En voir de toutes les couleurs.Alors à vos peintures, vos couleurs à l’huile ou à l’eau, les sanguines. Parlez nous de vos tableaux, pots de peinture, pinceaux, ...etc. La palette des couleurs et des états d’âmes est à votre totale convenance pour vos mélanges de teintes.
C’était le sujet de la semaine des impromptus littéraires, et en attendant d’entrer vraiment dans la journée, j’ai pondu un bidule qui m’a mise en retard, et sans vraiment lire le sujet, ce qui fait que cela n’a pas été accepté, avec raison. (une photo piquée sur le site du Conquet)
J’apprend à voir et je m’invente des histoires, mieux que les korrigans que le recteur raconte, parce qu’ils me font un peu peur, je ne veux pas y croire. Le soleil tombe sur l’estuaire, et décolore l’eau en la touchant, blanc vert, puis un peu plus gris, jusqu’au noir profond le long de la presqu’ile de Kermorvan, en face.
Nattes dans le dos, nez humide et jupe retroussée en barboteuse, je ballade mon haveneau sur des pierres gris-vert ou noir, je guette la vie entre les algues et m’étonne de leur changement de couleur lorsque je les fais jaillir hors de l’eau.
Mes jambes sont raccourcies et d’une blancheur étrange, un peu brouillées par le clapot des canotes, et les irisations huileuses près du port - les petits crabes sont vert sombre et les chevrettes transparentes.
Comme je suis sotte mais curieuse, je tire avec mes hanches pour progresser en repoussant l’eau, sans que mon mouvement ne crée plus que des petites rides d’un vert un peu plus doux, dans la surface presque unie, jusqu’à ce rocher, mon papa et je lui demande de m’expliquer : « dis, pourquoi on les peint en rouge avant de les manger ? ».
Il regarde les bateaux qui entrent et sortent du port, dans la lumière gris pale. Il ne répond pas. Je tire sur son short. Il baisse les yeux. Je répète, et sa réponse habituelle, l’explication à tous les mystères, tombe :
« parce que la lune est verte »
Je le déteste et je l’adore.
Ceci fait, me suis décidée à partir dans la ville, pour des courses aussi exaltantes que des éponges, sacs poubelles etc… Le ciel était peuplé et l’air a toute la journée pesé mollement mais avec insistance. Je n’ai rien trouvé de plus intelligent que de m’installer dans la cour pour faire l’argenterie et les cuivres et puis, sans réfléchir, passer une couche d’huile protectrice à l’odeur persistante et entêtante sur la table. Dans l’air immobile les effluves montaient avec le soir qui descendait et mes voisins ont du me maudire, comme je le faisais.
Et, pour me reposer parce que pour une raison ou une autre (oisiveté trop longue ?) j’étais moulue, j’ai pondu une seconde version, qui me plaisait assez, et qui était acceptable (des photos au hasard en ponctuation décalée).
Bernardin revenait. Gribouille sentait sa joie l’envahir, lui donner envie de chanter, de danser – et puis, non, il revenait c’est tout, il avait tiré ce qu’il voulait des voyages et il reprenait possession de son domaine. Ne pas se faire d’illusion. Alors, pour se préparer à reprendre son rôle d’intendante, parfois confidente par la grâce de son seigneur, compagne quand besoin en était, elle a entrepris de parer la maison.
Et quand Bernardin, après le premier déjeuner qu’ils ont tous deux trouvés fort bon, après une méditation digestive partagée devant le pré d’un doux jaune vert en chute lente vers les bois sombres, est entré dans « sa pièce » il s’est trouvé confronté à un beau mur d’un blanc aussi parfait que neuf. Il a frissonné, un peu, elle a plaidé : l’humidité était effrayante, il fallait traiter, et elle lui laissait le choix de l’aspect.
Il s’est assis. Il a hésité. Impossible de se laisser guider par les règles des décorateurs, les couleurs chaudes et froides, leur influence. Il a sorti ses carnets, allumé l’ordinateur et son portable, mais le mur était là.
Le lendemain il a rencontré Julien au café, et s’est fait donner des fonds de pots de peinture. Il s’est planté devant le mur, et juste à la limite de ce qui serait son champ visuel, il a tracé une ferme ligne, un peu penchée, d’un brun profond, il l’a épaissie, doublée d’une grasse courbe rouille, les a parsemées de quelques taches mauves et bleu profond. Il s’est reculé, c’était pas mal, et c’était amusant. Mais quand il a rajouté des volutes, petites masses, pointillés, du vert jaune le plus strident au bronze, le résultat était à la fois un peu étrange mais trop « vrai », trop présent.
