Courte marche de trois quart d’heure, pharmacie, ai posé un objet à côté du clavier, ai tenté d’écrire le #10 de l’atelier de François Bon avec l’aide d’un mug de thé mais j’étais distraite par l’écoute d’une veille émission de France Culture enregistrée le 1er Javier 1988 avec Léo Ferré et ses amis (près de six heures que n’ai pas écouté intégralement mais en bonne partie, qui m'a permis d'entendre le bon français de Chevara en passant, et j’étais si bien que n’arrivais pas à me partager — ah l’âge !).. et tant pis je recopie tout de même ma contribution au #8
Sur une branche feuillue
Assise sur une pierre blanche sous le pont jeté au ras de l’eau sur un des bras enserrant l’île, nuque, bras, jambes tendues et pieds sur les galets ardant sous le poids du soleil dardé sur moi et l’entourage, yeux sur les taches scintillantes de l’eau verte qui file, entre buissons et arbres, vers une large courbe en aval et appelle mon désir, mon hésitation, ma certitude que ne puis… Une branche feuillue, arrachée par le vent de la nuit dernière, est coincée entre deux pierres, j’y pose mes yeux, mon esprit, la force de mon désir, je la dégage, elle tourne un peu, prend le courant et nous filons (nous filerions mais je bannis le réalisme de ce conditionnel) voyant s’ouvrir devant nous, entre les deux haies, l’espace large du fleuve. Les buissons de la rive gauche que je longe tombent directement dans le courant, deux voix rieuses me dépassent, sans doute des cyclistes sur le chemin qui s’est rapproché, caché derrière la verdure. Un peu plus loin une rampe de mise à l’eau descend de la rive droite moins boisée mais tout aussi déserte, et pendant que je la regarde nous sommes prises, la branche et mon désir, dans la petite écume d’un remous… la force de la rivière qui vient se jeter dans le fleuve et nous écarte de la rive avant que nous reprenions notre sereine avancée… une petite plage, l’herbe, la petite route qui remplace le chemin de halage s’est rapprochée, les buissons reviennent mais plus espacés qu’ils ne l’étaient avant le confluent, une camionnette arrêtée sur le chemin devant le grillage entourant des remparts de parpaings entassés, en attente, aucune présence humaine, nous glissons, un trou dans la verdure en face d’un portail fermé sur l’allée d’une usine endormie à cette heure du mitan du jour, le fleuve, ou plutôt notre bras du fleuve, devient un peu plus étroit, un nouveau trou dans la verdure pour dégager la vue sur deux villas jumelles peintes de roses différents, une camionnette rouge au hayon ouvert garée à côté de la première, ni humain, ni silhouette… une bâtisse en ciment derrière des roseaux sur la rive droite, en retrait derrière un espace d’herbe rase borné par des peupliers… à gauche, au dessus des buissons, la tour et la goulette d’une usine de granulats, des arbres espacés aux troncs tourmentés couverts de lierre, un camion dont la bâche blanche faseille un peu roule vers l’amont… nous dépassons une camionnette bleue le passager a posé son coude sur la route ouverte et la radio lance brièvement l’éclat d’une voix criarde… la vue dégagée sur le terrain d’un marchand de petites vedettes blanches soigneusement alignées… un jardin potager entre la petite route et notre courant, juste avant qu’annoncée par le familier bruit de la circulation, une route importante vienne longer la rive, la dominant un peu et bordée d’un muret de béton ce qui me cache les éventuelles maisons la bordant… le long de la rive droite les voix aigües et les coques colorées d’une série de petits kayaks menés par des paires de pré-adolescents sous la garde d’un canot… le bruit d’une file de véhicules redémarrant après un feu… le fleuve fait lentement, largement, un coude… des ajoncs entre les troncs… un banc d’herbes et de plantes entre notre coulée et la route, un buisson de laurier dans le large virage du fleuve, une carcasse de péniche abandonnée et la petite vedette blanche d’un vieil anglais | du moins je le pense | penché arrosoir en main sur les pots de géranium installés sur la plage avant… un peu plus loin la rive se transforme en quai dominé par la route.. la longue péniche transformée en hôtel éternellement inoccupé et juste après, sous le cordage d’amarrage un pécheur assis incarnation d’une patience devenue absence… un joli voilier au mat replié, la rampe bordée de lauriers s’élevant jusqu’au niveau du chemin de halage qui rejoint le niveau de la route et s’élargit là où vient s’implanter le ponton de la navette fluviale, ponton contre un poteau duquel ma branche se cogne avant de tournoyer et de reprendre sa descente vers le pont qui apparait maintenant, dominé par le rocher. Des voix venues de l’île, les silhouettes s’agrandissant des piétons arpentant le pont, une femme penchée vers le fleuve à côté de la chapelle au moment où nous glissons le long de la première pile, les rires d’un enfant, le murmure des voix… le pré descendant depuis les remparts, deux coureuses en short et débardeur, un cycliste poussant son vélo, un tente fermée à coté de deux gars discutant sous le grand pont traversant… ma légère crainte en voyant arriver les proues des péniches de promenade amarrées mais le flux nous en éloigne et nous continuons notre course presque au centre du fleuve…
PS et finalement j'ai terminé le #10
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