M'en suis allée dans belle lumière et belle chaleur, vers une heure trente, portant mon masque avec l'orgueil de m'agacer des innombrables esprits libres s'attachant en priorité aux détails insignifiants comme le port de ce truc sur le visage, vers l'arrêt de bus proche de la gare, attendant avec gens souriants et courtois, faisant trajet avec une partie des dits, vers la Fabrica (petite appréhension en pensant à sa terrifiante climatisation)
profiter un peu du jardin et de l'ombre avant de m'installer dans la salle pour les 3 heures 55 annoncés (m'étais engueulée en découvrant le matin cette durée et renoncé à partir avec le billet pour le spectacle – déjà vu, une politesse – au théâtre des Halles puisque n'avais que dix minutes pour faire le trajet, en fait j'aurais pu y aller puisque le spectacle de la Fabrica a été, contrairement à ce qui se passe trop souvent, réduit, accéléré, condensé peut être, au fil des répétitions et ne dure plus qu'un peu plus de trois heures... mais ce n'est pas plus mal, la fatigue endormie pendant le spectacle me tombe dessus ce soir) de « Fraternité, conte fantastique » de Caroline Guiela Nguyen, un peu perplexe devant le résumé figurant sur le programme « Dans ce conte fantastique, une partie de la communauté humaine a disparu quand l’autre va passer son temps à se guérir de cette absence. », mais confortée par le bon souvenir que j'avais de « Saigon » le spectacle qu'elle avait présenté à Avignon en 2017 avant qu'il soit donné à l'Odéon « https://www.theatre-odeon.eu/fr/saison-2018-2019/spectacles-1819/saigon_1 et en tournée
Ai pu descendre m'installer royalement au premier rang là où on ne sent pas la clim mais juste une fraicheur confortable, assise sur un banc rembourré entre mon chapeau et mon sac et, jambes allongées, découvrir ces précisions « 2021. Un cataclysme fait disparaître subitement une partie de l’humanité. Il ne reste aucune trace de celles et ceux devenus absents. Pour combler ce vide et maintenir active la mémoire, intime et collective, de cette disparition, s’invente un nouveau type de centre social : les « Centres de Soin et de Consolation ». Là, les humains soignent l’absence, luttent contre l’écoulement du temps et l’effacement des souvenirs. La formidable diversité des récits qui émerge alors métamorphose ces destins tragiques en un conte, dont les chants reconstruisent un avenir fait de résonances étoilées, presque mythologiques. Pour dessiner une communauté à la fois singulière et résiliente, Caroline Guiela Nguyen a cherché pendant plus deux ans des personnes capables de créer et d’incarner le second volet du cycle de créations qu’elle consacre à la notion de fraternité. Et aujourd’hui, ce sont des comédiens, professionnels ou amateurs, parlant des langues diverses et âgés de 16 à 79 ans, qui se présentent à nous pour révéler la force poétique et fantastique de nos réalités, tendre vers la part de futur contenue dans notre présent. »
Alors même si la fable est cette fois-ci un peu trop « fable » (à peine mais assez pour que ce puisse être une réserve) elle arrive à être convaincante à cause justement de ces humanités et puis il y avait pour qui a fréquenté peu ou prou un groupe de bénévoles le côté réjouissant, critique mais tendrement, de certaines des techniques et méthodes dérisoires par lesquels des humains tentent d'aider et consoler d'autres humains (d'autant que là les bénévoles sont eux même en attente du retour de leur disparu-e) et des petites luttes de pouvoir, désaccord, que l'on arrive toujours à régler.
Pendant l'entracte dans l'agréable enclos, ai pris les quatre pages distribuées, l'entretien qu'elle a donné pour présenter son spectacle « … . Le point de départ du film vient de ce que m’a raconté un détenu après avoir revu sa fille qu’il avait quittée enfant et retrouvait, quatre ans plus tard au parloir, jeune femme. Il m’a confié ne pas avoir pu la reconnaître pleinement.. » et puis sur l'écriture « j’ai donné à l’équipe un texte sans dialogue, dans lequel je raconte le spectacle d’un point vue littéraire et esthétique. Ce récit originel a été ensuite mis à l’œuvre avec les comédiens, le scénographe, le costumier, le créateur sonore, lors d’improvisations et de temps de recherches. La pièce s’est donc écrite à travers ces échanges. Au départ, nous n’en connaissions que les grandes arches narratives : la période, la durée, et surtout le lieu. C’est en réalité ce lieu, qui est un centre de soin et de consolation, qui a structuré le projet, a guidé sa construction et sa distribution. Il s’inspire des centres sociaux que nous avons visités, de leurs fonctionnements, de leurs missions, des activités concrètes qui s’y déroulent, des hommes et femmes qui s’y retrouvent parce qu’ils ont besoin d’aide pour trouver des réponses aux événements qu’ils traversent. ... »
alors ai suivi avec amitié ou pitié Dan Artus, Saadi Bahri, Boutaïna El Fekkak, Hoonaz Ghojallu, Maïmouna Keita, Nanii, Elios Noël, Alix Petris, Saaphyra, Vasanth Selvam, Anh Tran Nghia, Hiep Tran Nghia, Mahia Zrouki, (et je ne sais quel est parmi eux le grand homme en blanc à la merveilleuse voix de contre-ténor)
Retour sous les merveilleux nuages et fatigue en repassant les murs, ou plutôt lassitude forte mais pas désagréable.
et plaisir de lire ce soir une bonne critique dans le Monde https://www.lemonde.fr/culture/article/2021/07/07/a-avignon-caroline-guiela-nguyen-sur-le-chemin-de-la-consolation_6087325_3246.html
5 commentaires:
Fable, fabula, Fabrica : il y a forcément un lien... ;-)
Dominique, commentaire qui me fait si largement sourire que ne chercherai pas d'autre réponse - bonne journée à vous
Ô ! Comme j'aurais aimé être là, sur ce "chemin de la consolation"... "Fraternité", un mot si bon et magnifique, très souvent oublié et qu'il est essentiel de réanimer et de mettre en pratique.
merci pour ce partage
et bon jour
Maria, ce qui me console, avec les gens c'est le succès croissant de cette jeune femme (invitée maintenant par grands théâtres)
Maria, oui il est merveilleux... dans un autre genre mais justement, il y avait deux slameuses alliant tonique et émotion
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