J'ai posé mon croquis, fait de vague mémoire, sur l'établi à côté de moi. Je regarde l'ébauche faite hier, la forme maladroite sortie des heures passées à creuser le bloc de bois. Un très bas relief demande plus de travail que je ne l'aurai cru. Il s'agit maintenant d'essayer sur quelques millimètres d'épaisseur de trouver le menton qui s'enfonce dans le vêtement, la courbe de l'épaule, l'arcade sourcilière, et la pente de la joue. Les mains, le crâne, même avec un faux souci, alibi, d'archaïsme, sont d'une gaucherie abominable. J'ai envie d'abandonner - mais je prends une gouge.
Du poêle, dont le gros tuyau de fonte amical me surplombe dans son trajet vers l'extérieur, semble sourdre la chaleur ventrale qui emplit notre abri de plastique. Je l'entends monter l'échelle, marmonner ce qui peut être un salut, tourner de bibliothèques en tables. Je baisse la tête et je m'applique. Et j'entends le bruit de la masse : il a repris le petit pilonne-stèle commandé.
Nous nous taisons et travaillons. Marie rentre du village. Autour de l'atelier la neige d'hier a tenu, et le soleil joue à sa surface. Je m'arrête et j'allume une boyard maïs - ne m'en reste plus que trois, donc je ne m'accorde que deux bouffées en regardant l'épagneul, roux sur blanc, en arrêt pour une raison inconnue, figé comme une image, tendu, tourné vers le boqueteau sombre au bas du pré. Et puis je pose avec soin la cigarette pour qu'elle s'éteigne sans faire de dégât.
Je dis : "tu as vu ton chien ?" Il marche vers la paroi, regarde et, amicalement : "quel con !" Je sens sa présence dans son dos, masse calme, attentive.
Il demande : "tu permets que je regarde ?" J'entreprends de protester de ma nullité, il ne me contredit pas mais prend une toute petite gouge.
"Laisse tomber le modelé pour le moment. Tu devrais strier le fond, des petites cannelures aussi régulières que possible."
Je regarde le bloc, un peu découragée. Il pose sa main sur mes cheveux, joue avec, rit un peu et puis : "à toute à l'heure."
Il retourne vers sa pierre, et nous recommençons à travailler, tous les deux, dans notre petite île de quiétude, jusqu'au moment où je pars pour aider Marie à préparer le déjeuner.
Du poêle, dont le gros tuyau de fonte amical me surplombe dans son trajet vers l'extérieur, semble sourdre la chaleur ventrale qui emplit notre abri de plastique. Je l'entends monter l'échelle, marmonner ce qui peut être un salut, tourner de bibliothèques en tables. Je baisse la tête et je m'applique. Et j'entends le bruit de la masse : il a repris le petit pilonne-stèle commandé.
Nous nous taisons et travaillons. Marie rentre du village. Autour de l'atelier la neige d'hier a tenu, et le soleil joue à sa surface. Je m'arrête et j'allume une boyard maïs - ne m'en reste plus que trois, donc je ne m'accorde que deux bouffées en regardant l'épagneul, roux sur blanc, en arrêt pour une raison inconnue, figé comme une image, tendu, tourné vers le boqueteau sombre au bas du pré. Et puis je pose avec soin la cigarette pour qu'elle s'éteigne sans faire de dégât.
Je dis : "tu as vu ton chien ?" Il marche vers la paroi, regarde et, amicalement : "quel con !" Je sens sa présence dans son dos, masse calme, attentive.
Il demande : "tu permets que je regarde ?" J'entreprends de protester de ma nullité, il ne me contredit pas mais prend une toute petite gouge.
"Laisse tomber le modelé pour le moment. Tu devrais strier le fond, des petites cannelures aussi régulières que possible."
Je regarde le bloc, un peu découragée. Il pose sa main sur mes cheveux, joue avec, rit un peu et puis : "à toute à l'heure."
Il retourne vers sa pierre, et nous recommençons à travailler, tous les deux, dans notre petite île de quiétude, jusqu'au moment où je pars pour aider Marie à préparer le déjeuner.
une photo, cadeau de ma petite soeur, pour me faire honte.
9 commentaires:
Continue à travailler le bois, mais arrête les boyard maïs, et toutes les autres d'ailleurs.
si elles existaient encore ! je les ai remplacées par des cigarillos - et mon radiologue parisien m'a dit "surtout n'arrêtez pas de fumer" - à vrai dire maintenant ma vie est cool, je pourrais
pourquoi donc avoir honte Brig ? il n'y a aucune raison !
C'est magnifique Brig et je suis étonnée par ton talent. Nous avons souvent des surprises en connaissant mieux les gens : ils se découvrent et là miracle, un don extraordinaire comme le tien. Continue surtout.
Le moins que l'on puisse demander à une sculpture, c'est qu'elle ne bouge pas. Dali
Mais des fois, je suis sûr qu'elle bouge :)
Merci de ton passage sur mes pages. A bientôt
c'est beau!
je fais parfois des sculptures en terre, et le processus de création est le même, les interogations, les doutes, jusqu'au moment où le sujet parle de lui même et s'impose à la matière travaillée, c'est fascinant.
en ce moment je ne fais rien, même plus le temps de bloguer, trop travail!
je ne travaille que 6 mois par an, ce qui est une chance, mais de façon très intensive...
e stasera sono stanchissima (come ogni sera)
Encore une découverte et un talent de plus !
Mais c'est ahurissant ! Comme dit Christine (coucou Christine, au fait), encore un de tes inombrables talents, marié aux mots sur chantants aujourd'hui.
Tu es simplement fabuleuse... Et visiblement, c'est de famille !
c'était il y a très longtemps - je n'ai même plus d'outils
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