Trois vierges, deux provenant encore de ma petite soeur, la dernière de ma réserve.
Pour le plaisir esthétique, rien de religieux : après la crise mystique de la puberté, j'en suis arrivée à la certitude que je n'étais pas concernée par la religion.
Mais : j'ai été façonnée par cette civilisation - la pierre dans laquelle elles sont sculptées me parle - les pigments des fresques sont généralement locaux - l'iconographie des tableaux religieux ou mythologiques (un peu moins) m'est encore très souvent directement compréhensible.
Je peux m'enfoncer longuement dans la contemplation d'un céladon à Guimet - avoir un tremblement sacré devant une statuette africaine de certaines régions de forêt, ou une cérémonie d'initiation filmée par Rouch - aimer une poterie Nacza - admirer la sérénité d'un masque d'Ifé ou le sourire d'une statue khmère, une miniature timuride, une poutre des Célèbes, une broderie chinoise, une poterie japonaise ... plus qu'un grand tableau d'autel de Le Sueur, c'est ce dernier qui m'est proche (enfin, j'aime autant un Rubens).
Les chants hébreux sont splendides - en entendant les gnaoua, la musique souffi, les trompes tibétaines etc.. j'ai un frisson - je ne veux me priver d'aucune musique, mais j'entre dans un motet d'Alessandro Scarlatti, une cantate de Bach ou une polyphonie corse.
Je suis un résultat d'une civilisation, sans lui appartenir, avec le désir d'être acceptée par les autres (civilisations), d'y avoir accès.
Et je ne sais d'où me vient cette tirade, ou plutôt je ne sais pourquoi elle arrive maintenant.
Simplement de W ou le souvenir d'enfance de Pérec, je ne me sens pas en droit de prendre pour mien la détresse discrète de l'orphelin qui peut dire en cherchant à retrouver son enfance menacée : "je n'ai pas de souvenir d'enfance".
et ne peut que lire, mais je peux partager des détails importants comme, à propos des livres découverts alors, ..pans entiers de l'histoire ou simples tournures de phrase dont il me semble, non seulement que je les ai toujours connus, mais plus encore, à la limite, qu'ils m'ont presque servi d'histoire : source d'une mémoire inépuisable, d'un ressassement, d'une certitude... on pouvait relire et relisant, retrouver, magnifiée par la certitude qu'on avait de les retrouver, l'impression qu'on avait d'abord éprouvée.
Plus terriblement, comme pour tout être humain, la parabole de la société sportive de W, et la constatation par le novice : il y a cela, il y a ce qu'il a vu, et parfois ce sera moins terrible que ce qu'il a vu, et parfois ce sera beaucoup plus terrible que ce qu'il a vu. Mais... c'est cela seul qui sera vrai.
9 commentaires:
une forme de sérénité que j'apprécie particulièrement ce matin ...
Bonne journée Brig
merci pour ces vierges...et pour ce qu'elles représentent. Cette foi perdue quand d'autres ont mis la leur dans ces immenses cathédrales, murs de pierres et statues. J'admire leur grâce et cherche la signification de leur présence...ex voto? mise de la maison sous la protection de la vierge ou du saint?
sauf deux des présentes qui sont sur en piedroit d'église et sur un tympan, je pense qu'il s'agissait de grigris à l'échelle du paté de maisons
Avec les mains aux fresques on ne trouve plus de vierges de marbre, excusez moi ce matin je "soigne" mon inculture.
quelle chance d'avoir intégré tant de culture picturale et musicale et autres et de rester ouverte au monde, sans devenir inconditionnelle d'aucune.
Oui, j'étais aussi épatée par tant de culture artistique, musicale ... mais c'est bien parce qu'on peut te suivre et tenter d'en attraper un peu en douceur...
pas culture - fin d'une vie de dilettante
C'est en effet merveilleux, tout ce patrimoine architectural, sculptural, pictural, musical, qui nous vient de la foi, du sentiment religieux...
La religion génère parfois les pires atrocités, mais aussi les plus belles créations (du moins c'était ainsi pour les créations ; alors que les atrocités, elles, persistent).
Pour ma part, j'ai été élevée hors de toute religion, mais je m'y intéresse beaucoup... D'un point de vue extérieur.
Et moi aussi, j'aime bien faire des collections de représentations religieuses. J'avais bien énervé mon amoureux de l'époque quand, à Séville, j'avais fait cinquante photos de toutes les fresques religieuses en azulejos trouvées au moindre coin de rue. Mais maintenant, quand je les regarde, les unes posées à côté des autres, je vois les infimes variations qu'elles posent sur le même thème.
Lors de ce voyage en Espagne, j'ai véritablement été impressionnée par la force du sentiment religieux.
Les processions.
Le musée de Marès à Barcelone où, égrenant les salles, nous voyons la vierge à travers mille yeux romans qui l'ont sculptée.
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