dans la ville des pigeons (il y en a sur toutes les photos même s'il faut les chercher sauf sur la première qui est une rencontre faite jeudi sur mon chemin vers mes futurs cours d'italien pour enfants en bas âge).

La ville était si accueillante qu'à sa vieille société de pigeons s'étaient agrégés des pigeons et autres oiseaux de passage. Ils étaient un peu moins gras, n'avaient pas encore perdu l'habitude de voler sur de longues distances mais connaissaient moins bien les endroits où l'on pouvait trouver pitance ou se percher confortablement.
Pour une raison ou une autre des oiseaux arrivaient encore, et pour une raison ou une autre les humains se montraient plus chiches ; la nourriture se raréfiait.

Un petit chef pigeon, Néoly, qui voulait s'affirmer, avait été chargé de diriger les martinets ; ceux-ci diffusaient rapidement ses mots d'ordre et fondaient sur les pigeons ou moineaux désobéissants ou bagarreurs qui s'affrontaient à grands cris, en faisant voler les plumes de leurs adversaires. Sans les déplumer d'avantage, en principe, les martinets les escortaient devant les sages chouettes, arbitres et juges de tous les litiges. Mais un jour, un chef martinet chanta un peu fort que Néoly se trompait, que les martinets se fatiguaient en vain, faisaient beaucoup de bruit mais n'attrapaient pas toujours les oiseaux délinquants (qui s'envolaient avant), qu'ils devaient toujours aller dans les mêmes zones pierreuses (les bonnes vieilles familles pigeon occupaient depuis longtemps les meilleurs coins des cours et jardins) et que les chouettes, surtout la vieille près du pont, étaient trop gentilles.
Grands bruits d'aile, roucoulements, on pépiait que les martinets ne devaient fondre qu'à bon escient, quand Néoly se dressa sur ses pattes et, forçant sa voix, cria à travers le ciel que ses martinets se donnaient beaucoup de mal, ce qui était vrai, qu'ils étaient très efficaces pour empécher les affrontements des jeunes males au cou enflé, ce que tout le monde sauf les pigeons les plus endormis savait faux. Les roucoulements continuaient. Il se plaignit des chouettes surtout, vous savez, de celle près du pont. Les amis des chouettes s'agitèrent de murs en nids, de nids en branches.
Et le vieux chef que s'étaient donné les oiseaux, un geai un peu déplumé, niché dans le grand jardin qui dominait la ville, dut ouvrir un oeil et demander du calme. Surpris, un peu impressionnés, les oiseaux se figèrent un moment et puis retournèrent à leurs miettes, à leurs vers, au lissage de leurs plumes et à leurs amours.
On ne critiqua plus les martinets.
Néoly se posa sur une tête de statue au soleil et proclama qu'il était plus fort que les mouettes.
Il fut regardé avec respect.
Il est évident que je n'ai pas la moindre idée des moeurs des pigeons.
Sur unautre plan je lisais hier dans le tiers-livre de François Bon http://www.tierslivre.net/ une belle note sur la colère de certain préfet de Seine Saint-Denis et cette phrase, juste un peu plus forte que ce dont j'ai souvenance pour l'avoir vécu : je revois ces métros arrêtés, les uniformes aboyeurs dans les voitures, qui font sortir tous les couleurs sur le quai avec un vocabulaire sinistre et tutoiement d'office et les voilà parqués mains sur le carrelage, avec la main dans l'entrecuisse pour fouille au corps, et nous les blancs de blancs on reste à attendre sur nos sièges. Bon pour mes souvenirs ils restaient debouts, mais nous n'en étions pas moins honteux, et la majorité des trajets sur les lignes de Bobigny ou Créteil étaient pacifiques et endormis. Et le reste de la note est plus modéré, mais d'une belle force. ("la prison règle toutes les questions")