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désolée, Paumée se veut à l'abri, sauf quand un acte fait déborder le vase, des allusions à la politique ambiante.. et si je suis reconnaissante aux envies de commenter je vous demande de me pardonner de rétablir la modération

jeudi, août 12, 2021

Lassitude, reprendre atelier et prolonger Paumée d'un ou deux jours


Paumée se meurt lentement, ça me navre un peu, et j'ai besoin de vacances au moins sur le net (à l'exception de petits passages atelier), j'avais donc décidé de reprendre ici ma participation au #P8 (un texte sur un personnage désigné par « tu » comme le fait Charles Juliet dans la première partie de « Lambeaux » en cherchant à redonner vie à sa mère), de continuer (pour moi parce que pas contente de ce qui vient un peu à contre Brigitte en tentant « faire un livre » mais têtue) de travailler en commençant par le #L8 (lyrisme) et de mettre en vacances, au moins pour une quinzaine de jours, ou plus, ou infiniment plus, Paumée et Brigetoun avec ce billet...


Matin mal dans ma peau (avais oublié mon traitement) douche, un peu de repassage, redresser une bougie, et attaquer, pleine d'enthousiasme, le #L8 qui m'a très fort résisté ou qui s'effilochait... l'ai abandonné au bout d'une quinzaine de lignes (à jeter ou rapetasser et poursuivre) et m'en suis allée un peu avant seize heures, saisie en sortant de l'antre par la belle chaleur qui brûlait les pierres et les corps,


pour aller marcher à l'ombre dans Calvet et voir ce que donnait l'accrochage de quelques œuvres venues de la collection Lambert en contre-point. Comme le pensais n'ai quasiment rien découvert mais retrouvé avec plaisir, ai souri à des malices, ai pris trop de photos, ai marché un bon peu dans la ville en sortant, et suis rentrée fortement découragée à l'idée de trier, attribuer, les différentes images... donc je remets cela à demain, et pour aujourd'hui reprends mon approche d'une femme que j'ai beaucoup aimée et finalement trop peu connue, et vais chercher quelque chose de bien idiot... ou une musique qui me fasse voguer comme une cantate...


#P8 - pas cent ans

Tu occupes, dans le grand appartement (assez grand pour que le ménage de votre fils aîné le partage avec vous) qui fut votre dernier adresse – votre dernier achat, votre couronnement, bien plus haut que les abords du port –, la grande chambre, celle qui fait suite aux pièces de réception et s'ouvre sur le parc de Galland, et maintenant que peu à peu tu as laissé la direction à ta belle-fille aînée comme, dans ses dernières années, bien après avoir vendu son prospère commerce de faïences, ton mari avait glissé doucement, laissant place à son fils, hors de son rôle de pater familias, ne gardant de ses activités que son intérêt vigilant pour l'école de cadres de marine qu'il avait fondé, la présidence de la société nautique et de deux ou trois associations, mais depuis ton univers de meubles sombres et sculptés, de velours et de cuivre repoussé, qui sent un peu le renfermé, un peu le musc et la violette, tu règnes, discrète déesse tutélaire, petite créature frêle, au visage de pomme blette, dans tes robes de cotonnade molle violette, noire ou grise à petites fleurs blanches, ou de taffetas noir, avec tes rubans de cou brodés ou garnis de perles, tes manchettes et mouchoirs de dentelle, ton chignon qui ne conserve plus de sa gloire qu'une petite pelote blanche au sommet de cheveux qui ne bouffent plus guère et le fin duvet blanc qui entoure ta bouche et te fait ressembler à une gentille musaraigne, et ta bru te dirige avec respect, t'honore et fait à sa guise comme le veut votre accord tacite qui la rive, avec tendresse et mouvements d'humeur soigneusement bridés, à toi et à ton service jusqu'à devoir te tenir lieu d'infirmière pour les soins les plus intimes, seule tolérée par toi, jusqu'à ta mort un peu avant tes cent ans, à l'époque où ne te reste quasiment plus que cette exigence de ta fantaisie, celle qui te pousse à quatre-vingt-dix ans à exiger de porter des pyjamas à fleurs et à faire une fugue dans les rues d'Alger au moment de la liesse de l'indépendance, celle qui te fait décider que : non, lorsque auprès du cadavre de la troisième des six sœurs que vous étiez, l'une, ne sais laquelle, des suivantes, se tourne vers toi et avec la rude familiarité des tribus te signale que tu es la prochaine, et de fait tu t'obstine à vivre avec plus de persévérance que les plus jeunes de cette tribu de jeunes filles à marier, bien élevées dans un couvent de bonnes sœurs, photographiées autour de votre mère veuve de son ex charron devenu entrepreneur de mari, elle qui trône, un peu écrasée par vos jeunesses et vos robes, au centre de l'image, avec la dignité mais aussi la rudesse simple qui lui vient de son enfance difficile, de ses parents morts de fièvre à Mustapha, toutes filles qui font des mariages plus ou moins bourgeois, même si, dans ton cas, ce mariage vient tardivement puisque tu as trente ans lorsque tu rencontres les trente et un ans et la superbe moustache de ce marchand de porcelaine que tu accompagnes, un pas en arrière comme il se doit, mais bien présente – même si tu apparais rarement lors des petits reportages dans le principal journal d'Alger sur des réceptions d'amiraux ou notables de métropole ou de bals où tu dois pourtant être présente, mais n'es qu'englobée dans l'allusion finale aux dames élégantes, forcément élégantes, sauf une ou deux fois où on évoque ta robe blanche ou noire – dans son accession au rang de notable, assez installé pour présider l'association des commerçants, et pour avoir moyen et temps de se consacrer de plus en plus au monde de la voile et des armateurs, avec une passion qu'il transmettra à vos trois fils.


8 commentaires:

mémoire du silence a dit…

Portrait d'une belle femme, une approche à la Charles Juliet touchante et réussie. Cela peut être le portrait d'une grand-mère tant aimée et peu connue. J'aime sa fossette au menton, j'aime les fossettes au menton, surtout chez les femmes, cela les embellit, leur donne assurance et un air de jeunesse inaltérable.

Brigetoun a dit…

quand l'ai connue sa jeunesse était très très altérée (sourire) restaient les bouffées de fantaisie

Claudine a dit…

Elle a passé le flambeau à Brigetoun, Brigitte, Bri et Carcasse

Brigetoun a dit…

qui abandonne... ça devient grotesque
merci Claudine pour votre passage

r.t a dit…

Du souffle ! ça m'étonnerait que ce soit la fin !
Et puis, se revendiquer de Charles Juliet quand, au fond, l'écriture semble regarder vers Claude Simon...
mais ça soulignerait peut-être ce côté souffreteux. En tous cas merci pour ce beau début.

Brigetoun a dit…

aucune revendication ! n'oserais pas l'imaginer ... par contre de Juliet il y avait le "tu"

r.t a dit…

Je ne vous supposais pas sérieusement "revendiquer" cette relation littéraire. Mon excès de langage était volontaire, je me le suis permis car je connais votre finesse de lecture, il me permettait surtout d'envoyer une petite pointe indirectement à un auteur qui, pour moi, est beaucoup trop souvent et inexplicablement mis en avant (alors que lui-même est plus que modeste et que ses écrits ne sont pas remarquables, mise à part la première partie de Lambeaux). Pardon pour vous avoir heurtée, je devrais savoir que quiconque écrit est forcément sensible à ce qui peut toucher sa création.

Brigetoun a dit…

c'est à moi de demander pardon ! ma réponse était souriante et ne contestait surtout pas votre gentil commentaire (simplement flattée que l'influence de Simon soit sensible)