marchant dans le gris
ai rencontré riche ourson
des sourires nus
et un jeune ami devant
un écrit de Louis XV
brèves plaisanteries, pas d'engagement pris pour l'avenir (passerai sans doute dans la semaine)
Retour en marche presque guillerette sous ciel un poco menaçant.
Et tant pis, désolée pour ceux qui se risquent encore ici, je reprends le cours de l'histoire des deux frères cosaques à partir du billet https://lescosaquesdesfrontieres.com/2013/12/12/les-fils-de-la-staroste-4/
Dans la bibliothèque Oksana plaidait, Borislava tournait en rond en secouant négativement la tête
«- c’est à ton tour de commencer demain
– mais là, c’est spécial, je ne sais pas comment ne pas les ennuyer, les enfants, ou ne pas les faire ricaner… on était en plein élan, et il faut que je vienne expliquer, préparer les surprises… c’est toujours difficile et un tantinet, ou très, ridicule ces moments, tu sais en France on appelle ça la croix de ma mère
– la croix de ma mère ?
– oui, ces révélations stupéfiantes, grâce à un bijou, une petite chemise, un grain de beauté ou une lettre…
– puisqu’en Ukraine on n’a pas de mot pour ça, que ce n’est pas prévu, qu’on ne sait donc pas faire, c’est à toi de t’en débrouiller
– raisonnement spécieux ma belle, et d’ailleurs c’est le conte qui le veut, et il est ukrainien le conte, non ?
– C’est ton tour, non ?
– Oui, c’est bon, passe moi le livre…»
et elles ont continué à discuter, à préparer, à résumer, avec des rires et de presque jurons de veilles femmes dignes et délurées.
Le lendemain, Oksana a joué sur sa bandura les premières notes d’une vieille chanson, le maître l’a entonnée, les enfants, sur un signe de lui, ont repris, mélange de voix aiguës, de sourires ravis, et Borislava, en retrait, savourait le temps qui passait…
Quand les dernières notes se sont effacées, elle s’est avancée sous les regards qui la cherchaient, des bouches attentives se sont ouvertes, pleines d’attention, elle a écarté les mains, elle s’est penchée un peu vers les petites têtes
«Donc les cosaques, enflammés par Orlanko, galopaient à travers la plaine, avalaient les collines, les gués, les bois, entre le bord de la Czertomelik et Bender, pleins de colère contre leur ataman Orlik, ou Osman-Pacha. Et comme la route est longue, comme nous ne le connaissons pas cet Orlik qui doit épouser la belle Zulma, pendant qu’ils se précipitent vers lui, je vais vous raconter son histoire, juste un peu de son histoire, parce qu’elle est trop mouvementée, et puis, moi, je ne sais pas tout.
Donc Orlik, en sa jeunesse, avait été le yessaoul de Mazzeppa, chargé de toutes les négociations, il avait même été envoyé à Constantinople demander au divan son aide pour le roi de Suède et l’ataman des cosaques ukrainiens ; il avait été bon combattant contre les russes ; à la mort de Mazzeppa et du roi de Suède il s’était attaché à Constantin Horodenski, avant de lui succéder, élu et acclamé par ses compagnons, comme ataman des cosaques indépendants protégés par le khan.
Il fut glorieux. Il faisait des incursions victorieuses en Ukraine, il attirait à lui les jeunes cosaques au service des russes ou des polonais, et parmi ces nouvelles recrues, Ivan, qui était si vaillant, si bon cavalier, si habile manieur de lance et de sabre, si beau qu’il fut accepté sans qu’on lui demande son nom, sa famille, qu’Orlik l’aima comme son fils, le nomma Orlanko et en fit son yessaoul, qui le représentait, le suivait comme dans cette visite au khan de Tartarie où on lui montra Zulma – il avait rougi sous son regard, et, en silence, sans qu’il le veuille et le sache, l’amour s’était installé, discret, dans un coin de son coeur.
L’amitié entre Orlik et le khan des tartares faisait murmurer dans les rangs des cosaques, même si c’était en secret, car leur besoin du soutien du khan était trop grand.
Seulement, pendant qu’Ivan, avec l’accord de l’ataman, partait vers le château de sa mère, Orlik avait quitté le camp des zaporogues, s’était installé dans le confort, le luxe, de Bender, se laissait aller à la douceur de la vie, comme un oriental, avec eunuques et harem, jusqu’à se faire musulman, changer de nom et demander la main de Zulma, comme nous vous l’avons déjà raconté.
Mais la veille du mariage, alors que, sans que la nouvelle lui en soit venue, les cosaques volaient, pleins de fureur, vers lui, le vieux Neczaj, ce cosaque qui avait accompagné Ivan devenu Orlanko, a demandé audience. Orlik l’a salué avec amitié, lui a demandé d’où il venait, et Neczaj a répondu «j’étais auprès de la zaporogue Jeanne et j’ai une lettre qu’elle m’a remise pour toi»…
Alors l’ataman, devenu blanc, a fermé les yeux une seconde, a pris la lettre, l’a regardée un instant, et puis, sans l’ouvrir, certain en son coeur qu’elle lui apportait douleur, l’a mise dans sa poche et s’est retourné vers sa fiancée, la belle Zulma qui était là, sourire figé sur son beau visage morne et craintif.
