Un jour où le bleu se voilait, où l'air était secoué par un souffle presque frais, où la peau des platanes semait ma place et se rangeait dans les caniveaux des petites rues, où m'en suis allée retrouver ma banque rachetée par une grosse, ce qui nous chamboulait nous et et nos habitudes, pour faire enfin virer le montant ma petite contribution à la SCI Rosmerta et vérifier que le code secret de la carte grise qui remplaçait ma carte bleue était inchangé parce que la Société Générale devrait s'offrir les services d'écrivains classiques maniant un français clair pour ses explications. Un jour où le grand hall de la banque se vidait de ses meubles, où seuls trois ou quatre employés avaient encore des emplacements stables pour venir en aide à la file d'idiots comme moi, où n'y avait plus aucun siège et où notre alignement était rompu par les allers et venues des déménageurs. Un jour où j'ai presque mimé un évanouissement digne et discret, mais pas trop, pour qu'on s'occupe de moi en me faisant pas trop attendre, il faut bien que l'âge serve à quelque chose. Un jour où en sortant victorieuse me suis offert à Monoprix, à côté une seconde robe en solde de fillette de quatorze ans, copie d'une robe d'adulte, coûtant absurdement moins cher et me permettant de ne pas marcher sur mon ourlet.
Un jour où j'ai repris ma contribution au #3 de l'atelier d'été de François Bon, emportée sans doute avec trop d'abondance et de liberté par la cheville préconisée.
Un jour où j'ai écouté en vaquant la voix d'Emmanuelle Riva lire deux courts textes de Virginia Woolf « la mort de phalène » et une petite merveille que ne connaissais pas « la dame dans le miroir » , suivie de celle de Michael Lonsdale distillant deux textes de Katherine Mansfield (différente, un peu plus rare, trop rare, tout aussi précise et délicate) « Psychologie » (surtout) et « Le baron » les deux premiers podcasts de la série « une semaine de lecture » de France Culture, choix parmi les émissions produites par Patrice Galbeau entre 1970 et 1982 sous titre de 'Bonnes nouvelles, grands comédiens » https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/serie-une-semaine-de-lectures
et c'était délicieux et intelligent, une bonne introduction au concert pour lequel ai renoncé à la projection/réunion à Rosmerta de deux films (petit regret) parce que c'était mon dernier billet pour la saison 2022-2023 à l'Opéra et parce que c'était exactement ce qu'il me fallait, qu'il réunissait 'ou présentait parce que la complicité entre eux est grande) William Christie qui n'évite le rôle de monument de la musique baroque que pas son goût toujours vif de l'entente avec de jeunes musiciens, de sa malice (une jolie ouverture qui n'appartenait pas à la sonate qui suivait mais qui était une formidable improvisation, quelques brusques pauses qui incitait le violoniste à venir le relancer jusqu'à ce que l'accord se fasse et le mouvement se termine) toujours d'un goût parfait et son côté dandy (ah ses chaussures noires fines et étincelantes et les superbes chaussettes d'un rouge éclatant) au clavecin et un jeune et passablement merveilleux violoniste Théotime Langlois de Swarte, lutin à grande frange, victoire de la musique par deux fois,
dans un programme qui nous offrait Haendel avec la sonate en ré majeur opus 1 n°13 HWV 371, sans doute sa dernière composition de musique de chambre, publiée après sa mort,
la découverte (et pas uniquement pour moi puisque son œuvre a été récemment exhumée des archives de la BNF) Jean-Baptiste Senaillé (violoniste et compositeur né et mort à Paris 1687-1730, fil d'un violoniste des Vingt-quatre violons du Roy, ensemble créé par Lully, ensemble qu'il rejoindra après études en Italie) avec deux mouvements de la sonate n°6 en sol mineur du livre I, deux mouvements de la sonate n°5 en do mineur du livre I et les quatre mouvements de la sonate n°5 en mi mineur du livre IV
un peu plus connu, mais rarement joué, Jean-Marie Leclair (violoniste et compositeur, héritier spirituel de Senaillé, d'abord connu comme danseur à Turin où il étudia le violon tout en étant maître de ballet, avant de revenir à Paris d'intégrer la Musique du du Roi (Louis XVI) puis au service d'Anne d'Orange à La Haye avant de finir au service du duc de Gramont à Paris où il fut assassiné – 15 opus de ses œuvres majoritairement pour violon et un opéra) avec la sonate n°5 en la majeur du livre I, des extraits de la transcription de sa sonate pour 2 violons en mi mineur op.3 et deux mouvements de la sonate n°2 en fa majeur du livre II
et pour finir, avant plusieurs bis dont je n'ai pas compris de quoi il s'agissait me contentant d'écouter et savourer, La Follia (sonates op.5) d'Arcangelo Corelli
Deux passages du programme
« En découvrant la sixième sonate en sol mineur du premier livre, j'ai eu un véritable coup de foudre artistique. Cette musique avait un incroyable potentiel dramatique que j'ai immédiatement associé à William Christie, dont le sen théâtral m'a toujours fasciné. » (Théotime Langlois de Swarte)
'Théotime amène son intelligence, son enthousiasme et son savoir-faire (…) Dans le milieu de la musique ancienne règne une certaine camaraderie : on aime cette musique, peut-être plus que d'autres et on partage ce sens de la découverte. A l'issue de cette expérience, je me sens tout simplement rajeuni. (William Christie)
et tant pis si j'étais presque tout en haut, à bonne distance, le plaisir était là.
7 commentaires:
Ce William Christie est décidément éternel (et le rouge ne lui monte pas au front)... :-)
oui il a laissé ses enfants Arts Florissants et Jardin des voix à Paul Agnew mais il continue : opéra et clavecin avec collaboration avec jeunes virtuoses et je vous assure le chaussettes rouges étaient du plus bel effet (toujours la jubilation intérieure et l'élégance, ça fait du bien) est de 44 un jeunot
et puis un américain qui se fait naturaliser pour l'amour de la musique en France et qui la sert si bien, sans fausses notes, ça fait plaisir
Ce vieux Wiliam sera à Beaune ce 23 juillet,(Didon et Enée, avec les Arts Florissants), un bonheur en perspective
Ravie de lire tes belles écoutes par ondes et en vrai Merci.. j'imagine du fond de mon trou de verdure
Maria, j'avoue que l'entendre comme claveciniste en duo était un rien inhabituel pour moi, un retour aux sources même si je crois qu'il continue à donner quelques concerts
il a du charme me semble-t-il ton ilot de verdure !
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