Ciel bleu dur ce matin au dessus des cours quand j'a! poussé les volets bleus mais peu à peu pendant qu'entassais couches de vêtements, vaquais, lisais, cuisinais, avalais grosse assiettée, du blanc neutre est apparu, et quand suis partie à seize heures, pour le rite des derniers samedis du mois, c'était lutte silencieuse dans le ciel.
Avançais lentement pour éviter d'être une fois de plus en avance pour mon rendez vous avec grand faux petit-fils place Pie, parce que pensais que le froid de l'hiver ne facilitait pas l'attente.
Juste à l'heure, mais j'ai piétiné pour réchauffer mes petons (son bus a eu des problèmes) avant de commencer, pendant que le bonhomme du téléphone s'occupait, à refaire le monde en parlant de la cherté grandissante de la vie (évoquant soigneusement tous deux des gens plus dans la peine que nous) et que je calmais ses espoirs d'une amélioration dans quelques mois... et comme nous étions bien partis nous sommes attablés dans un café devant deux gros chocolats crémeux... petite vieille lisant le bail du nouveau logement point trop exigu et dans le centre, espérant aussi ne pas dire trop de bêtise en répondant aux traductions des prénoms d'un pays européen à l'autre, sur la formation des noms de famille, sur les partages dans les cas de concubinage, sur les contrats de mariage, la garde des enfants... (sa curiosité est en avance, sourire)
en sommes sortis dans le soir qui descendait sous un ciel purifié par petit vent, et chacun est reparti vers sa vie.
Un autre rite mien, qui n'est valable que pour les soirées de ces ours ci, est de lire en dinant et avant de m'endormir dix ou une vingtaine de pages du « ventre de Paris » avant que le sommeil me vienne et que, parfois, les entassements de nourritures ou les rivalités des commerçantes installées, superbes, coquettes et grasses me lassent, et hier soir quand j'ai débuté en suivant les pérégrinations des deux gamins Marjolin et Cadine par la triperie, et j'ai vaillamment dégusté mon bout de cabillaud, mon mélange de riz et mon banon (même si ce n'est pas la meilleur saison pour ce dernier), ne me suis même pas souvenu de la contemplation d'une assiette de tripe que j'avais été incapable d'ingérer chez une tante ce qui m'avait valu d'être privée de dessert chez une mienne tante, en lisant cette splendide évocation
« « L’arrivage des abats dans des carrioles qui puent et qu’on lave à grande eau les intéressait. Ils regardaient déballer les paquets de pieds de mouton qu’on empile à terre comme des pavés sales, les grandes langues roidies montrant les déchirements saignants de la gorge, les cœurs de bœuf solides et décrochés comme des cloches muettes. Mais ce qui leur donnait surtout un frisson à fleur de peau, c’étaient les grands paniers qui suent le sang, pleins de têtes de moutons, les cornes grasses, le museau noir, laissant pendre encore aux chairs vives des lambeaux de peau laineuse ; ils rêvaient à quelque guillotine jetant dans ces paniers les têtes de troupeaux interminables. Ils les suivaient jusqu’au fond de la cave, le long des rails posés sur les marches de l’escalier, écoutant le cri des roulettes de ces wagons d’osier, qui avaient un sifflement de scie. En bas, c’était une horreur exquise. Ils entraient dans une odeur de charnier, ils marchaient au milieu de flaques sombres, où semblaient s’allumer par instants des yeux de pourpre ; leurs semelles se collaient, ils clapotaient, inquiets, ravis de cette boue horrible. Les becs de gaz avaient une flamme courte, une paupière sanguinolente qui battait. Autour des fontaines, sous le jour pâle des soupiraux, ils s’approchaient des étaux. Là, ils jouissaient, à voir les tripiers, le tablier roidi par les éclaboussures, casser une à une les têtes de moutons, d’un coup de maillet. Et ils restaient pendant des heures à attendre que les paniers fussent vides, retenus par le craquement des os, voulant voir jusqu’à la fin arracher les langues et dégager les cervelles des éclats des crânes. Parfois, un cantonnier passait derrière eux, lavant la cave à la lance ; des nappes ruisselaient avec un bruit d’écluse, le jet rude de la lance écorchait les dalles, sans pouvoir emporter la rouille ni la puanteur du sang.
» bon ensuite il y a encore la description des mous de bœuf qui enchantent Claude Lantier le peintre mais on passe aux bijoux et aux coiffeurs avec une ode aux postiches...
8 commentaires:
Il me semble qu'un certain nombre d'enfants ont un souvenir traumatique d'une assiette de tripes ou autres abats. On m'a raconté qu'il y a quelques décades on donnait à manger aux jeunes enfants de la cervelle d'agneau pour stimuler leur développement intellectuel. Espérons que ce n'est pas de là que provient l'esprit moutonnier ... Bon dimanche. (aujourd'hui je n'oublie pas de signer) Claudine C
la guillotine au marché... il faut s'accrocher ! :-)
Claudine quoique la cervelle j'aimais bien mais le reste... (déjà que je détestais la charcuterie et la viande)
Dominique Zola est capable d'être lyrique à propos de tout (sourire)
Ah la la cervelle rien que le mot me soulève le cœur et combien de privation de dessert 😂les pratiques avaient la vie dure ..pour reconstituer les enfants fragilisés et l'huile de foie de.morue par les privations de la guerre
et puis Arlette il y a des gens qui aiment sincèrement les tripes (cervelle, foi à-ça me soulevait moins le coeur) comme moi les fromages puants
j'ai bien ri, j'aurais bien aimé vous entendre lire ce texte admirable
moi je ne suis pas certaine du tout que j'aurais aimé, Claudine, sorry
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