle est entrée avec force, comme en plongeant, dans le film avant de le redécouvrir dans son ordre à la séance suivante, œil neuf, devenu presque intelligent, du temps où c'était encore possible. C'était où ? dans son souvenir érodé par les dizaines et dizaines d'année, ce devait être au Mac Mahon où elle allait surtout pour les films de Boetticher... ce plaisir d'être membre d'un petit clan de fans – ah le souci d'enterrer les morts –, c'était donc du temps des films de fin de semaine, de la philo ou de la première année d'école d'archi, avant les films cueillis en sortant de la faculté de Médecine, sur le chemin du retour vers sa rue de Sévigné, dans les cinémas de la rue Saint André des Arts (c'est de là que lui est venu son amour pour Fellini, même pour certains des films de la fin comme La voce della luna qui étaient considérés comme mineurs, mais.. l'entrée dans Rome et dans Roma.. la pinède de Juliette des esprits et la tendresse qui vient en se projetant intérieurement la petite silhouette blanche, le sourire timide et fier sous le chapeau blanc, de Giulietta suivant l'opulence de sa voisine et puis... les grands, mais là c'était au temps du 14 Juillet Bastille et de l'obligation d'arriver au début qui a fini par lui être insupportable, physiquement, l'ennui de la file d'attente réveillant chaque fois ses douleurs... là pourtant certains Godard, La rose pourpre du Caire, cette surprise, qui n'était pas encore banalisée, de la traversée de l'écran, et les Woody Allen suivants, les deux ou trois Romer qu'elle aime et ceux dont elle est sortie en cours de film, exaspéré, par ce qu'ils contiennent à ses yeux de mauvaise littérature, et surtout, parmi les Kurosawa, ces deux splendeurs de la fin – les DVD sont dans une pile pour lui permettre de s'y blottir, même si certaines scènes la secouent toujours – Ran le gigantesque et Dreams avec les soldats morts sortant du tunnel, deux ou trois films de Raoul Ruiz qui ont créé un besoin qu'elle assouvit avec une série de DVD, regardant surtout la beauté, l'onirisme de La Ville des Pirates et de son écho dans le mystère en blanc éblouissant et gris, ou qui semblent gris, de Point de fuite, mais ce sont films pour petites salles recueillies ou pour contemplation solitaire... alors pendant que la file, maintenant, s'ébranle, va pénétrer dans la véranda d'Utopia, elle s'échappe encore, retrouvant l'envie, le besoin de cinéma – pourvu que le film engagé vers lequel elle avance en contienne un peu ! – et c'est au Champo ou un autre des cinémas de la rue le visage radieux de Monika ou La nuit des forains et le boulevard Saint Michel parcouru avec une amie retrouvée après la philo en cherchant le courage de quémander à un passant les quelques sous qui leur manquent pour acheter leurs billets. 


Codicille : ce qui a fini par sortir là, parmi ma collection d'impressions d'une qui a aimé il y a très longtemps le cinéma, s'en est lassée avec l'obligation des files d'attente qu'elle fuit toujours (y compris pour les expositions quand elle n'avait pas un pass ou sa carte des Amis du Louvre pour les éviter) et puis l'a remplacé par la musique et le théâtre qui prenaient tout le temps que lui laissaient les heures de bureau et les chantiers et une notable partie de l'argent qu'elles lui rapportaient. Ce qui s'était ratatiné humblement devant les échanges Facebook avec leur culture et leur sérieux, avec la présence parmi les contributeurs de ceux dont c'était à un titre ou un autre le métier (par contre l'envie de lire ce qu'ils pourraient en livrer) jusqu'à ce qu'elle retrouve la naïveté de son rôle (indispensable, comme au théâtre) de membre de cette masse, le public. 

2 commentaires:

Godart a dit…

Tous les cinémas du Boul'Mich ont disparu, remplacés par des boutiques de fringues qu'on appelait autrefois vêtements quand ceux-ci s'avaient se tenir. Le Champo a résisté grâce à son classement en monument historique par Jack Lang. Plus guère d'étudiants qui déambulaient au quartier latin et qui osaient comme vous , sans vergogne, quêter pour les 3 sous manquants. Toute une époque que votre texte a le mérite de faire revivre un peu.

Brigetoun a dit…

Une très tr!s ansienne époque, l'amie A et moi avions sans doute 17 ou 18 ans et j'en ai 78 (sourire) oui ça a changé