le ciel retrouvé, les premiers petits éléments encore discrets d'une mise en ordre festivalière, petites notations sur mon chemin ce jeudi matin... avant de me rencogner entre cour et antre.
Pour revenir à mon petit tour à Calvet mercredi, et à cette exposition organisée en collaboration avec l'Ecole d'art d'Avignon sous le titre de l' « Artiste en Majesté », réunissant (en fait entassant comme dans un Cabinet) une centaine d'oeuvres, peintures, dessins, sculptures, photos, allant du XVIe au XXIe siècle (mais je n'en ai retenu qu'une faible partie, privilégiant celles que la petite vieille bancale pouvait saisir et voir réellement en s'appuyant en équilibre un peu indécis sur sa canne), par le grand trompe-l-oeil installé (n'ai pas noté l'auteur?) au dos de la cheminée faisant frontière, à côté d'un extrait des « lettres familières écrites d'Italie à quelques amis entre1739 et 1740 » de Charles de Brosses dont je recopie un passage (pour mon plaisir)
« Il faut passer deux fois le Rhône pour arriver à Villeneuve. On entre dans la Chartreuse par un portail d'ordre composite... une allée... conduit à la maison où on nous donna un frère, peintre, pour nous faire tout voir. Il nous mena d'abord dans son cabinet de tableaux, où je vis en entrant un morceau dont je fus si satisfait qu'il mérite une longue place dans ma narration. Au fond de la chambre est un chevalet sur lequel on a posé un tableau pas tout-à-fait fini, représentant l'empire de Flore, dont l'original est du Poussin. La palette du peintre et ses pinceaux étoient restés à côté du tableau. Au-dessus, sur un morceau de papier, le dessin ... » bon, comme je ne suis pas Charles de Brosses et que la photo existe j'en reste là.
L'exposition, joyeusement fourre-tout, comporte des portraits de peintres, sculpteurs, ou artistes d'autres disciplines (c'est à dire en fait des écrivains) et même des caricatures, comme ces petites charges de Jean-Pierre Dantan (le jeune https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-Pierre_Dantan ) représentant je ne sais qui et Horace Vernet présentées au dessus de Corneille et Molière, petites terres de Gabriel-Clément Brunet (Avignon 1835-1869) études d'après les statues de Jean-Louis Brian dont les copies encadrent (les originaux seraient au Thor) l'escalier de l'opéra.
Pour continuer avec des portraits d'écrivains, celui d'après Edgar Poe, bronze à la cire perdue d'Henry de Groux, daté de 1911-12 ou le petit médaillon, œuvre d'Henriette-Marie de Chazelles, marquise de Baroncelli-Javron, représentant Frédéric Mistral.
Revenant aux peintres et sculpteurs, les bustes, œuvres de Louis Parrocel (né en 1865) portraits de deux de membres plus célèbres de sa famille (ici Louis, peintre, 1634-1703),
un portrait de Signac vu de dos, crayon attribué sans certitude (mais avec une probabilité assez forte) à Seurat...
Picorant toujours, un rien en désordre, dans ce qui était là, un portrait-souvenir de Delacroix (datant de 1864-66) par Cézanne
un beau portrait (Florence, XVIe avec ?) du sculpteur Baccio Bandinelli (1488-1560) pierre noire, gouache noire et blanche peut-être ajoutée à posteriori (et reflet fenêtres XXIe siècle)
un dessin au crayon noir de Sébastien Norblin de la Gourdaine représentant Merry-Joseph Blondel au chevalet
le portrait de Léautaud par Emile Bernard
le non moins beau portrait, anonyme, à la plume, encre brune, crayon de couleur et sanguine du peintre Philippe Sauvan (1690-1792) sur son lit de mort
le portrait d'André Gide par André Bourdil ainsi évoqué par ce dernier (trouvé sur le bulletin des Amis d'André Gide, et tant pis je copie parce que j'ai bien aimé)
« Gide me réconforta. Cet échec m'avait démoralisé et je craignais d'avoir subitement tout oublié de la peinture. Je revins deux jours après. Je pris une feuille de papier, un vulgaire papier à croquis, que je fixai à l'aide de deux pinces sur un grand carton à dessin, posé sur une chaise. Gide, à ma demande, s'était installé dans sa chambre, à sa table de travail. Il avait pris une pose qui lui était familière : la tête inclinée sur un livre, délicatement soutenue par sa main droite, le coude vigoureusement appuyé sur la table. Il lisait. On ne pouvait s'empêcher de songer à Zurbaran. Au premier plan, des livres, un paquet de tabac, une boîte d allumettes. Dans une construction triangulaire, Gide s inscrivait, en veste blanche, cette veste blanche aux larges revers, dont les mouvements de palmes suggéraient une arabesque, un faisceau de lignes de force qui devaient rythmer le tableau. La pièce baignait dans une demie-clarté. C était un lieu intime. Le lit, les meubles, les valises et toutes sortes d objets indéchiffrables prenaient des proportions secrètes. Il y avait des ombres profondes et des teintes grises qui enveloppaient avec précaution les rares déchirures de lumière. Pourquoi avais-je choisi une feuille de papier ? Par peur. Pour ne pas me prendre au sérieux. Pour me tranquilliser. Pour me convaincre que je n'avais pas à être ému.. »
Et comme je suis vraiment très longue, je bâcle en posant simplement quelques auto-portraits, en commençant justement par in des deux d'André Bourdil présent dans l'exposition
suivi, en pagaille, par Nicolas Mignard (vers 1655)
Yves Brayer (in memoriam d'un ami d'enfance qui fut son élève)
Vernon Blake à 26 ans en 1901
Paul Guigou (1869 avec reflet 2021)
et pour finir en beauté une lithographie d'un autoportrait "au chat" de Tsuguharu (j'apprends son prénom) Foujita de 1927 (l'un des 50 exemplaires).
5 commentaires:
Le bronze "à la cire perdue" s'imposait pour Edgar Poe.
Et beau portrait de Gide ! :-)
oui une découverte pour moi André Bourdil (l'auteur du portrait de Gide)
De ce "capharnaüm", je retiens le portrait-souvenir de Delacroix, de toute beauté, à la fois sobre et si expressif, d'une présence inouïe.
Et Vernon Blake à 26 ans : grandeur et gravité. j'aime.
un dessin de son bureau par Paul Valéry je crois, vu il y a une quarantaine d'années me fait rêver encore
Claudine, il manquait dans l'exposition (sourire)
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