M'en suis allée un peu après dix heures, bras frissonnants dans le mistral, point tant fort puisque ne l'avais pas deviné en regardant l'olivier fou, mais qui s'amusait avec élan sur ma montée depuis le fleuve, jouait avec ma jupe pour me faire trébucher (malicieusement mais sans réussite) et fouettait la lumière et le ciel,
monter vers la place du palais, attendre un bon quart d'heure devant l'entrée en frictionnant mes bras et parlant mistral avec des « étrangers »,
subir en souriant un contrôle pass et un contrôle sac, avant de pénétrer dans la billetterie, et là grougnasser parce que, billet pris, je découvre la dernière lubie de l'organisation qui nous fait ressortir, marcher le long de la façade du palais d'Innocent VI, grimper l'escalier du « palais des congrès » à la jointure des deux palais papaux, à l'angle de l'aile des familiers, pénétrer, grimper un nouvel escalier vers une longue salle, suivre un circuit entre des rubans (suis passée dessous) vers de nouveaux contrôles pass et sacs, assez distraits,
monter un court escalier pour déboucher en haut de l'escalier descendant dans la cour d'honneur,
longer l'intérieur de l'aile que nous venions de longer de l'extérieur.. je morigénais mes jambes pour leurs plaintes et leur tremblement, leur ai donné raison en rentrant à nouveau dans le groupe de salles de la billetterie pour, audio-guide refusé, ressortir par seconde porte dans la cour.
Là, en vieille avignonnaise qui n'avait ni envie, ni temps, ni force de redécouvrir le circuit, les salles, le cloître, les divers escaliers, le grand Tinel etc..., fixant résolument un sourire sur ma rouspétance, j'ai pris un raccourci... salué le dessous du plateau,
grimpé en savourant mon temps les deux volées de marches tendres du grand escalier, toisé avec plaisir la cour à travers la grande fenêtre comme le faisait le pape, mais sans m'adresser aux quelques membres du peuple présent
regardé, au dessus des jeunes-vieux-mais-pas-tant assis sur le banc du portail, une partie des détails d'icelui parce que je l'aime et que reprenais mon souffle
avant de pénétrer dans la grande chapelle pour découvrir les œuvres que Yan Pei-Ming avaient conçues pour elle (et l'été 2020) et qui ont attendu sagement un an pour être montrées en 2021 (accompagnées d'une rétrospective à la collection Lambert qu'irai voir plus tard)
me tournant d'abord vers l'extrémité ouest où il a installé un grand triptyque : trois grand autoportraits, en artiste, en pape, en homme de la rue (“Je peins des portraits mais je m’intéresse plus à l’humanité qu’à l’individualité.”) au royaume du noir et blanc comme la plupart du temps avec lui et comme à sa grande exposition 2021 (il n'a pas arrêté de peindre pendant la pandémie) à Colmar « au nom du Père »,
au royaume des larges touches qui se rencontrent, se recouvrent, « Quand je suis arrivé en France j’essayais de faire des esquisses, mais souvent l’esquisse était plus vraie que la peinture, alors j’ai supprimé l’esquisse et maintenant je fais l’esquisse dans la peinture, comme ça je peux changer et modifier avec la peinture : ainsi tous les doutes sont dans la peinture » (émission sur FC) et devant les grand panneaux alignés, la longue prédelle, occupant un côté de la nef,
me suis autorisée une jouissance perplexe, n'identifiant que le cri de la chauve-souris à droite, et les vols et devant lire un article sur Artpress https://www.artpress.com/2021/06/25/le-chef-doeuvre-du-moment-yan-pei-ming-au-palais-des-papes/ pour préciser mes impressions et apprendre que cet exode tumultueux de chauve-souris est une protestation contre la façon dont l'homme leur a fait supporter la responsabilité de la pandémie aux animaux « Ce sont les animaux qui sont en exode, s’indigne le peintre. Dernièrement, on a vu quinze éléphants sauvages errer dans la capitale du Yunnan… Maintenant, ce sont les animaux qui cherchent la Terre promise ! »
A l'extrémité est de la grande nef, là où devait être l'autel, entre les deux grandes fenêtres lancéolées, un très grand crucifix (dont le visage à nouveau est un autoportrait) regarde avec souffrance cet exode.
Un petit tour dans la grande sacristie du Révestiaire pour saluer les gisants d'Innocent VI en sa demeure et de trois ou quatre autres papes, sous une fenêtre ornée, je ne sais en quelle occasion, au XVIe siècle des armes de PieV.
Redescendre l'escalier (en prenant temps de saluer un vieil ami)
passer le nez, faire quelque pas, dans la belle Grande Audience de Jean de Loubières et entreprendre la suite de couloirs, escaliers, me menant au labyrinthe de la boutique et trouver enfin la sortie, un mistral presque totalement tombé par bonheur pour embouquer la rue Peyrolerie qu'il aime tant.
12 commentaires:
Belle expo que vous nous permettez de voir - vous étiez... "prédelle" - et grâce à ce labyrinthe que vous avez suivi sans vous décourager !
Ce peintre chinois "esquisse" en effet tout un monde qui a pris son pays dans le collimateur (le racisme s'est développé ou exprimé, notamment à Paris), lors de la découverte du marché de Wuyan.
Le pape actuel a parlé d'"acte d'amour" pour la vaccination : il devrait venir en résidence à Avignon ! :-)
il faudrait négocier avec le "Palais des papes" pour qu'on lui rende une place chez lui mas il ferait un bon produit d'appel (bon suis pas gentille avec les administrateurs de cette Société qui font ce qu'ils peuvent - sourire)
Suivons Brigetoun en Ariane . . . Merci.
Yan Pei-Ming, je suis tellement admirative de son travail... et comme cela me plairait de le visiter en ce lieu là... merci pour cette visite... j'aime
Piere une Ariane dont le fil quintuple au moins le chemin normal
Mais l'autre exposition (beaucoup plus importante ici a lieu à la collection Lambert... fat que je tente d'y aller avant fermeture, et il y a Colmar
Oh quel régal, les peintures, les commentaires. Bien fait de passer.
oui Claudine, parce que ça me fait plaisir (sourire)
Je vous suivais les yeux fermés dans ce parcours difficile, confiant dans votre expertise du lieu... sans me douter que vous nous meniez presque en Chine ! tant l'art de ce Yan Pei-Ming apparaît impressionnant !
il n'aime que les grands tableaux (ou il préfère) et là il en a profité
Je suis allé à la collection Lambert. Ai tellement aimé les peintures drapées de Mimosa Échard entre vieux crépi toile cirée et autres surfaces qui se collent comme sur une vieille table, et ces roses ces rouges... Tout cela rythmé par des assiettes zen qui allègent la pièce et font place aussi au soleil.
Et les photographies de Jérôme Taub leurs installations leur non photographie qui fait penser à tant de recherches d'atelier.
Gabriel y vais aujourd'hui (mon budget devient trop limité ... )
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