Sous un ciel bleu très pale rongé de blanc (ou le contraire) et dans un petit vent très froid pour mélanger le tout, m’en suis allée vers les halles
pour acheter quelques légumes (dont j’ai superbement loupé les photos, les admirant de trop près) et surtout pour commander deux grandes tartes salées que je déposerai samedi matin à Rosmerta pour contribuer au buffet d’un bal organisé comme chaque année par l’Association Mingalfok à Pernes, qui semble-t-il a chaque année beaucoup de succès, et dont le bénéfice sera à nouveau versé à Rosmerta
et suis revenue vers l’antre dans un air qui se faisait plus tendre… après midi entre Osiris et les malheurs de Trump le vieux fou furieux entre autres choses pendant que le ciel rayonnait (du moins chaque fois que passais devant la porte fenêtre).. et je continue en recopiant ma contribution au #20 de l’atelier d’été de François Bon, à partir d’un souvenir (assez transformé)
te regardant
Je n’ai qu’une photo de toi… J’en ai vue d’autres, y compris de ton enfance, je n’en ai souvenir que de vos trois silhouettes aux tailles décroissantes à partir de la tienne. Je n’ai de toi que des impressions presque effacées, celles qu’une enfant ou une adolescente peut avoir d’un adulte bienveillant et un peu distant. Mais quand nous avons brassé les petites photos en vrac, je t’ai reconnu tout de suite et me la suis attribuée parmi les rares que j’ai gardées. Ton image sépia, cette photo de la taille d’environ trois photos d’identité, ce portrait de ta bascule au seuil de la vieillesse, toujours ferme, calme et assuré, entier et discret à la fois, ouvert et un peu secret. Ce que fut ta vie je ne le sais pas vraiment, c’était le déroulement normal de la lignée dont personne ne sentait le besoin de faire le récit aux plus jeunes… peut-être tes enfants plus âgés que moi et maintenant disparus auraient-ils pu chercher à nous en reconstituer le déroulement mais ils n’en sentaient pas le besoin cela s’était tissé tranquillement avec leurs premières années. Je ne saurai jamais comment toi et ta femme avaient vécu ce long partage du grand appartement avec la génération précédente, quelle furent tes sentiments en prenant un jour place au haut bout de la table familiale, quand et comment il fut décidé que tu ne reprendrais pas la place du père dans les différentes sociétés créées qui moururent lentement, mais ne le quitterais pas , ne serais pas marin, officier, ne revenant qu’épisodiquement : fin de la guerre ou affectations, en Algérie comme tes frères. Je ne sais pas non plus si c’est toi qui as remplacé la goélette franche fierté de la famille par un cotre de course de la série des deux tonneaux ou décidé de la transformation de ce dernier en vif bateau de promenade familiale |en en coupant l’arrière et changeant le gréement | tel que je l’ai connu. Je suppose tout de même que ce sont les relations paternelles qui firent ta carrière chez l’armateur principal des échanges avec la métropole. Non, ce qui m’est le plus proche se retrouve sur cette petite épreuve. Ce visage rond que tu partages avec ton père et le cadet mais sans la morgue souvent affichée par ce dernier, et qui vous distingue du troisième fils héritier | en version masculine |de l’ovale du visage de votre mère. Ce qui te revient c’est de porter le souvenir de la terre, du travail et de la fraternité de la glaise même si tu ne l’as jamais travaillée, te bornant à des visites à l’exploitant | appelons le Brahim| de ces petits hectares près de l’embouchure du Hamis, à vos entretiens confiants bien que cette terre nationalisée fut travaillée par lui pour le compte de je ne sais quel organisme, , ce sont les petits yeux qui abritent leur accueil souriant sous l’arche dure et profonde des sourcils, c’est le nez droit et assez large qui découpe presque symétriquement le visage, qui aurait fait le bonheur d’une fabricant de médailles, c’est la bonhommie de la large double moustache s’écartant autour de la longue bouche aux lèvres minces sans dureté, c’est l’autorité simple, naturelle, qui ne s’affiche pas, qui est évidente sans qu’il soit nécessaire de la souligner, sans les hochets, galons, croix de la Légion d’honneur portée en cravate… Ce qui fait que tu es toi sur cette image, c’est la bonté devinée.
6 commentaires:
Énigme d'un visage ..et le souvenir et surtout ce qui en reste au cœur des suivants
Beau texte comme toujours,qui m'émeut
merci Arlette ô la fidèle (a fait un four sur l'atelier mais tant pis j'avais aimé, quoiqu'avec gêne, l'écrire
Dans votre atelier, vous ne pouvez être à la fois au four et au moulin… Belle évocation photo graphée. :-)
merci pour votre passage ! en fait j'étais à Rosmerta au festival et au moulin..maintenannt je suis paresse et pensée hors internet un peu davantage
Très beau texte, émouvant.
J'aime.
merci Maria
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