Pendant que la nuit de mardi avançait, écoutant les prises de paroles introduisant à la loi traficotée sur la liberté supposée de cultiver avec ou sans OGM, jetant parfois un coup d’œil sur l’assemblée et la belle ministre tassée, semblant lasse, comme en souffrance, sur son banc, je me perdais dans le « rameau d’or » de Frazer, et la complexité, les variantes, les semblances, des histoires des déesses mère et de leurs fils ou époux tués, Aphrodite-Astarté et Adonis, Cybèle et Athys, Isis et Osiris, et leurs cousins à travers le monde.

Endormie dans cette barbarie, me suis r&veillée mercredi avec une migraine de belle ampleur et suis partie en quête de pitance dans la ville, une main pressant ma nuque puis une arcade sourcilière pour contenir et attendrir la douleur. Grimpant ma petite cote jusqu’à la place, sous un ciel entre blanc et bleu pâle, ai salué le doux vieux lion et son calme sous la caresse que jetait vers lui la plante (si jeune et discrète en vérité qu’elle a disparu sur ma photo, ou presque… tant pis)

Et, me souvenant des Sea Dayaks, rencontrés dans la nuit alors qu’ils ramenaient une tête coupée enveloppée dans une feuille de palmier (comme le divin chèvre un peu jauni que j’avais démailloté de sa petite feuille pour qu’une tranche libère dans ma bouche une multitude de saveurs, plaisir pour ma route – ne sais ce qu’il vient faire là… tant pis), la déposaient cette tête dans leur village, l’honoraient, lui donnaient de jolis noms amicaux et des cigares, pour que la forêt soit heureuse, riche et généreuse, cheminant en mélangeant leur souvenir et ma liste de courses, suis arrivée devant lui, son explosion de jeune vert et j’ai su que le printemps était installé.
Et crâne plus léger (doliprane je pense),toute joyeuse me suis fait plaisir en pensant à un bébé imminent et m’en suis revenue.

Dans l’après-midi, pendant que la complexité des points de vue se donnait libre cour (et souvent avec talent – passionnant, mais j’étais un peu perdue sauf dans la certitude de la nécessité d’une recherche plurielle et prudente) je l’ai retrouvée elle, la sauvage, qui continuait à se désagréger (jeu normal d’interventions au long d’un mois) malgré la laque dont je l’avais barbouillée, et elle se blottissait dans l’explosion des mauvaises herbes et nous nous sommes regardées, conscientes de la nullité de notre connaissance et de nos pouvoirs magiques ou scientifiques – ni les OGM imposées, ni les blessures cruelles et le sang de l’amant de Cybèle qui faisait pousser des violettes.
N’importe quoi. Que l’on me fasse la grâce de penser que je sais que le sujet est grave, que je tente (en dehors du désir instinctif mais ferme du refus de toute contrainte venant des puissants) de deviner quelles peuvent être les vérités qui se combinent, et ne les cherche pas chez Frazer ou Ovide. Expression peut-être de ce moment de l’année où il semble que la vie s’empare des arbres et plantes sous nos yeux, avec une rapidité joyeuse (et influence de ma sorcière).

Mais la migraine est revenue.