Et ce qu’il advint, qui est plein de musique, puis de fureur, de surprises Osaka vous le dira la fois prochaine.»
Et, en sortant, Osaka l’a bousculée comme par mégarde et lui a fait une grimace.
Et le suivant
Ce soir là, quand Oksana pénétra dans la salle, le maître derrière son petit tsymbaly soutenu de quelques notes par Borislava sur une drymba (comme elle se désolait poliment d’être incapable de jouer de quelque instrument que ce soit, il lui avait dit qu’en répétant bien tous les deux, elle pourrait en jouer un peu, en contrepoint, d’une drymba ; elle avait écarquillé les yeux, dit «de quoi ?» et comme il ouvrait un tiroir pour lui montrer l’instrument «ah une guimbarde» et elle avait souri, toute joyeuse au souvenir d’un jeune camarade et du soleil qui s’endormait il y avait si longtemps dans les prés des vieilles montagnes émoussées du massif central, chez elle, et depuis elle s’était acharnée jusqu’à exaspérer tout le monde), le maître et Borislava ont accompagné, solennisé cette entrée par une lente marche s’emballant peu à peu, et après la cassure brusque qui a suivi le prestissimo déchaîné du tsymbaly, Orlanko a commencé
«À Bender le jour du mariage était arrivé, qui a commencé par un grand banquet auquel assistaient le khan, son grand vizir, douze pachas, et, en foule, des mirzas et des beys, et puis, bien sûr, l’ataman turquisé et ses invités, une vingtaine de chefs zaporogues qui lui étaient fidèles. Les cymbales et les tambours turcs alternaient avec les théorbes et luths des cosaques, les mélopées sentimentales des jeunes filles musulmanes avec les chansons lestes des guerriers zaporogues.
Sur les tables, sur les nappes d’une finesse irréelle brodées de fils d’or et d’argent, se pressaient des plats aussi exquis pour l’oeil que pour les lèvres, et dans de grands verres gravés d’entrelacs coulait – ô musulmans Amurat a dit que le vin, avec modération, était un don de la nature auquel vous pouvez goûter – l’or des bouteilles. La joie s’affichait sur toutes les faces, et les jeunes s’y donnaient de tout coeur.
Il n’y avait que cette fine silhouette, parée comme une chasse des chrétiens, qui se tenait réservée, comme dans un désir d’effacement, voile baissé pour cacher l’expression de ses beaux yeux, ses yeux que les jeunes filles chantaient… comme il convient à une future épousée, un peu davantage pourtant, mais dans la liesse personne ne s’en souciait.
Et Orlik qui boit, mange, triomphe, dresse son buste comme une statue en gloire, promène un regard fier sur l’assistance et possessif sur sa fiancée, ne doute pas que son impatience est partagée. Il lui parle, de sa bouche se déverse sur elle le flot des compliments, des comparaisons consacrées par les poètes et les chansons, elle baisse un peu plus la tête, sa main joue dans son assiette, elle ne répond pas.. et il s’assombrit, sa main va chercher la lettre dans sa poche, joue avec elle, la peur lui vient, la crainte de ce qui est écrit là, mais il ne peut se résoudre à l’ouvrir.
La nuit descend, on sert des sorbets, on boit du café en regardant la danse des jeunes esclaves, et Fatmé arrive, s’approche du khan, annonce que la chambre nuptiale est prête…»
La voix d’Oksana s’est fait douce, presque un murmure, pourtant elle porte jusqu’au dernier des enfants –
«Alors le khan fait un signe, Zulma se lève, sort avec Fatmé, qui, la porte franchie, soulève le voile, embrasse la jeune fille, écrase une larme qui veut poindre, la gronde avec un sourire triste. Alors le khan et l’ataman se regardent, se saluent, et Orlik commence à se lever…»
Borislava est venue se placer devant son amie et c’est sa voix qui continue, une voix forte et pressée.
«Mais, juste à ce moment, entre un eunuque qui annonce que la jeunesse cosaque est là, accourue pour féliciter son ataman et lui faire un cadeau. On entend un tumulte, les portes sont ouvertes en grand, les guerriers entrent à grands pas fiers, et Orlanko est à leur tête.
Mais ce qu’il advint, mais la suite et peut-être la fin de l’histoire, ce sera pour la prochaine fois…»
si par extraordinaire vous désirez le savoir (et ainsi trouver l'adresse de ce blog que gens bien plus talentueux animent désormais) cette suite se trouve sur https://lescosaquesdesfrontieres.com/2013/12/27/les-fils-de-la-staroste-6/ et la fin (avec des reconnaissances genre « la croix de ma mère », des morts et la faute d'orthographe qui me faisait écrire ataman avec deux t) sur https://lescosaquesdesfrontieres.com/2013/12/28/les-fils-de-la-staroste-7-et-fin/
4 commentaires:
Cosaques, kesako ? doit se demander Poutine, resté muré dans son image de L'URSS... :-)
oh il sait faire appel à la profondeur de l'histoire pour justifier le fait que l'Ukraine n'existe pas comme nation (en effet souvent elle ne fut pas état, ce qui ne nie pas la nation)
Ou quand une faute d'orthographe est un piège à curieux
l'ai pas fait exprès (sourire)
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