Lectures, toubib, expositions, vent, froid, transis, Paradis - photos
lundi à 11 heures, au jardin de Mons, lecture de la neuvième et dernière pour Avignon des 27 nouvelles pièces d’Europe (les neuf suivantes à la Mousson d’été, les neuf dernières à l’Odéon)

Pour l’Irlande : »Terminus Dublin » de Mark O’Rowe. Presque aimé. « Mark O’Rowe nous catalpute dans les rues enfiévrées et le ciel de Dublin, puis nous plonge profondément dans les entrailles de la terre. Trois personnes sont arrachées à leur vie quotidienne et précipitées dans un monde fantatique de serial killers chantants, d’anges vengeurs et de démon en mal d’amour ». Sous formes de récits alternés de la mère esseulée, de la jeune femme enceinte qui désire avorter, du sérial killer - histoires qui se rejoignent. Concours de trash et onirisme. Grossiéretés ininterrompues, non génantes puisque assumées comme une langue d’ailleurs travaillée jusqu’à l’irruption de rimes. Et dans ce monde désespéré et désespérant (avec tout de même un brin de comique né de l’accumulation) une histoire d’amour même si c’est avec un démon qui s’est fabriqué un corps avec des asticots.
Repéré dans le public un beau crane qui m’a semblé familier et je me demandais paresseusement dans quel spectacle je l’avais vu, et si c’était sur le plateau ou dans le public.
Un joli vent de belle grande force, pas trop sensible dans le jardin et qui allait avec un ciel lumineux.

Partie vers 16 heures 30 pour un rendez-vous avec un gastro. Et le vent, qui avait un peu faibli se révélait ne pas être du mistral, accompagné qu’il était d’un ciel blafard, presque gris.

Le toubib m'a demandé si j’ai aimé la lecture du matin, et j’ai réalisé, confuse, que le crane repéré était le sien.

Pour tuer l’heure et demie qui me séparait d’une lecture au gymnase du Lycée Saint Joseph, et comme ce n’était pas loin, je suis passée à la chapelle du Miracle, dont je ne connaissais que la façade banale et où il y a une petite exposition « Monstration - les architectures » en liaison avec le spectacle du Cirque d’ici de Johann Le Guillerm, comme la forme installée dans le jardin de l’Ecole d’art. Et j’étais sous le charme de la beauté décrépite de la chapelle, de ces constructions sans clous, et de la petite vidéo explicative. Seule pour gouter de la beauté.

Puis une visite rapide, en préface à une visite plus approfondie en septembre, de l’exposition de Douglas Gordon « où se trouvent les clefs ? » à la collection Lambert. Conçue comme un cabinet de curiosités
« Parmi toutes les raretés de cet endroit, j’ai été très content de voir leur école d’anatomie… abondamment pourvue de curiosités naturelles : des squelettes, de celui de la baleine et de l’éléphant à celui de la mouche et de l’araignée, ce dernier constituant une pièce d’un art très délicat » John Evelyn, 1641.
Et dans la grande galerie du 1er étage aux fenêtres revêtues d’un filtre, les deux très grandes projections d ‘un éléphant aussi monumentales que des statues, un espace autre, comme une salle entièrement rouge. Il y a des vidéos, Bernadette Soubirou, l’Exorciste, des mains, un scarabée je crois, des photos, des sentences sur les murs. Et j’ai envie d’y passer du temps.

Sentences aussi, pas les meilleures ou les plus drôles sur les façades.

Des rues avec vent de plus en plus fort et parades.

Harnachements contre le froid, épaules rentrées, je me suis dit que la famille m’envoyait la Bretagne, Amicalement.

Dans la bousculade pour entrer dans le jardin du gymnase, au milieu de tous ces gens qui espéraient avoir un billet, j’ai tenté d’en obtenir un pour Pommerat, en vain, mais ai pu en acheter un pour un strapontin à mi hauteur des gradins de la cour d’honneur, du mauvais coté, pour la lecture de passages de la Divine Comédie, et j’en étais ravie.

Un écho, une contradiction, des constructions vues plus tôt, et une lecture, dans un dispositif simple (un grand panneau avec la référence des textes qui étaient lus - et Olivier Py debout lisant des textes de Simone Weil - public recueilli - belles et graves choses sur l’Allemagne en 1932, la classe ouvrière, le travail en usine, la montée du racisme, la souffrance qui empêche la réflexion de se déployer, le renvoi à la judaïté (une lettre ironique au commissaire aux questions juives), et puis sur la conversion, avec le besoin de Dieu chez l’homme devant la beauté (Monteverdi) et plus encore dans le malheur avec un jugement dur sur Marc Aurèle. Et dans l’admiration pour la qualité de cette pensée et de cette foi, retrait de Brigetoun qui en est encore, et en restera, à l’idée que se tourner vers la religion quand on est dans la peine est une lacheté. Me manque cette case.

Retour d’un pas aussi ferme et rapide que possible,bousculée par le vent, pour, en trois quart d’heures, préparer un dîner, enregistrer mes photos et prendre un col roulé en soie et un saharienne en viscose, ce qui s’est révélé dérisoire.

La foule, plus ou moins couverte et gifflée par le vent

Et puis à l’intérieur, dans la cour, il se déchaînait. Pas assez de couvertures et donc pas pour moi. Les silhouettes des acteurs secouées en dessous de nous, jupes et pantalons claquants, feuilles soulevées.
Les premiers vers, en italien, par Serge Maggiani, qui ensuite prendra les mots de Virgile, et puis Valérie Dréville détaillant les mots, la pureté et la mobilité de sa voix, mon amour de ce texte. Au chant V de l’enfer quand le vent secoue les luxurieux, la voix, le corps de Dominique Valadié, Francesca de Rimini, semblaient lutter contre lui.
Peu à peu des départs, toujours trop bruyants sur ces escaliers. J’ai dégusté en me recroquevillant de plus en plus les trois chants de l’Enfer, supporté les deux premiers choisis dans le Purgatoire, et m’en suis allée, le froid atteignant mes os, après l’âge d’or dans le chant des poètes, très fière des félicitations des placiers sur ma démarche silencieuse.

Le temps d’implorer un café chaud dans la bousculade de la Civette, et de terminer le trajet, le Purgatoire était dépassé et j’ai écouté, dans la douceur de mon antre les deux chants du Paradis et la voix de Michaël Lonsdale