Jour qui a bien commencé avec ménage, écriture, enfin, de ma contribution au #12 de l'atelier de François Bon (reste un doute sur la qualité)
départ dans un air délicieusement tiède, dans le bleu, la lumière, les ombres, deux heures et demi de travail en bonne humeur dont j'espère qu'il restera quelque chose, avec six garçons
et un retour sous un ciel à nuages baladeurs, en passant acheter un nouveau sac à dos à bas prix mais avec une petite crainte cette fois, qui me fait honte, pour trouver un ordinateur qui refusait d'ouvrir certains sites (mon agrégateur, twitter, Facebook, d'autres) et une flemme incommensurable... en conséquence de quoi (bon ça c'est la suite du travail de cet après-midi) je recopie mon petit texte pour le #11 de l'atelier du tiers/livre « des mains » https://www.tierslivre.net/spip/spip.php?article4931
Ses, leurs mains
Le corps courbé vers la serrure, la main posée sur la pierre râpeuse pour se soutenir, le contact familier et puis soudain une fulgurance qui tord le muscle en remontant depuis le doigt qui saigne à nouveau, un peu, un juron au moment où la clé tourne, où le corps force l'entrée et le bras retombe inutile, pendant que la main qui tenait la clé monte, épaule de travers, pour venir bercer les doigts égratignés. Le sac coule à terre, quatre pas, un sourire en regardant la main abimée posée sur la table – le sale con, le petit idiot même pas assez lourd ou décidé pour l'amocher vraiment en la piétinant, presque timide était, juste une envie de plaisir dominateur – d'ailleurs cela ne saigne plus mais c'est vraiment pas beau et boudiou que ça élance. Le robinet archaïque empoigné, tourné par la bonne main, la gauche, libérant un filet d'eau glacée sur la pantelante qu'il commencerait presque à prendre au sérieux n'était la bourrade amicale du pompier tout à l'heure, n'était la danse douloureuse à laquelle il oblige les phalanges écorchées à demi-repliées – et que leurs bosses soient de même taille que les petites boules du robinet lui est un petit sourire, un moment de préciosité et d'auto-ironie – , n'étaient le soulagement cruel de la morsure froide, l'effet du cachet avalé et la vue de la rondeur de fonte noircie qu'il découvre sur le plan à côté de l'évier et ce qui se devine de doré à travers les mailles incongrues du panier retourné sur le plat. Il pense {l'Aurélienne} et c'est presque comme une main posée sur son poignet. Il attrape, froisse maladroitement, pour s'en faire un pansement qui tient comme peut, le torchon qu'elle a abandonné à côté du plat et retourne vers la table, la feuille qu'il découvre maintenant, qu'il lit penché sur elle, déchiffrant cette écriture maladroite qu'elle a, ses longs doigts ossus serrés – il l'a vue faire souvent – comme un bec de canard autour du crayon auquel ils impriment de brusques embardées, des volutes, des courbes insensées contre lesquelles elle grommelle, et il s'émerveille une fois encore que ce soient ces mêmes mains qui s'affairent avec force, précision, remplaçant la souplesse enfuie par l'agilité, quand il s'agit de doser, de pétrir, faire monter une sauce, cuisiner, même s'il ne faut pas compter sur elle pour enfiler une aiguille, recoudre un bouton. La tourte est, dit le mot, l'annonce de la visite de Mahmoud le sage, le jeune, et de sa guitare, qui doit passer ce soir avec la petite pour faire de la musique et puis peut-être pour demander quelque chose. Il regarde sa pogne appuyée sur la table, le truc entortillé qui pend au bout de son bras, les tendons gonflés, le tambour posé près du lit, le couvercle de métal contre le mur, il grimace et puis il sourit en pensant aux mains encore un peu grasses, douces de Mahmoud et aux années d'efforts qui lui manquent avant qu'elles deviennent, si cela arrive un jour, les serres puissantes, déformées, dont il rêve.
Codicille : sais pas pourquoi une tendance à la prolixité précieuse contre laquelle je ne suis pas arrivée à lutter vraiment – faute de le vouloir en fait – même s'il y avait une main de femme, une main de niot qui arrivaient avec plein de gestes et contacts et que j'ai coupées résolument.
6 commentaires:
Le manuel reste indispensable au virtuel... :-)
quel beau texte !
Dominique, il n'est pas tout à fait impossible (voir les malheureux sui en sont privés) mais vraiment très difficile de se passer de mains
Claudine merci
Très beau texte merci
merci
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