aux instants où ma vieille indépendance solitaire me pèse , je ne peux oublier que nous sommes tous appartenants. Et je rephotographie (très mal) le groupe même pas total des deux premières générations (plus quelques représentants de la nouvelle) il y a trois ans et demie pour fêter-intégrer la doyenne (moi)

et quand je pense que la vie a coulé sans laisser de trace, des détails infimes et chers reviennent

les pieds dans les flaques à marée basse nous péchons des chevrettes avec nos filets iodés, les maisons grises d'un côté, la lande avec ses bunkers abandonnés de l'autre - devant, après le pont, c'est l'océan. J'ai un maillot tricoté une pièce, les soeurs n'y ont pas encore droit. La campagne, les genêts et la pointe Saint Mathieu

je fais bande à part un après midi brûlant, assise avec un livre d'aventures de la collection Rouge et Or, sur un blockhaus, sous les pins, et sur mes jambes la résine et les aiguilles de pin poissent

après un état des lieux, rue de Lille, décider de prendre du temps, donc l'autobus, pour regagner la rue Louvois, descendre du 61 après le pont et regarder la plus belle vue sur la Cité, l'Institut ouvrant sa courbe sur l'autre rive, les arbres, le parapet incurvé, et traverser les guichets, saluer le petit arc de triomphe rose gris du Caroussel et tous les plans qui se succèdent derrière lui, puis remonter la rue Richelieu après les colonnades de la Comédie et les motifs du dallage, après la grotesque station de métro berlingot et la marchande de violettes.

L'être humain est plein d'images et nostalgise à tout propos.

Sans rapport, ces réminiscences étant vraies et présentes pour moi, les phrases notées hier dans le Dictionnaire du mensonge de Pio Rossi (1581-1667)
"C'est un abus toléré par le monde que de poser un masque sur son visage, parce qu'en portant deux visages, les hommes n'en ont plus aucun ; toute à leur effronterie, en se revêtant du visage d'autrui, ils perdent le leur."