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désolée, Paumée se veut à l'abri, sauf quand un acte fait déborder le vase, des allusions à la politique ambiante.. et si je suis reconnaissante aux envies de commenter je vous demande de me pardonner de rétablir la modération

mercredi, septembre 17, 2008

Un début d’embouteillage au coin de ma rue ce mardi matin, une presque longue attente à la poste pour re-envoyer mon cadeau de naissance (fausse adresse la première fois, étourderie qui n’est pas due à l’âge mais à ma manie de l’à peu près), une animation relativement inhabituelle dans les rues, qui ne venait pas uniquement des groupes de mon âge, en petits paquets souriants - mais un bon frais qui laissait vide les terrasses à l’ombre ( les deux terrasses ensoleillées de la place de l’horloge étaient, elles, pleines de porteurs de blousons coupe-vent et d’appareils de photo impressionnants) - des étals photographiés, admirés, mais désertés par les acheteurs - je n’ai attendu que brièvement à la poissonnerie et pas du tout pour les pommes de terre, les légumes, l’huile ou les fromages. (et je sème des traces de cette matinée dans mon incorrigiblement trop long billet, sans aucun souci de cohérence)
Après le déjeuner un trou tremblotant, alors que le vent était tombé et que la cour se risquait à croire au retour d’un reste de chaleur, réveil courbatu, yeux chassieux, tête lourde et internet à nouveau ankylosé (désinstallation, remise à neuf) - remise en état trop tardive pour que je puisse lire vraiment, même si carcasse avait été moins bailleuse.
J’ai tout de même pu retrouver ces dernières nuits l’appétit de lire, en plongées profondes

Pour une intemporalité, avec « Compagnie » de Beckett
«Mais le visage renversé pour de bon peineras en vain sur ta fable. Jusqu'à ce qu'enfin te entendes comme quoi les mots touchent à leur fin. Avec chaque mot inane plus près du dernier. Et avec eux la fable. La fable d'un autre que toi dans le noir. La fable de toi fabulant d'un autre avec toi dans le noir. Et comme quoi mieux vaut tout compte fait peine perdue et toi tel que toujours.
Seul. »

Dans la nuit de dimanche, les pages sauvées de l’humidité profonde au prix d’un gondolement surprenant, et leur contact gardait un peu d’étrangeté, de « fleurs de ruine » de Modiano, et ma lecture de la recherche à partir d’un fait divers, et de la dérive dans les remémorations du narrateur, était parasitée par mes souvenirs qui naissaient de l’évocations de lieux que j’avais assidûment fréquentés, comme lui, aux deux derniers niveaux du livre, les années 70 et un peu avant, où l’on pensait retrouver la trace du monde d’avant-guerre ou de la guerre, et les années 2000 avec leur effacement - cette façon qu’il a de faire naître les images en quelques mots que nous complétons.
« Le boulevard Saint-Michel est noyé, ce dimanche soir, dans une brume de décembre, et l’image d’une rue me revient en mémoire, l’une des rares du quartier Latin - la seule, je crois, qui figure souvent dans mes rêves. J’ai fini par la reconnaître. Elle descend en pente douce vers le boulevard, et la contagion du rêve sur la réalité fait que la rue Cujas demeurera toujours pour moi figée dans la lumière du début des années soixante, une lumière tendre et limpide que j’associe à deux films de cette époque : Lola et Adieu Philippine », et j’essayais vaguement de me souvenir si c’est au cinéma qui s’appelait je crois le Studio Cujas que j’ai vu Lola.
Et je m’arrêtais pour confronter mes souvenirs à la voix du narrateur, parce que mon étonnement que Montparnasse soit si bourgeoisement endormi et différent de mes lectures (Hemingway pour mon adolescence) a été rapidement effacé par une longue fréquentation et la rue Delambre ne m’évoque que les visites à mon immeuble préféré et parce que, quand il note : « A vingt ans, j’éprouvais un soulagement quand je passais de la Rive gauche à la Rive droite de la Seine… Tous les quartiers de la Rive gauche n’étaient que la province de Paris… » j’ai presque sursauté tant pour moi cela a été exactement le contraire, et quand j’en avais le temps je marchais de la Seine au boulevard Raspail et à l’école spéciale d’architecture, heureuse d’échapper au monde de la rue de Tocqueville et, l’année précédente, au Lycée Molière et à la mortelle avenue Mozart.

Et, commencé et presque achevé dans la nuit de lundi : « Incipit » de Daniel Bourrion -
http://www.publie.net/tnc/spip.php?article155 ‘pour la présentation, les premières pages, un extrait, et la commande que vous ferez si m’en croyez) - des pages qui filent entre un monde que je crois avoir encore un peu côtoyé enfant, et puis la force qu’il faut pour vivre, la guerre qui est affrontement de terreurs, un en allé et ses écrits qui troublent le curé :
« Dans la nuit à présent pleine, alors que la soutane ne se devinait plus derrière la tache blanche du papier, nous comprîmes que le prêtre ne s'occuperait pas de cela, qu'il ne voulait pas de ça, ces papiers-là, ces phrases-là, et qu'il nous les rendait, nous rendant dans le même mouvement à nous, nous signifiant que nous n'avions plus qu'à nous démêler de cela seuls puisque, le plus souvent, nous réglions nos histoires sans l'aide de personne, sans foi, ni loi et, surtout, sans lui«
en longues phrases qui se lisent dans un souffle, une langue merveilleuse, et ce qui l’apparente et la différencie de Bergounioux ou du Pierre Michon de « la grande Beume », sauf que la pensée se fait lourde, au niveau de la terre sombre, et que des cahiers d‘écolier et des encriers de faïence on s‘enfonce dans la guerre, sa matérialité horrible qui fait que je comprends, en retard, qu‘il ne peut s’agir que de l‘autre, celle dont sont sorties les maladies de l‘Europe. Et qu’il me reste à savoir ce qui est écrit sur ces cahiers.
Le ciel, le soir, était d’une extrême douceur, avec un souvenir de lumière et de transparentes traînées d’un rose très clair, mais il va me falloir chercher dans mes valises et sacs des pulls de laine fine.

7 commentaires:

Anonyme a dit…

le ciel est rès beau ces soirs derniers et c'est un bonheur de le contempler,merci pour ton passage chez moi

micheline a dit…

c'est un monde, c'est une cave et un grenier une maison de la cave au grenier où j'ai rêvé d'habiter mais c'était la guerre , mon petit tablier noir bien brossé ..
des souvenirs de vaches à garder et tout l'avenir des mots de lumière bien tassés dans l'avenir l'avenir c'était la guerre , le pain gelé ..
et mes méninges embrumées..
voilà le temps a passé..j'en suis encore à regarder tous ces mots de lumière bien tassés dans l'imaginaire de qui a pu les caresser....

Anonyme a dit…

Les murs de pierre, quel théâtre !

Anonyme a dit…

On est Rive Gauche ou Rive Droite: on ne passe pas d'une rive à l'autre impunément. Belle époque des studios d'art et d'essais, rive gauche, bien entendu!

Muse a dit…

je reste admirative devant ta capacité de lecture.Il est vrai que mon temps est restreint en ce moment...Je relis mes classiques, Jane Eyre en ce moment...

Anonyme a dit…

Je fait le tri entre les tomates, les poissons, les terrasses vides et les Beckett.

Anonyme a dit…

Passer de rive gauche,avec Benezet,
à rive droite c'est risqué...