Il s’est assis, il a réfléchi. Atténuer. Ajouter. Cela risquait d’empirer les choses, et puis, tout de même, il n’était pas revenu pour s’improviser peintre mural, sans technique, ce qui l’humiliait un peu.
Pipe fumée, odeur du diner humée, grommellement achevé, il a trouvé sa solution, et tant pis pour les jugements (en le pensant il se savait peu sincère). Il a parcouru plusieurs fois le mur dans toute sa hauteur, avec un noir charbonneux, insistant pour obtenir une large et belle bande, presque droite, à la limite de sa tentative, juste en bordure de sa vue. Et un peu sous le plafond, il a peint une grosse boule, vaguement ovoïde, d’un orange chaud et gourmand.
Il s’est installé à sa table et il a soupiré, voilà c’était parfait.
Et quand Bernardin, après le premier déjeuner qu’ils ont tous deux trouvés fort bon, après une méditation digestive partagée devant le pré d’un doux jaune vert en chute lente vers les bois sombres, est entré dans « sa pièce » il s’est trouvé confronté à un beau mur d’un blanc aussi parfait que neuf. Il a frissonné, un peu, elle a plaidé : l’humidité était effrayante, il fallait traiter, et elle lui laissait le choix de l’aspect.
Il s’est assis. Il a hésité. Impossible de se laisser guider par les règles des décorateurs, les couleurs chaudes et froides, leur influence. Il a sorti ses carnets, allumé l’ordinateur et son portable, mais le mur était là.
Le lendemain il a rencontré Julien au café, et s’est fait donner des fonds de pots de peinture. Il s’est planté devant le mur, et juste à la limite de ce qui serait son champ visuel, il a tracé une ferme ligne, un peu penchée, d’un brun profond, il l’a épaissie, doublée d’une grasse courbe rouille, les a parsemées de quelques taches mauves et bleu profond. Il s’est reculé, c’était pas mal, et c’était amusant. Mais quand il a rajouté des volutes, petites masses, pointillés, du vert jaune le plus strident au bronze, le résultat était à la fois un peu étrange mais trop « vrai », trop présent.
Il s’est assis, il a réfléchi. Atténuer. Ajouter. Cela risquait d’empirer les choses, et puis, tout de même, il n’était pas revenu pour s’improviser peintre mural, sans technique, ce qui l’humiliait un peu.
Pipe fumée, odeur du diner humée, grommellement achevé, il a trouvé sa solution, et tant pis pour les jugements (en le pensant il se savait peu sincère). Il a parcouru plusieurs fois le mur dans toute sa hauteur, avec un noir charbonneux, insistant pour obtenir une large et belle bande, presque droite, à la limite de sa tentative, juste en bordure de sa vue. Et un peu sous le plafond, il a peint une grosse boule, vaguement ovoïde, d’un orange chaud et gourmand.
Il s’est installé à sa table et il a soupiré, voilà c’était parfait.
6 commentaires:
Le titre inspire, mais pour moi, il n'y a rien à voir avec des couleurs, quoique...
merci pour les diverses versions et la note intéressante,
j'aime partir d'un proposition, mais ensuite, voyager à ma guise, aller là où l'écriture m'emporte, sans rester trop dans des régles imposés, mais chaque chose a son utilité!
Content d'avoir pris le temps sans indulgence...
Des deux textes, je préfère le premier et tant pis pour impromptus! tout comme j'adore la réponse de ton papa et ta réflexion finale;le mien était un peu comme ça aussi!
Ma chère Amie,
Recommence encore et encore à écrire de si beaux textes ! moi j'ai une préférence pour le 2ème !
Ton talent est incroyable !
Félicitations, nous voilà tous deux en haut de l'affiche ! ;)
Bises,
OLIVIER
chez Ossiane ? ouai mais je maintiens Monsieur du Sud-est que j'ai raison et que ce ne sont pas des chamois (que feraient-ils en Corse les pauvres ?) mais des chêvres, animal sympathique et intelligent entre tous.
Olivier molo sur les éloges, tu as l'âme généreuse mais ça devient ridicule, je me ratatine dessous
plusieurs versions. comme on dit en france....work in progress. Miam mots miam! j'aime ce que tu nous offre.
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