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désolée, Paumée se veut à l'abri, sauf quand un acte fait déborder le vase, des allusions à la politique ambiante.. et si je suis reconnaissante aux envies de commenter je vous demande de me pardonner de rétablir la modération

mardi, juillet 31, 2007

Décidé que j’étais exportable et abandonné l’écoute de Marguerite Yourcenar évoquant son enfance et les vertus et défauts de la vieille bourgeoisie de province, pour partir faire des courses de première nécessité et, si possible, voir l’exposition René Char et ses amis.
Au détour d’une rue j’ai trouvé une évocation de ce monde, et une parenté allusive avec le souvenir de la dernière maison de vacances de la famille (en gommant la ville pour la remplacer par les abords d’un village et en faisant bien sur abstraction des tags).

Et puis j’ai trouvé une boite (il m’en faudra sans doute une autre) pour entreprendre le classement des lettres que mes parents ont gardé au long de leurs voyages, traces des multiples séparations, et en y ajoutant du poisson et divers ingrédients j’étais un peu encombrée pour me pencher sur des livres et des dessins – abandon de Char. Les affiches ne sont pas encore toutes parties, mais la rue de la République semblait quasi désertique. Changement de population, les festivaliers sont remplacés par des touristes reconnaissables à leur teint brou de noix, aux shorts des femmes, aux sacs à dos.
En prenant mon élan avant de hisser Brigetoun, la boite pleine d’impédimenta plus ou moins pesants et le sac de courses, regardé la vitrine du marchand de tapis qui est mon soubassement, constaté qu’il n’y avait rien qui me tentait réellement actuellement, et effacé le grand tapis assez séduisant en y superposant ma silhouette épaissie par une vieille robe informe, mais en coton si délicieusement doux, encore déformée par le vent.
Et l’après midi je n’ai classé que les lettres maternelles d’une partie de 45 et de 46, en évitant de lire ce qui était trop intime, mais en humant par brides l’époque et, voilée par un humour tendre, ce qu’était la vie de cette jeune femme, pas franchement préparée à cela, seule, avec trois petites filles de trois, deux ans et quelques mois dans l’hiver froid du Paris de ces années, la vie qui reprenait mais les difficultés encore, nos rougeoles, les démarches pour les paquets entre Bombay ou Hanoï et Paris, et le délais ahurissant de transmission des courriers par la poste navale, presque digne du 18ème. En plus, plaisir narcissique puisque, vu les âges, je suis provisoirement la vedette quand il s’agit des phrases. Déjà soucis de ma mère pour mon éducation, et calme flegmatique de A - déjà rivalité coquette avec maman pour l’attribution des coupons de tissus, et, au détour d’une lettre écrite sans doute par un écrivain public, et provenant de Candy, la confirmation d’un souvenir : l’amour pour moi de Mamadou, un gigantesque sénégalais, qui avait été ma nourrice sèche un an auparavant, et l’envoi à Demoiselle Brigitte de beaux savons parfumés (un trésor à l’époque) et surtout d’une robe en tulle vert criard, rebrodée, et le litige avec les adultes stupides qui ne voyaient pas combien elle était merveilleuse et ont refusé que je la porte dans la rue. Ma première et presque ma dernière (enfin j’exagère un peu) histoire d’amour, une de mes premières frustrations.
Les difficultés de logement à l’époque (hé oui) qui ont obligé ma mère à déménager avec sa nichée à Hossegor, dans un confort tout relatif, et la surprise de trouver que ma mère écrivait sacrément bien. Bon ceci n’avait d’intérêt que pour moi, mais le déchiffrage difficile des tampons pour deviner l’année, et les dérogations de plus en plus nombreuses à ma décision de ne pas lire, m’ont occupé pendant près de cinq heures. Perdu l’habitude de travailler debout et penchée sur une table. Je n’étais plus que reins douloureux, agréable changement.

Et puis un petit régal, admirer les différents coquillages sur
http://www.linternaute.com/science/coquillages-un-festival-de-formes-et-de-couleurs/
et zut, Antonioni est mort, même s'il l'était déjà pour le cinéma depuis un certain temps, je suis triste. Mon monde perd son cadre.

6 commentaires:

Muse a dit…

Ah Brig si tu savais que la malle poste doit encore exister! Les couriers que j'envoie à mon Berlinois de fils mettent encore une semaine pour lui parvenir.J'imagine que ceux de l'Empereur par plis spéciaux mettaient bien moins de temps pour rejoindre Paris! Il est vrai que je suis à Marseille, ce qui rallonge quelque peu la distance!!! Bonne journée

Brigetoun a dit…

en 45 entre Paris et le départ de France via poste nave plus d'une semaine et tampon à Saïgon ou Hanoï un mois plus tard - en 45 aussi Maman ne pouvait avoir droit à se chauffer qu'à cause de nous etc...

Anonyme a dit…

Tu t'es fait flasher sur le trottoir pour excès de flanerie...je te donne deux points en plus.

tanette a dit…

Agréable et un peu nostalgique non ? de se replonger dans les souvenirs.

micheline a dit…

le fil du temps, bien rangé dans la boîte aux souvenirs soutient notre devenir dont l'étoffe mincit avec le temps ...
et le tout fait une vie...
qu'elle te soit sans regret et sans envies extravagants...

Brigetoun a dit…

simplement curiosité et petit vertige de découvrir ce que pensait cet être gigantesque pour la créature de 3 ans que j'étais. Et refus de jouer les voyeurs.
En même temps, au détour d'une phrase, on a une peinture irremplaçable de l'époque