Comme je me promenais avec mon animal favori, même si vous êtes libres de ne pas me croire, il s’est arrêté brusquement. Je l’ai regardé, j’ai suivi ses yeux et j’ai regardé la vitrine.
J’ai dit : »c’est beau. C’est un crocodile, non ? »
Mais il a grogné : « c’est surtout un os. J’en ai mal aux miens »
« me semble qu’il y avait longtemps qu’il ne pouvait plus souffrir, quand il a été entaillé… »
« taisez-vous. Mes os crissent ! »
« mais enfin ! puisque je vous dis.. »
« oui, vous devez avoir raison. Mais alors, quel irrespect ! »
« Une parure, un hommage au contraire »
Il s’est tu, il a plissé les yeux s’il avait quelque chose de ce genre et puis :
« peut-être…. Oui, peut-être. Ecoutez… »
« oui ? »
« promettez-moi.. ? »
« oui ? »
« que vous le ferez à ma mort ».
Là j’ai eu peur. « Je ne saurais pas, et puis je mourrais sans doute avant vous, et même, dans le cas contraire, il faudra attendre longtemps »
« oui, nos chairs durent.. »
« vous avez raison » et nous sommes repartis, mais il a soupiré : »vrai que c’est beau »
« ou au moins délicieusement étrange »

M’en suis allée sous un ciel qui hésitait entre bleu avec flammèches blanches, et blanc troué légèrement de bleu, vers mon gentil toubib qui après longue attente, m’a donné son feu vert pour le bébé et un traitement

et en sortant un peu avant la fin de l’après-midi, après avoir salué cette petite maison assaillie par les amours, ai décidé, comme c’était sur mon chemin, ou presque, de m’arrêter à la collection Lambert pour voir l’exposition Candice Breitz.
Constituée de : trois salles regroupant en grands panneaux des vidéos de fans de Madona (30), Michael Jakson (en pieds),John Lennon (25), d’où il ressort que les italiens de Madona sont les plus doués, les allemands de Jackson les plus laids (désolée), les anglais de Lennon les plus âgés et les plus émouvants

Il y a aussi une salle avec les « monuments » d’immenses photos fresques avec des personnages typés en hommage à des mythologies à coté desquelles je suis passée, que, honte mince, j’ignore totalement, Britney Spears, Iron Maiden, Grateful dead, Marilyn Manson et Abba. Je les ai passés en revue avec un intérêt fort léger, juste en appréciant les compositions. Il y a la dernière salle « becoming » des postes de télévision présentant face à ceux qui entrent des scènes de soap opéras interprétées par Julia Robert, Jennifer Lopez ou autres et, écouteur sur les oreilles on tourne autour du poste pour découvrir au verso, en noir et blanc, une version jouée par Candice Breitz qui selon le livret se voudrait « fan démente », que j’ai trouvé d’une réserve fort sobre, mais très jolie.
Et puis il y a deux formidables installations, la première « mothers », six vidéos, montées avec un rythme efficace, représentant « une facette, un âge, une image de la représentation de la mère dans le cinéma hollywoodien (Meryl Streep, Faye Dunaway, Julia Roberts, Susan Sarandon, Diane Keaton, Shirley MacLaine), leur image étant détourée pour éliminer décor et partenaires. Parce que comme toute fille le sujet m’importe, parce que pour l’attente chez le docteur je lisais la « lettre au père » de Kafka, ou à cause du talent des actrices et de Candice Breitz (impression d’une musique prenante) je suis restée accrochée, entre émotion et exaspération, longtemps, trop longtemps pour la suite de la journée« Faye Dunaway : Pourquoi ne peux-tu pas me donner le respect que tu me dois ?
Diane Keaton : je ne sais pas
Meryl Streep Bien, je ne sais pas
…
Diane Keaton : tu es une bonne mère Anna, tu es une bonne mère
Susan Sarandon : tu ne pourras jamais être une mère
….
Julia Roberts : je n’ai jamais voulu être mère
Shirley MacLaine : mère, mère, mère, j’ai honte d’être ta mère
Meryl Streep : je suis sa mère
Julia Roberts : tu es la Mère incarnée
Shirley MacLaine : mère, mère, mère, j’ai honte d’être ta mère »Et curieusement ( ?) dans « Fathers » qui applique le même principe avec des pères (Tony Danza, Dustin Hoffman, Harvey Keitel, Steve Martin, Donald Sutherland) par delà tout leur charme ce qui frappe c’est la présence en creux des mères, réclamées par les voix des fils, évoquées par les pères.

Emergée à temps pour aller acheter une grosse boite de bonbons pour les lozériens, confirmer le rendez-vous de vendredi, remettre à ce jeudi repassage et aspirateur et commencer à creuser les tibias de l’allongée, mollement.